Il est le «père» des DTN et des techniciens du tennis tunisien. Son passage de plus de 8 ans à la DTN, sans oublier ses longues années en tant qu'entraîneur font de Slah Bramly une référence du tennis tunisien. Il a travaillé dans les années 90, au moment où le tennis n'avait pas les moyens et l'image d'aujourd'hui. Cela ne l'a pas empêché de marquer son époque et de préparer le terrain à tous ceux et celles qui sont venus après. Ça fait des années qu'il gère la structure technique de la F. émiratie, mais ceci ne l'a pas empêché de suivre tout ce qui se passe sur la scène tunisienne. Il nous parle de la Coupe Davis perdue, de la politique de l'élite, des moyens d'améliorer les résultats, de la gestion de carrière. Beaucoup de choses à faire et à changer d'après lui et une obligation de moderniser les structures techniques et fédérales comme ça se passe ailleurs. Dans tout cela, il est confiant dans le potentiel du tennis tunisien. Quand il parle, il faut l'écouter. Certains même doivent se taire en sa présence. Interview. Commentez-nous la défaite de l'équipe de Tunisie en Coupe Davis? «Franchement, c'est une défaite honorable. Les matches étaient serrés et nous avons défendu nos chances avec cran. Nous avons perdu devant l'école suédoise qui reste une référence en tennis. Je crois que c'est le match le plus intense en Coupe Davis pour l'équipe de Tunisie. On est en présence d'une équipe qui éclot et qui prend de la confiance. Les Suédois avaient une bonne équipe de Coupe Davis, surtout en double. J'aurais aimé voir Mansouri qui a un profil de joueur de double. Malek, Anis et même Aziz ne pouvaient pas former une paire redoutable. Ceci dit, le match du double a été pleinement négocié. Y a-t-il des détails qui nous ont échappés dans ce match ? «L'apport du public aurait pu être plus concret et déterminant. Il y avait de la volonté mise pour remplir le central, mais c'était des appels timides. Vous avez vu comment un central assez plein au dernier match de Dougaz l'a soutenu et poussé pour revenir dans le match. On aurait pu profiter du public pour faire mieux». Et pour le match de Chypre où on ne va plus rêver d'accession, mais où on va devoir assurer le maintien? «Dans les grandes nations du tennis, une défaite ou une victoire sont évaluées au moindre détail le lendemain. Il faut le faire. On a déjà battu Chypre dans le passé, je pense qu'on doit se maintenir. Une grande équipe est née, rester au groupe 2 est la moindre des choses. Il faut juste mieux gérer et changer de stratégie de Coupe Davis. Il y a une chose à comprendre : la Coupe Davis, ça demande de la maturité et c'est fait pour les messieurs. On n'est pas là pour progresser seulement, mais pour gagner. Réussir en Coupe Davis, ça demande une équipe homogène où il y a 3 joueurs qui peuvent jouer le simple et deux paires de double. On doit travailler sur cela. A court terme, il faut bien se préparer pour jouer Chypre, assez dure à manier à domicile. Le politique de l'élite du tennis tunisien est un sujet controversé. Quel est votre point de vue, sachant qu'il y a bien sûr un problème de moyens?... Absolument. Il n‘y a pas de moyens financiers suffisants avec un budget financé en grande partie par l'Etat qui ne suffit pas pour former même un seul joueur de haut niveau. Il est temps que la FTT se consacre aux seniors, c'est-à-dire les joueurs qui ont plus de 15 ans, c'est-à-dire la vraie élite, et déléguer aux clubs et aux ligues régionales sous l'autorité fédérale, le soin de perfectionner l'élite qui a moins de 15 ans. C'est le modèle qui me paraît le plus approprié au tennis tunisien et qui permettra de faire nettement mieux que maintenant. Des idées précises et concrètes pour améliorer la politique de l'élite? Tout d'abord, il faut mettre en place des sélections régionales au Nord, au Centre et au Sud pour les jeunes (de 9 à 14 ans), sous le regard de la DTN. Ces sélections et cette catégorie vont nous préparer pour la Coupe Davis et la Fed Cup junior. Si on n'a pas une bonne équipe pour ces deux événements junior, on ne peut pas espérer grand-chose en senior. Il faut que la FTT délègue une partie de ses pouvoirs techniques vers les ligues et aux sélections régionales. Ces structures doivent être pilotées par des dirigeants connaisseurs qui ont joué le tennis de haut niveau. Par exemple, je suis étonné qu'il n'y ait pas de membres fédéraux qui ont joué avant le tennis et connu la compétition. Comment peuvent-ils gérer l'élite s'ils n'étaient pas dedans avant ? Le technicien est un exécutant d'une politique d'élite. Le sélectionneur ou l'entraîneur opère dans un champ limité au court. C'est au dirigeant fédéral et de club de concevoir la politique et de fournir les moyens, tout en suivant et contrôlant de près. C'est au dirigeant d'organiser des évènements, de fournir la logistique, de financer, de trouver des sponsors, de vendre des supports publicitaires. Ce n'est pas l'entraîneur qui doit le faire. Dans le tennis d'élite moderne, on ne parle plus d'entraîneur mais de staff élargi, de différentes spécialités entre le technique, le tactique, le mental et le physique. Dans ce cas, quelles sont les tâches d'un entraîneur d'élite? C'est essentiellement la programmation technique et le suivi. Il doit suivre le classement de son joueur et mettre au point, à l'aide du staff, un plan de compétition avec des tableaux de bord pour le joueur. Le coach fait tout cela pour que le joueur se consacre au tennis. Pour financer les coûts d'un coach de qualité, c'est l'Etat qui doit répondre présent, sinon la fédération via ses propres fonds ou via des sponsors. Mais je pense que l'Etat reste le premier concerné par l'élite. Il faut bouger dans ce sens en mettant des objectifs d'élite bien précis tels que placer 4 joueurs au Top 500 pour pouvoir jouer la Coupe Davis à l'avenir. Attention, un entraîneur national doit avoir un vécu en sélection, c'est une obligation. Dans ce modèle d'amélioration de l'élite que vous proposez, vous accordez aux clubs un rôle de collaboration. Or, et en réalité, plusieurs d'entre eux évaluent sans contrôle et «tuent» l'élite au profit du tennis des loisirs... J'ai parlé plutôt de ligues et de DTN qui encadrent ces clubs. Le tennis, c'est deux volets de base : la formation d'élite d'une part et la compétition d'autre part. Les deux se complètent pour donner des joueurs de talent. On ne peut attendre que le tennis tunisien nous offre par le concours de circonstances un Malek Jaziri ou une Ons Jabeur. Et on se retrouve incapable de lui fournir le programme qu'il faut. Les clubs, les ligues et bien sûr la FTT doivent tous s'orienter vers la formation scientifique non seulement des joueurs, mais aussi des juges de ligne, des ramasseurs de balles. C'est frustrant de voir qu'en coupe Davis, nos ramasseurs étaient loin des normes internationales. L'élite, le haut niveau, c'est un profil bien précis et une formation bien dosée. Il y a eu un effort déjà entrepris par le passé. Cet effort a été interrompu pour vous ? «Il faut un travail continu. Je ne dirais pas que l'élan a été coupé, mais il ne faut pas attendre un événement ponctuel pour reprendre cet effort. En plus, il faut une continuité au niveau des politiques fédérales. Le problème à la FTT et dans le cas du tennis tunisien, c'est que ceux qui débarquent s'accaparent tout et pensent qu'ils détiennent toute la vérité. Ils effacent une bonne partie des acquis du passé et se présentent comme des connaisseurs inégalables. Pourquoi ne pas consulter les anciens DTN et tous les gens compétents qui ont apporté le plus au tennis tunisien ? Pourquoi ne pas déclencher un échange d'expertise entre anciens et nouveaux entraîneurs ? Tant de questions qui prouvent que l'entraîneur tunisien est marginalisé quelque part. Au lieu d'améliorer le contenu de la formation académique à l'Issep de la spécialité tennis et prévoir un contenu riche et dense, on ramène des instructeurs qui ne savent pas ce qui est le tennis tunisien pour deux jours de recyclage payant. Ce n'est pas normal. On a un nombre élevé d'entraîneurs qui manquent de recyclage et de débouchés contre un nombre réduit de joueurs. Vous vous plaignez que la FTT ne fasse pas appel aux compétences connues. Peut-être aussi que vous n'êtes pas disponibles ou que vous n'êtes pas intéressés? Je ne le pense pas du tout. On revient chaque année en Tunisie. On n'a pas eu de proposition sérieuse qui met en valeur notre expérience. Pour ma part, je suis prêt à apporter mon vécu au profit du tennis tunisien. Ça me fait mal de voir des instructeurs étrangers qui ne sont pas tous confirmés, qui sont chers, alors que nous avons des gens de haut niveau. C'est devenu du commerce. On a dit qu'il n'y a pas un technicien tunisien qui peut faire le DTN. Qu'en pensez-vous? C'est du n'importe quoi. Nous sommes un pays de tennis confirmé aussi à l'étranger. Et en grande partie grâce aux entraîneurs tunisiens qui réussissent là où ils travaillent. On a besoin d'un DTN qui anime une structure technique riche en expérience et qui est doté d'un grand vécu et de personnalité pour imposer une ligne de conduite. Tout ça passe par une vision, une stratégie technique claire. Le tennis devient cher pour arriver à atteindre le haut niveau. Les parents doivent supporter beaucoup de charges, faute de financement fédéral adéquat. «Autant le tennis a touché la masse et attiré beaucoup de licenciés, autant on est devant une aberration qui commence chez les clubs. Les parents payent des cotisations qui ne sont pas à la portée, et sont obligés de payer des séances supplémentaires pour améliorer le niveau de leurs enfants. En plus, la FTT ne fait pas l'effort pour détecter les talents et aller vers eux, mais attend que les talents viennent eux-mêmes. C'est une défaillance et une injustice qu'il faut traiter. Quels sont vos souvenirs lors de votre passage comme DTN ? Je représente une génération d'entraîneurs qui a beaucoup donné au tennis tunisien. Quand j'ai commencé, j'ai travaillé avec un budget de 64.000 dinars pour la sélection. Et pourtant, je me souviens qu'on a pu jouer les Jeux olympiques d'Atlanta en 1996 avec Selima Sfar, je me souviens aussi du travail qu'on a fait pour former des officiels et arbitres, alors qu'auparavant, on «importait» les arbitres de l'étranger. Feu Moez Snoussi, Kamel Hadj Alaya, Adel Arafat et autres ont réussi et aujourd'hui, nos arbitres sont reconnus dans le circuit. Le tennis était mal vu, pas du tout respecté par la tutelle. Que de souvenirs ! En tout cas, nous avons facilité les choses pour les gens venus après. Et pour terminer... Je suis optimiste pour l'avenir, mais que de choses à changer. J'insiste sur la compétition par équipes, la formation des entraîneurs qui va améliorer le niveau des équipes et des joueurs. Il faut aider les joueurs qui ont joué pour des années et qui sentent et savent mieux que quiconque ce que sont le tennis et la carrière. La fédération, via la DTN, doit définir le profil du joueur qu'on veut avoir et ça, les clubs doivent partager cette vision et ces méthodes de travail. C'est fou ce qu'on a comme potentiel. J'espère qu'on tendra la main aux compétences et établira le système qui doit être unique pour tout le monde. Le tennis a tellement évolué, et la Tunisie avec son climat, ses ressources est un pays qui peut faire du tennis un sport de performance.