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Lotfi Achour, metteur en scène et cinéaste : «Le cinéma m'apporte beaucoup plus de liberté»
L'ENTRETIEN DU LUNDI
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 01 - 2017

Auteur, metteur en scène et producteur de théâtre et de cinéma, Lotfi Achour a écrit plus de 25 créations théâtrales sur différentes scènes. Depuis seulement quelque temps, il touche au cinéma. Son premier long-métrage Demain dès l'aube est sur nos écrans. Il nous a accordé cet entretien.
Avec Demain dès l'aube, vous vous positionnez dans le rôle du cinéaste-chroniqueur... Ce film s'est-il imposé à vous comme un devoir en quelque sorte ?
Je crois que l'artiste peut être dans différentes «postures», différents rôles et différents points de vue selon le projet auquel il s'attaque. Et ce changement d'endroit où l'on se met pour créer est quelque chose qui m'amuse et m'intéresse.
Demain dès l'aube est un film qui, sans traiter de la Révolution à proprement parler, traite de notre mémoire collective de cette Révolution à travers le vécu intime de trois jeunes, auxquels beaucoup de Tunisiens pourraient s'identifier. J'ai donc voulu rallumer une flamme, celle de l'espoir qui s'est littéralement emparé de nous début 2011 et poser des questions au spectateur, en le replongeant dans la nuit du 14 janvier et en l'amenant à s'interroger lui-même intimement sur ce qu'il lui en reste, sur ce qu'il en a fait individuellement. A-t-il abandonné son désir de changement d'un pays qui était une grande prison? A-t-il encore quelque chose de l'énergie de 2011? Le pessimisme que nous vivons et la confiscation du pouvoir depuis six ans par la contre-révolution vont-ils l'emporter sur le rêve d'un vrai changement progressiste?
Je suis donc moins dans la position du chroniqueur dans ce film que dans la position de celui qui pose les questions, sans jugements et sans manichéisme, ce qui est aussi dans le rôle de l'artiste.
Le sujet de la justice transitionnelle dans ce pays semble un problème qui vous interpelle ?
Oui absolument, je me sens entièrement concerné par ce sujet. Non pas dans l'objectif de la vengeance mais dans celui de la restauration de la dignité de ceux qui ont souffert d'une part et également pour qu'on lève le voile sur des tabous très sclérosants et qu'on comprenne le fonctionnement de la violence, de toutes les violences qu'on a vécues depuis des décennies : physiques, psychologiques, économiques, politiques, sociales.
On voit à quel point la société tunisienne est devenue violente actuellement. Et je pense que c'est parce que les Tunisiens sont déçus et laissent libres les parts les plus sombres en eux.
Le film parle des oubliés de la Révolution, de ceux qui sont morts ou qui sont restés handicapés à vie. Personne ne veut les voir, personne ne veut les reconnaître vraiment. On veut bien leur faire l'aumône en les indemnisant, mais il n'y a pas de réelle considération et plein de gens aimeraient qu'ils soient comme effacés de l'Histoire.
Il faut se souvenir par exemple du refus catégorique de reconnaître les victimes du Bassin minier, alors que c'est là que tout a commencé. Le travail de justice transitionnelle n'a pas été fait et dès 2011, les arrangements politiques et mafieux ont pris le dessus. Certains partis qui ont pris le pouvoir en 2011 ont utilisé la responsabilité des cadors de l'ancien régime pour les racketter, les ramener à eux, utiliser les réseaux du RCD pour les élections, en blanchissant une grande partie des responsables et de l'argent mafieux qui circulait, etc.
Il y a eu quelques boucs émissaires, mais pas de travail en profondeur sur les démons qui nous poussent vers la violence.
Je pense que cela n'a pas eu lieu non plus parce que l'histoire du régime de Ben Ali contient également des complicités qu'on ne veut pas dévoiler. Des complicités de révolutionnaires de la 25e heure qui trempaient dans les compromissions de toute sorte avec Ben Ali et son régime. Et qui se sont retrouvés parmi les vainqueurs.
Et puis, diaboliser le régime de Ben Ali sans débat contradictoire arrangeait tout le monde peut-être, y compris les bailleurs de fonds. On est encore une fois maintenus dans l'ignorance, comme si c'était tout ce qu'on méritait. Mais je pense que les vérités prendront beaucoup de temps à être révélées et ça se fera grâce notamment à des artistes qui travailleront avec des historiens honnêtes, des responsables de l'ancien régime, des juristes, des acteurs de la société civile, etc. Dans 40 ou 50 ans... (sourire).
On ne sait pas si on doit aimer ou détester la Tunisie après avoir regardé ce film... Selon vous, tout serait dichotomique dans notre réalité tunisienne ?
J'ai toujours pensé que parler des choses, les montrer, était plus intéressant et productif que de les taire et mettre le couvercle dessus. Et c'est une des fonctions de l'art, faut-il le rappeler. Donc dévoiler la part moche de l'humain ne doit pas jouer comme repoussoir mais comme catharsis pour le spectateur.
Ça aide à se comprendre soi-même et à avoir de l'empathie.
Oui, la Tunisie d'aujourd'hui a des parts très laides et une grande violence régit les rapports humains. Mais elle a aussi de l'énergie et du désir. Nous sommes dans un moment de combat et de résistance et il faut que les forces du progrès gagnent ce combat contre l'obscurantisme qui cherche à s'immiscer partout dans nos vies, notre langage, notre culture, notre intimité, nos rapports humains et sociaux. Le film montre une grande beauté de ce pays, sa diversité sociale et naturelle. Et les spectateurs sont très sensibles et émus par cela.
Donc, j'espère que le film va faire aimer encore plus le pays malgré tous nos travers et nos difficultés du moment et donner surtout envie d'agir positivement.
Le flash-back était-il un choix simplement narratif ou obéissait-il à des choix esthétiques ?
C'est un choix essentiellement narratif. Le film se passe trois ans après 2011 mais l'histoire trouve son origine dans la nuit du 14 janvier, donc on a eu recours au flash-back par nécessité. Mais c'est toujours amusant de se confronter en tant que réalisateur à un procédé de narration et de voir comment on fait soi-même avec ça.
C'est au théâtre que vous avez fait vos armes, mais ce n'est que récemment que vous êtes passé au cinéma. Pourquoi ce changement de média ?
Oui, mon parcours a été beaucoup plus dans le théâtre avec plus de 25 créations sur différentes scènes dans plusieurs pays, mais le cinéma m'a toujours attiré. Et si j'ai mis du temps à me décider à m'y consacrer, c'est parce que je travaillais à un rythme assez soutenu au théâtre et non par manque d'intérêt pour le cinéma. Donc à un moment donné, le passage de l'un à l'autre m'a paru naturel, d'autant plus qu'il y avait beaucoup de cinéma dans mes spectacles.
Et une grande partie de mon équipe au théâtre s'est retrouvée dans mes films : Natacha de Pontcharra, l'auteur des textes de théâtre et scénariste, Anissa Daoud, actrice et scénariste, Noomen Hamda, acteur, Jawhar Basti, acteur et compositeur, le jeune directeur photo Frédéric de Pontcharra, qui a fait Demain dès l'aube, avait également déjà travaillé avec moi au théâtre.
J'ai changé d'outils d'expression aussi parce que le cinéma m'apporte beaucoup plus de liberté dans mon geste de création. Je ne suis plus tenu par le même rapport salle-scène comme au théâtre, par le même point de vue sur le cadre (de scène en l'occurrence), mais je dispose d'une infinité de points de vue au sens propre. Une infinité de décors, etc.
C'est donc dans une démarche pour avoir une plus grande liberté de création que je suis passé au cinéma.


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