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Plumes libres et affranchies face au conservatisme
Alia Baccar Bournaz dans «Les femmes qui écrivent sont–elles dangereuses ?»
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 03 - 2017

Alia Baccar Bournaz a évoqué sa production littéraire. Ce fut une rencontre au sommet !
Toujours sous la houlette de la Compagnie des Vives voix, le 4e rendez-vous consacré aux femmes tunisiennes qui écrivent s'est déroulé sur les chapeaux de roues, avec Pr Alia Baccar Bournaz, qui a répondu présent à l'appel d'un public féru de lecture, venu nombreux l'accueillir. La parole lui a été donnée pour éclairer les présents sur sa production littéraire. Une occasion de revenir sur ses centres d'intérêt... et ce fut une rencontre au sommet !
L'évènement a été inauguré par une présentation de l'auteure. Tunisienne, née dans la Médina de Tunis où elle a poursuivi ses études au lycée de la rue du Pacha, doctorat d'Etat ès lettres françaises (Univ. Paris III Sorbonne), Alia Baccar Bournaz a enseigné la littérature française à la faculté des Lettres, des Sciences humaines et sociales de Tunis dont elle a dirigé le Département de Langue et Littérature françaises puis à la faculté des Lettres, des Arts des Humanités de La Manouba où elle a terminé sa carrière universitaire en tant que professeur émérite des Universités.
Avant d'inviter son public à la découverte de ses centres d'intérêt, et comme dans chacune de ces séances, Pr Baccar Bournaz, précise, pour commencer, si elle se considère comme une «écrivaine dangereuse» : «Je réfute cette classification homme/femme ; écrivain/écrivaine. Pour moi, dès le moment où on se lance dans l'écriture, on occupe les mêmes fonctions par rapport au lecteur. A travers ses écrits, l'auteur doit évader, distraire, enrichir, faire réfléchir, faire découvrir des personnages, des horizons et des civilisations autres et ce, bien sûr, à l'aide d'une écriture fluide, attrayante, captivante. Or, les plumes peuvent aller à l'encontre de ces objectifs et ont alors toutes les chances d'être taxées de dangereuses, surtout quand elles appellent à la haine, au meurtre, à la destruction de l'Autre. On peut dénoncer, voire refuser les conventions qui détruisent. Les plumes deviennent dangereuses dès le moment où elles touchent à l'ordre bien établi. Elles dérangent les conservateurs qui considèrent l'écrivaine comme une personne voulant tout remettre en question, leur train-train quotidien, tout ce qui atteint leur confort et ce, dans tous les domaines : social, religieux, politique. En touchant à l'interdit, on entre dans le domaine de la désobéissance, de la violation. Il faut reconnaître qu'il est très difficile de clôturer d'une balise toute création littéraire ou artistique qui est forcément libre. D'ailleurs, Aragon le reconnaît : «Presque tous les poètes ont fait des vers admirables en transgressant les règles». L'écrivaine devient choquante quand il y a transgression et dangereuse quand ses intuitions remettent en cause les limites habituellement imparties à la nature humaine pour la diluer, l'effacer : L'Homme, écrit Roger Caillois en 1978 dans «Le fleuve Alphée», est «un être précaire, membre interchangeable d'une espèce provisoire». Il parle même de « La puissance sinistre dont a fait preuve le transgresseur des règles sacrées ». L'exemple qui s'impose à moi est celui de la Tunisie qui est une terre d'Afrique toute en subtilité. On veut la faire naître au VIIe siècle, or elle a une civilisation multimillénaire, moirée. On veut effacer de sa mémoire sa richesse plurielle. Où donc réside le danger ? Devenir monochrome ou continuer à écrire sur Le Méditerranée et ses cultures, sur Ulysse, Didon, Hannibal, Sophonisbe, Apulée, tout en y associant le Lys, le Croissant, Dar El Bacha, la francophonie, le militantisme de la Tunisienne dès 1920...?».
Quatre centres d'intérêt reflètent sa production littéraire prolifique, à savoir la littérature française du XVIIe siècle : mécanisme de la création littéraire à partir des sources historiques et culturelles relatives à la Méditerranée. Le 2e axe a été consacré à la Tunisie punique et latine dans les textes gréco-latins. Par la suite, elle a évoqué les romans tunisiens d'expression française et, enfin, la femme tunisienne mythique et militante.
Elle a expliqué que tout au long de son enfance elle lisait beaucoup et dévorait les livres de la comtesse de Ségur et les Contes de Perrault, mais qu'elle n'avait jamais pensé devenir un jour écrivain. C'est sa carrière universitaire puis sa thèse d'Etat qui l'ont poussée à écrire, tout d'abord des essais dont nous ne nommerons que «La Mer, source de création littéraire en France au XVIIe siècle », «Le Lys, le Croissant, la Méditerranée» et «La Méditerranée, odyssée des cultures».
Son intérêt pour la Méditerranée, de l'Antiquité au Grand Siècle, est dû au fait que Mare Nostrum représentait à elle seule le monde, les Grandes découvertes des autres continents n'ayant eu lieu qu'à la fin du XVe siècle. C'est aussi là que les premières civilisations ont vu le jour : pharaonique, grecque, punique et romaine. Elle a voulu transmettre cet engouement en publiant des contes pour la jeunesse s'inspirant de la Tunisie antique : punique, romaine et même du Sahara tunisien : « Ulysse et les délices de l'île de Djerba», «Elyssa, Didon reine de Carthage», «Les Aventures du dromadaire de Douz», et tout dernièrement «Sophonisbe princesse carthaginoise et reine de Numidie». Mme Baccar a dévoilé toutes les difficultés que représente l'écriture de ce genre de livre qui demande une grande recherche, car, pour elle, l'objectif est d'instruire et de plaire à son jeune lecteur.
Interrogée sur son autre centre d'intérêt, «la femme tunisienne militante», Alia Baccar Bournaz a répondu que des circonstances familiales l'ont poussée vers l'écriture des récits de vie. Sa mère, Maherzia Amira Bournaz, avait déjà publié deux ouvrages qui ont connu un vif succès en Tunisie et à l'étranger et où elle racontait son enfance à Tunis de 1920 à 1945. Alia Baccar s'est mise à écrire, elle aussi, des récits de vie sur trois femmes faisant partie de son entourage proche et qui ont milité chacune à sa façon pour l'émancipation de la Tunisienne et pour la libération de la Tunisie. Il s'agit en l'occurrence de ses tantes Zoubeïda Amira et Mongia Amira Mabrouk : l'une, première directrice musulmane d'un établissement en 1952, et la seconde première Tunisienne ayant obtenu son agrégation de lettres arabes à Paris-Sorbonne en 1952 et de la cousine de son père, Rafiâ Bornaz, qui s'est elle aussi investie dans le combat politique ayant abouti à l'indépendance de son pays, la Tunisie. Alia Baccar Bournaz a donc évoqué ces trois itinéraires de femmes en éditant : «Zoubeïda Amira, la Dame de Dar el Bacha», Prix Crédif des recherches sur la femme tunisienne, mars 2008, «Rafiâ Bornaz, une militante tunisienne sous le Protectorat français», «Mongia Mabrouk, une Tunisienne qui a su donner un sens à sa vie».
L'auteure explique qu'elle les a écrits par devoir de transmettre cette mémoire à la Tunisienne d'aujourd'hui qui, souvent, ignore le combat quotidien et parfois dramatique livré par ses aînées pour briser les chaînes, secouer les mentalités, fissurer les carcans familiaux, sociaux, politiques, géographiques et juridiques qui les réduisaient à un rôle mineur et les dépossédaient de toute consistance intellectuelle. Il est salutaire qu'elle se rende compte des souffrances endurées par ses aïeules pour qu'elle puisse, elle, jouir de ses droits, de ses privilèges et de sa liberté. Il est même vital qu'elle prenne conscience de ce legs afin de sauvegarder farouchement ces précieux acquis. Il s'agit de transmettre cette mémoire à la collectivité qui redécouvrira, à travers ces itinéraires de vie, une période perturbée, secouée par les remous politiques et aboutissant à la Tunisie moderne. Le souvenir de cette époque, pourtant si attachante, tend de nos jours à s'estomper au fur et à mesure de la disparition des derniers témoins directs. Pour Alia Baccar, c'est une démarche pour lutter contre l'oubli de ces temps artisans de la profonde mutation des pensées et de ce bouleversement irréversible des sensibilités menant tout droit à la modernité. Pour elle, cette fresque de notre passé offre l'attrait d'un voyage à rebours dans les replis du souvenir et restitue un pan de notre histoire récente à la jeunesse du XXIe siècle et ce, à partir d'événements personnels qui interpellent et stimulent forcément notre mémoire collective.
La fin de la séance a été consacrée à l'évocation de ses auteurs préférés qui sont Mme de Lafayette, Mme de Sévigné. L'héroïne Salammbô, ressuscitée par Gustave Flaubert, demeure une référence. Les membres de la Compagnie Vives voix ont ponctué la séance en lisant des extraits divers appartenant à ses muses ou tirés de ses publications. Azza Filali, écrivaine dangereuse suivante sur la liste, a d'ores et déjà confirmé sa présence pour la prochaine séance.


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