Avec sa dernière tournée, Wajiha Jendoubi fait ses adieux au personnage de Efcha mon amour. L'artiste se prépare à entrer dans une nouvelle aventure, dans la peau d'un nouveau personnage que nous découvrirons bientôt. Entretien. Par quoi expliquez-vous le succès de Efcha mon amour depuis cinq ans... Je ne peux pas vous l'expliquer de manière rationnelle mais tout ce que je sais, c'est que je fonctionne au «feeling», j'ai une sorte de flair qui me permet d'établir une communication durable avec mon public. J'ai une profonde connaissance de ce public tunisien parce que je viens justement de ce public que je fréquente au quotidien. Je viens d'un quartier populaire, ce qui m'a permis de développer toute cette proximité. Je ne suis pas le genre d'artiste enfermée dans sa tour d'ivoire. Le fait que j'éprouve un amour profond pour ce pays me pousse à être la plus sincère possible dans mes propos. J'aime aussi entraîner le public dans l'aventure théâtrale. C'est peut-être pour cela que les gens ne demeurent pas indifférents à Efcha mon amour qui représente une sorte de miroir pour eux. Pourquoi avez-vous décidé de fêter le cinquième anniversaire de ce spectacle ? Parce qu'en tant qu'artiste, je veux changer de peau... J'ai envie d'habiter d'autres personnages et d'autres sujets. Et sans rien vous cacher, je sens que mon nouveau projet a assez mûri pour que je puisse le mettre au monde et quitter le personnage de «Efcha». J'ai demandé à la production de mettre fin à ce spectacle à l'occasion de son cinquième anniversaire. Cet anniversaire est une manière particulière de ranger ce spectacle. Je ne veux pas tomber dans le cliché du «Adieu, c'est la dernière représentation»... Je veux que cet adieu soit original et pas en un seul spectacle. La stratégie est de donner dans chaque festival un dernier spectacle. Cela dit, «Efcha» peut vivre plus de cinq ans... Pourquoi cette envie de changer de peau ? Pour moi le théâtre est une arme. Je ne peux pas manifester tous les jours dans la rue, par contre j'ai une scène, un peu de savoir-faire et beaucoup d'amour pour ce pays que j'ai décidé de mettre en œuvre. Le théâtre doit avoir un objectif, c'est une manière pour moi d'exprimer mon activisme en tant qu'artiste. Je crois que le moment est venu pour m'exprimer sur un nouveau sujet. Pouvez-vous nous en révéler quelques détails ? C'est encore prématuré ! Mais tout ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit d'un monodrame, une comédie sociopolitique. Et pourtant, j'ai décidé de ne plus parler de politique. Mais en abordant le social, je me suis trouvée en train de parler politique. A la fin de Efcha mon amour, vous exprimez le rêve qu'on soit débarrassés un jour de tous ces «poils». Ce rêve est-il encore d'actualité ? Tout à fait ! Il est encore d'actualité ! Il faut qu'on continue à sa battre pour nous débarrasser de cette noirceur qui nous étouffe et nous enlaidit... Je pense que tout le propos de ce spectacle est encore d'actualité. Votre théâtre reste toujours essentiellement politique ? Malgré moi ! Il ne l'était pas avant pourtant ! La révolution nous a apporté la liberté d'expression, mais cette liberté est une arme à double tranchant. Le problème, c'est que la liberté d'expression nous conduit parfois au discours direct, chose que je déteste dans le théâtre. Parfois, je m'autocensure dans mes textes pour ne pas nommer les choses. Cela me permet de rester dans l'artistique et de ne pas tomber dans le discours direct. Depuis Akhoua ouezman, vous n'avez plus écrit pour la télévision n'avez-vous pas d'autres projets pour le petit écran ? Je suis une vie antérieure qui participe à de grandes aventures. L'écriture télévisée n'est pas mon vrai métier. Quand j'ai fait ce travail avec Dhafer Neji, c'était une belle échappée, comme c'était le cas dans le film de Salma Baccar, Jaida. Je ne sais pas, je ne suis pas le genre qui planifie. Je travaille au «feeling». Par contre, en tant qu'actrice, on va me voir beaucoup à la télé cette année... Vous avez consacré votre mémoire de fin d'études à Antonin Artaud... Vous ne regrettez pas aujourd'hui de ne pas avoir fait votre théâtre dans la même veine ? Cette veine-là traverse tous mes spectacles ! Je traite toujours la cruauté et la violence par le biais de l'humour noir. C'est un concept qui est toujours dans mes bagages, même si je travaille avec des metteurs en scène différents. Efcha mon amour, le 9 avril au Zéphyr et le 21 avril au Colisée.