La célébration avait un message simple et clair : la marche sur la voie de la démocratie, de la liberté et de la participation se poursuivra «Les grands ne meurent jamais», «Le symbole rayonnant de tout un peuple», «Réconcilions-nous avec notre histoire, réconcilions-nous avec notre présent», etc. : la célébration, hier, du 17e anniversaire de la mort du leader Habib Bourguiba, décédé le 6 avril 2000, a poussé beaucoup de Tunisiens à dire ce qu'ils savent sur Bourguiba ou ce qu'ils veulent faire passer sur Bourguiba, plus particulièrement aux jeunes qui ont aujourd'hui vingt ans, qui ne connaissent ni Bourguiba ni Salah Ben Youssef, ni Abdelaziz Thaâlbi ou Mohieddine Klibi. Et ceux qui se sont crus dans l'obligation de rappeler les hauts faits de Bourguiba quand il conduisait le mouvement de libération nationale ou quand il présidait à l'édification de l'Etat moderne et de revivifier ce qu'ils appellent ses grandes erreurs durant la période des 53 ans (de 1934 jusqu'en 1987) au cours de laquelle il s'est imposé comme le Combattant suprême (pour l'histoire, ce titre a été attribué à Bourguiba par les destouriens en 1946), puis comme le premier président puis le président à vie de la Tunisie à partir de mars 1975, ne sont pas tous des destouriens, des rcdistes cherchant à se déculpabiliser de leurs errements benalistes, des nidaistes s'autoproclamant les gardiens du temple bourguibiste ou des historiens qui ont découvert, à la faveur de la révolution du 17 décembre-14 janvier et l'ouverture de quelques archives gardées secret, que beaucoup de rumeurs et de dénigrements anti-Bourguiba étaient bien dénigrements et contre-vérités. Hier, les Tunisiens et les Tunisiennes qui voulaient savoir du nouveau sur Bourguiba ont eu la belle surprise de lire que des penseurs islamistes ont publié des articles dans lesquels ils reconnaissent le leadership politique et intellectuel de Bourguiba (voir le supplément publié, hier, par le 1er numéro de l'hebdomadaire Arrai El Am). Les Tunisiens et les Tunisiennes ont également découvert que certains historiens, considérés jusqu'à une époque récente comme yousséfistes purs et durs, se sont élevés contre ce que Sihem Ben Sédrine, présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD) ou ce qui en reste (l'Instance fonctionne dans l'illégalité totale avec 9 membres sur les 15 initiaux et le parlement garde toujours un silence troublant sur cette anomalie) appelle «les nouvelles réalités du mouvement national et les crimes commis par Bourguiba au cours de ses deux premières années en tant que Premier ministre de Lamine Bey. Et ces nouvelles découvertes seront mises à la disposition des historiens afin qu'ils puissent rectifier ce qu'ils ont déjà écrit sur Bourguiba», ne cesse de promettre la présidente de l'IVD. Nous aimons Bourguiba, l'homme qui aime la Tunisie C'est bien dans cette atmosphère générale que Béji Caïd Essebsi, le président de la IIe République, s'est rendu, hier, en compagnie de plusieurs hauts responsables de l'Etat, à Monastir, plus particulièrement au mausolée de la famille Bourguiba, pour présider la cérémonie de célébration du 17e anniversaire du décès du Combattant suprême. Plus qu'une cérémonie à caractère rituel, réciter la Fatiha à la mémoire de Bourguiba, «l'homme que les Tunisiens aiment parce qu'il aime la Tunisie (cette phrase est empruntée à un citoyen ordinaire qui répondait à une question du journal Le Quotidien : pourquoi doit-on célébrer la mort de Bourguiba ?) est un acte citoyen plus qu'une cérémonie officielle au cours de laquelle les politiciens se sentent obligés d'assister pour ne pas être accusés de tourner le dos à l'histoire de la Tunisie, surtout en cette période où tout le monde (à l'exception des éternels endurcis) cherche à se donner l'image du réconciliateur qui surmonte ses propres douleurs pour que la Tunisie ne souffre plus à l'avenir. Hier, Monastir a ouvert ses bras pour accueillir ses invités venus en grand nombre rendre hommage à «Bourguiba qui vit toujours dans la mémoire nationale», dire merci à l'homme qui «a adoré la modernité et qui a combattu pour sa consécration» et aussi promettre que la Tunisie révolutionnaire ne déviera pas de la voie qui mène au progrès équitablement partagé, à la démocratie et à la liberté.