Dans l'ancienne version, deux tiers des membres étaient requis pour la tenue des réunions. Amendement apporté à l‘ancienne version selon lequel, même en cas d'absence répétée d'une partie de ses membres, le CSM serait en mesure de tenir ses assises, si le projet de loi était adopté par l'Assemblée Avec un retard conséquent de plus d'une heure trente, la plénière a enfin eu lieu hier au Bardo en présence de 129 élus. Sur le perchoir siégeait le vice-président Abdelfateh Mourou, veillant à faire respecter la discipline avec son petit marteau. Il a dû en faire usage, l'hémicycle était agité. Le ministre de la Justice, ponctuel, était présent dès 9h avec les membres de son cabinet. La tenue même de la séance publique est un événement clivant en soi, contesté ou salué par les députés eux-mêmes et en arrière-plan par le corps des magistrats dont une partie manifestait en signe de protestation devant la porte de fer du palais. La séance a procédé à l'examen du projet de loi organique N°27/2017 amendant et complétant la loi organique N°34 du 28 avril 2016, relative au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Selon qu'on se place d'un côté, le projet de loi de quatre articles, soumis par le gouvernement, est salué parce qu'en passe de transcender une grave crise qui a duré des mois, paralysant la mise en place de l'institution; de l'autre, l'initiative législative n'est ni plus ni moins qu'une ingérence inacceptable des deux pouvoirs législatif et exécutif dans le pouvoir judiciaire, bouleversant dans la foulée le principe même de la séparation des pouvoirs. Dépasser le blocage La guéguerre juridico-judiciaire qui a divisé la magistrature avait commencé d'abord par le refus d'exercer du premier président de la Cour de cassation, en sa qualité de président de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire. Le président Ayari s'est abstenu de convoquer la première réunion du CSM, après la tenue des élections de ses membres et la proclamation des résultats le 15 novembre 2016. Parti à la retraire depuis, Khaled Ayari, à qui on avait promis ensuite changé d'avis, semble-t-il, sa reconduction à la tête de la Cour cassation et de facto la présidence intérimaire du CSM — l'instance provisoire de l'ordre judicaire étant caduque — avait refusé, comme le stipule le texte de loi, de convoquer la séance inaugurale. L'article 4 du projet de loi attribue, justement, au président de l'Assemblée cette immense prérogative. La convocation de la séance inaugurale, élément qui entravait jusque-là la mise en place de l'édifice institutionnel, est, à la faveur du texte de loi, du ressort de Mohamed Ennaceur, en l'occurrence. Autre point de blocage que l'initiative contourne, le quorum est porté à un tiers. Dans l'ancienne version, deux tiers des membres étaient requis pour la tenue des réunions. Amendement apporté à l‘ancienne version selon lequel, même en cas d'absence répétée d'une partie de ses membres, le CSM serait en mesure de tenir ses assises, si le projet de loi était adopté par l'Assemblée. Autorité judiciaire ou service public ? Le député nidaiste Hatem Ferjani ouvre le bal du débat parlementaire. Pas moins de 28 élus ont demandé à y intervenir. Il a précisé que la décision du Tribunal administratif rendue hier tard dans la soirée invalidant toutes les décisions proclamées au nom du Conseil supérieur de la magistrature et confirmant la poursuite de la mission de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, jusqu'à la mise en place de l'instance constitutionnelle, est une mesure préventive et ne touche pas le fond, a-t-il martelé. Ajoutant que ce projet de loi est la seule solution pour éviter que le blocage ne perdure. Même son de cloche chez Farida Laâbidi du parti Ennahdha qui rappelle le refus initial de l'Assemblée de s'immiscer dans la crise, mais qu'il s'est avéré être la seule issue pour débloquer la situation. Défendant ce texte de loi qui n'est en rien une immixtion dans le pouvoir judiciaire vu qu'il est de nature procédurale. L'élue a ponctué son intervention de questions : pourquoi veut-on défendre le provisoire alors qu'on doit accélérer l'instauration des institutions pérennes ? Pourquoi le président de l'instance provisoire n'a-t-il pas désigné des magistrats pour combler les postes vacants ? Pourquoi le président de l'instance n'a pas convoqué la réunion du CSM, alors qu'il est le seul compétent? Lorsque les résultats avaient été soumis au président de l'instance provisoire, il était encore en fonction, a-t-elle tenu à faire valoir. Lors des débats de l'élaboration de la Constitution, on n'avait décidé que la justice soit une autorité judiciaire et non pas un service public sous les ordres, comme il l'était avant la révolution, conclut l'élue. Des pouvoirs complémentaires A l'opposé, Ammar Amroussia, du Front populaire, a appelé au retrait illico de ce projet de loi, fustigeant ceux qui bénissent la subordination du pouvoir judiciaire. Il y a une initiative consensuelle des magistrats, pourquoi personne n'en parle ? S'est-il demandé, et de renchérir : « Comment peut-on accepter une convocation par le président de l'Assemblée de la première réunion, accepteriez-vous la convocation d'une plénière par un tiers ? S'adressant à ses pairs. « Certains veulent confisquer le pouvoir judiciaire et ressusciter les vieilles pratiques, le CSM est pris en otage », a-t-il encore déploré. A cette position de rejet du texte de loi à l'examen, se sont ralliés les élus du bloc démocrate. La teneur de l'intervention de Mabrouk El Hérizi est similaire en tous points de vue. En revanche, Afek Tounès, par la voix de Hager Ben Sheikh Ahmed, revendique le droit au pouvoir législatif d'organiser le fonctionnement et non pas l'exercice du pouvoir juridictionnel. « Il faut être à la hauteur de notre mission et faire en sorte de trouver une issue», précisant que la division des pouvoirs n'est pas rigide mais complémentaire. Leila Hamrouni, députée indépendante, se dit favorable, elle aussi, au projet de loi, « si c'est le seul moyen d'endiguer une crise qui a trop duré ». Le bloc El Horra de son côté a même appelé de ses vœux et par le biais de l'élue Samah Bouhawala à soutenir l'initiative « non pas parce qu'elle s'adapte à notre réalité mais parce que c'est le seul moyen de favoriser la mise en place du CSM». Le oui l'emporte Ainsi la carte du vote se précise. Les soutiens du projet de loi traversent le clivage majorité-opposition. En dehors des grands partis Ennahdha-Nida Tounès, accusés d'ailleurs d'être les instigateurs de l'initiative législative, des petits partis comme Afek Tounès ou des blocs parlementaires qui se présentent de l'opposition la défendent visiblement avec conviction. Le ministre a abondé dans le même sens, précisant que les élections se sont déroulées dans la légalité et la transparence mettant en avant la difficile acceptation par certains du résultat des urnes. Il a pointé le caractère infondé des accusations quant à une quelconque manipulation politique. Le ministre Ghazi Jeribi a précisé en outre que le président de la République ne peut exercer ses prorogatives comme de nommer le premier président du Tribunal administratif et celui de la Cour des comptes que suite à la mise en place de l'organe constitutionnel. Vers 17h00, la plénière procède à l'examen du projet de loi article par article. Le projet de loi est finalement adopté par 120 voix pour, 12 absentions et 2 contre. Est-ce c'est la fin d'une bataille, faite de recours juridiques, de communiqués médiatiques, de mouvements sociaux et de grèves qui ont pris en otage le pouvoir judiciaire, juridictionnel, les institutions de l'Etat, les justiciables, et au passage la transition démocratique, on oserait l'espérer.