Par Jalel Mestiri L'on ne peut s'empêcher d'évoquer l'état d'esprit qui affecte la vie collective de la sélection. On prend ainsi la mesure du malaise et on réalise que derrière un problème technique se cachent d'autres ressentiments Il est facile aujourd'hui de spéculer sur la valeur et les aptitudes de la sélection, sur l'exemplarité de ses acteurs. Nous sommes dans l'obligation de constater que le fossé qui sépare désormais l'essentiel du fondamental, la réalité de tout ce qui est envisagé n'a jamais été aussi grande et aussi large. Les fondamentaux et l'authenticité de l'équipe nationale, sa conformité au football sont soumis aux différents aléas et aux différentes contraintes. Cela nous amène à nous interroger sur la gouvernance de la sélection. Sur les dérives et les dérivés d'une équipe qui ont fini par devenir inquiétants. Les causes de cette régression et la perte du cap sportif sont diverses et diversifiées : un entourage défaillant, voire complètement déboussolé, des choix hasardeux, des égarements répétés. Mais surtout un sélectionneur désorienté et ne contrôlant plus la situation. Car même s'il continue à brasser des millions, Kasperczak n'a jamais donné l'impression d'être l'homme qu'il faut pour une sélection à la croisée des chemins et qui fait face à différentes épreuves. Couvé, aidé, voire protégé au début, il a été finalement lâché. Il est vrai que sa manière de gérer l'équipe laissait entrevoir un certain malaise, un mal-être. La dynamique déficiente s'est révélée ainsi porteuse de crises. C'est une période de déroutement à la fois individuel et collectif, interne et externe qui a conduit la sélection à un tableau de reconversion aussi sombre. Et notamment à une forte diminution de l'estime de soi. Effondrement, accablement, autant de maux et de mots qui ont touché une équipe de plus en plus touchée par les défaillances et les manquements. La singularisation de la sélection est profonde. Elle incarne ce qui, au fond, a le plus contribué à dissocier les joueurs de l'équipe. Rien ne les prédisposait à être l'archétype de sportifs que l'on souhaiterait qu'ils soient. Ils sont loin de pouvoir véhiculer les valeurs sportives auxquelles la sélection était particulièrement attachée. Dans un univers déconnecté, de statut et de place de plus en plus faciles à acquérir, dans un milieu exposé à tous les excès, les comportements exemplaires, que ce soit individuels ou collectifs, n'ont plus leur raison d'être en sélection. Cette transformation démesurée en termes de comportement et de résultat renvoie à l'absence du fond, du style et d'une capacité générale à gérer une série de matches avec aisance et supériorité. La nomination d'un nouveau sélectionneur n'aura pas de signification, et encore moins d'importance, tant que les plaies du passé restent toujours ouvertes. Les changements et les progrès ne seront pas, non plus, possibles tant que les différentes parties prenantes n'arrivent pas à se fondre dans le cadre défini et à en façonner les règles. La métamorphose de la sélection ne peut se traduire que par des façons d'être, de faire et de penser différentes. Il ne s'agit pas seulement de changer le sélectionneur, mais de repartir sur un nouveau cycle... L'on sait que les questions essentielles pour l'avenir de l'équipe restent toujours sans réponses, mais le nouvel entraîneur et ses joueurs sont plus que jamais dans l'obligation d'enrayer les dérives et les insuffisances qui ne cessent de marquer le parcours de l'équipe. Il s'agit au fait de pointer ce que tout le monde n'hésite pas à considérer comme un manquement et un dérapage entretenus. Et là, l'on ne peut s'empêcher d'évoquer l'état d'esprit qui affecte la vie collective de la sélection. On prend ainsi la mesure du malaise et on réalise que derrière un problème technique se cachent d'autres ressentiments. Mot par mot, nous entendons encore et toujours le même discours, la même démagogie, le même populisme au sujet de la reconstruction du team national. Mais jamais, ou presque, le débat d'idées, les questions de fond, le sens de la bonne formule. Ce n'est malheureusement pas une surprise, et encore moins volée. Il faut dire que c'est tout le football tunisien qui est entraîné dans une spirale à multiples facettes: sportive, morale, éthique, humaine.