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Mademoiselle Huppert : «Le théâtre nous protège, nous abrite... Je crois bien qu'il nous aime... autant que nous l'aimons...»
Journée Mondiale du théâtre
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 03 - 2017

Le message de la Journée mondiale du théâtre 2017 est signé par la grande comédienne de théâtre et star de cinéma Isabelle Huppert, elle vient s'ajouter à une longue et prestigieuse liste d'auteurs, dramaturges et comédiens du monde du 4e art dont : Jean Cocteau, Arthur Miller, Jean Louis Barrault, Peter Brook, Saadallah Wannous, Maurice Béjart, Pablo Neruda, Dario Fo, Eugène Ionesco, Richard Burton, Luchino Visconti, Ariane Mnouchkine et tant d'autres...
« Voici donc 55 ans que, chaque année au printemps, une Journée mondiale du théâtre a lieu. Une journée, c'est-à-dire 24 heures qui commencent du côté du théâtre NO et du Bunraku, qui passent par l'Opéra de Pékin et le Kathakali, s'attardent entre la Grèce et la Scandinavie, d'Eschyle à Ibsen, de Sophocle à Strinberg, entre l'Angleterre et l'Italie, de Sarah Kane à Pirandello, et aussi la France entre autres, où nous sommes et où Paris est tout de même la ville du monde qui reçoit le plus de troupes étrangères.
Ensuite, nos 24 heures nous mènent de France en Russie, de Racine et Molière à Tchékhov, puis traversent l'Atlantique pour finir dans un campus californien où des jeunes gens réinventent peut-être le théâtre. Car le théâtre renaît toujours de ses cendres. Il n'est que convention qu'il faut inlassablement abolir. C'est ainsi qu'il reste vivant.
Le théâtre a une vie foisonnante qui défie l'espace et le temps, les pièces les plus contemporaines sont nourries par les siècles passés, les répertoires les plus classiques deviennent modernes chaque fois qu'on les monte à nouveau. Une Journée mondiale du théâtre, ce n'est évidemment pas une journée au sens banal de nos vies quotidiennes. Elle fait revivre un immense espace-temps et pour évoquer l'espace-temps, je voudrais faire appel à un dramaturge français, aussi génial que discret, Jean Tardieu. Je le cite : « Pour l'espace, il demande quel est le plus long chemin d'un point à un autre...
Pour le temps, il suggère de mesurer en dixième de seconde le temps qu'il faut pour prononcer le mot «éternité». Pour l'espace-temps, il dit aussi : «Fixez dans votre esprit avant de vous endormir deux points quelconques de l'espace et calculez le temps qu'il faut, en rêve, pour aller de l'un à l'autre.» C'est le mot «en rêve» que je retiens. On dirait que Jean Tardieu et Bob Wilson se sont rencontrés.
On peut aussi résumer notre jour mondial du théâtre en se souvenant de Samuel Beckett qui fait dire à Winnie dans son style expéditif : «Oh le beau jour que ça aura été.» En songeant à ce message qu'on m'a fait l'honneur de me demander, je me suis souvenue de tous ces rêves, de toutes ces scènes. Ainsi, je n'arrive pas toute seule dans cette salle de l'Unesco, tous les personnages que j'ai interprétés sur scène m'accompagnent, des rôles qu'on a l'air de quitter quand c'est fini, mais qui mènent en vous une vie souterraine, prêts à aider ou à détruire les rôles qui leur succéderont : Phèdre, Araminte, Orlando, Hedda Gabbler, Médée, Merteuil, Blanche Dubois...
M'accompagnent aussi tous les personnages que j'ai aimés et applaudis en spectatrice. Et là, j'appartiens au monde entier. Je suis grecque, africaine, syrienne, vénitienne, russe, brésilienne, perse, romaine, japonaise, marseillaise, new yorkaise, philippine, argentine, norvégienne, coréenne, allemande, autrichienne, anglaise, vraiment le monde entier. La vraie mondialisation, elle est là.
En 1964, à l'occasion de cette Journée du théâtre, Laurence Olivier annonçait qu'après plus d'un siècle de combat, on venait enfin de créer en Angleterre un théâtre national, dont il avait aussitôt voulu que ce fût un théâtre international, au moins par son répertoire. Il savait bien que Shakespeare appartenait à tout le monde dans le monde. J'ai aimé apprendre que le premier message de ces Journées mondiales du théâtre en 1962 a été confié à Jean Cocteau.
J'ai fait le tour du monde différemment, je l'ai fait en 80 spectacles ou 80 films. Je dis films aussi car je ne fais aucune différence entre jouer au théâtre et jouer au cinéma, ce qui surprend à chaque fois que je le dis, mais c'est vrai, c'est comme ça.
Aucune différence. En parlant ici, je ne suis pas moi-même, je ne suis pas une actrice, je suis juste l'une des si nombreuses personnes grâce à qui le théâtre continue d'exister. C'est un peu notre devoir. Et notre nécessité: comment dire: nous ne faisons pas exister le théâtre, c'est plutôt grâce à lui que nous existons. Le théâtre est très fort, il résiste, il survit à tout, aux guerres, aux censures, au manque d'argent.
Il suffit de dire «le décor est une scène nue d'une époque indéterminée» et de faire rentrer un acteur. Ou une actrice. Que va-t-il faire ? Que va-t-elle dire ? Vont-ils parler ? Le public attend, il va le savoir, le public sans lequel il n'y a pas de théâtre, ne l'oublions jamais. Une personne dans le public c'est un public. Pas trop de chaises vides quand même ! Sauf chez Ionesco...
A la fin la Vieille dit : « Oui, oui, mourons en pleine gloire...Mourons pour entrer dans la légende... Au moins, nous aurons notre rue... » La Journée mondiale du théâtre existe depuis maintenant 55 ans. En 55 ans, je suis la huitième femme à qui on demande de prononcer un message, enfin, je ne sais pas si le mot «message» convient. Mes prédécesseurs (le masculin s'impose!) parlent à propos du théâtre d'imagination, de liberté, de l'origine, ont évoqué le multiculturel, la beauté, les questions sans réponses...
En 2013, il n'y a donc que quatre ans, Dario Fo dit : «La seule solution à la crise réside dans l'espoir d'une grande chasse aux sorcières contre nous, surtout contre les jeunes qui veulent apprendre l'art du théâtre : ainsi naîtra une nouvelle diaspora de comédiens, qui tirera sans doute de cette contrainte des bénéfices inimaginables par une nouvelle représentation.» Les bénéfices inimaginables, c'est une belle formule digne de figurer dans un programme politique non ?...
Puisque je suis à Paris peu avant une élection présidentielle, je suggère à ceux qui ont l'air d'avoir envie de nous gouverner d'être attentifs aux bénéfices inimaginables apportés par le théâtre. Mais pas de chasse aux sorcières! Le théâtre pour moi, c'est l'autre, c'est le dialogue, c'est l'absence de haine. L'amitié entre les peuples, je ne sais pas trop ce que ça veut dire mais je crois dans la communauté, dans l'amitié des spectateurs et des acteurs, dans l'union de tous ceux que le théâtre réunit, ceux qui l'écrivent, ceux qui le traduisent, ceux qui l'éclairent, l'habillent, le décorent, ceux qui l'interprètent, ceux qui en font, ceux qui y vont. Le théâtre nous protège, nous abrite...
Je crois bien qu'il nous aime... autant que nous l'aimons... Je me souviens d'un vieux régisseur à l'ancienne qui, avant le lever du rideau, en coulisses, disait chaque soir d'une voix ferme : « Place au théâtre ! » Ce sera le mot de la fin. Merci .


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