La Tunisie semble avoir pris ses distances, au moins provisoirement, avec le scénario de la faillite financière qui lui était promis en 2023. Grâce à une série de remboursements honorés et au relèvement de sa note souveraine, le pays respire. Pourtant, derrière ces signaux positifs, les faiblesses structurelles de l'économie tunisienne restent entières. Le 12 septembre dernier, l'agence Fitch Ratings a rehaussé la note de la Tunisie de CCC+ à B-, une amélioration qui traduit une capacité accrue à honorer ses engagements financiers à long terme. Cette décision fait suite à celle de l'agence japonaise R&I, qui avait déjà révisé sa perspective de « négative » à « stable » en août. Ces annonces marquent un tournant si l'on se souvient qu'en 2023, la Tunisie flirtait avec le défaut de paiement après le refus du président Kaïs Saïed d'accepter les conditions du FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars. Les raisons de ce regain de confiance sont multiples. D'abord, la Tunisie a réussi à rembourser ses dernières échéances, dont un prêt en euro-obligations de 700 millions de dollars prévu pour 2026. Ses réserves en devises, bien que sous pression, restent suffisantes pour faire face aux engagements à court terme. La balance courante s'est améliorée grâce aux recettes touristiques, aux exportations d'huile d'olive et aux transferts des Tunisiens de l'étranger, passés de 4 % à 6 % du PIB entre 2018 et 2024. Parallèlement, le déficit budgétaire tend à se réduire, passant de 6,3 % en 2024 à 5,3 % en 2025, avec une projection à 4 % en 2027. Mais ce redressement apparent repose sur des solutions temporaires et coûteuses. Faute d'un accord avec le FMI, Tunis a dû solliciter des financements alternatifs : 1,7 milliard de dollars auprès de la Banque africaine d'import-export, ainsi que 1,2 milliard auprès de l'Algérie et de l'Arabie saoudite. La Banque centrale a par ailleurs été contrainte d'injecter directement 7 milliards de dinars dans le budget de l'Etat, un mécanisme qualifié d'« argent magique », porteur de risques inflationnistes. L'austérité est également au cœur de la stratégie gouvernementale. Gel des embauches, limitation des hausses salariales, réduction des importations et baisse des subventions ont permis de dégager des marges de remboursement. Mais ces choix ont provoqué des pénuries de produits de base, des coupures d'électricité et une dépendance accrue vis-à-vis de l'Algérie pour l'approvisionnement énergétique. En toile de fond, les défis structurels persistent : une dette publique qui atteint 84 % du PIB, des entreprises publiques toujours non réformées et un secteur productif en perte de vitesse. Le pays reste vulnérable à tout choc externe, qu'il s'agisse d'une flambée des prix mondiaux ou d'un ralentissement économique en Europe. Si la menace du défaut de paiement s'éloigne, le constat demeure amer pour les experts. « La Tunisie a fait défaut sur son avenir », résume Hamza Meddeb, du Carnegie Middle East Center. Entre austérité subie, fuite des compétences et absence de réformes profondes, la stabilité financière actuelle ne garantit pas une prospérité durable.