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Miser sur les jeunes musiciens est un grand défi
Rencontre avec Imed Alibi, musicien et coach
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 04 - 2017

Lors des dernières JMC, on a pensé à organiser des one to one meeting, un coaching artistique qui s'adresse aux musiciens professionnels. Imed Alibi fut le coordinateur général de la formation. Nous l'avons rencontré pour plus d'éclairage sur ce projet et sur sa carrière.
Imed Alibi, comment pouvons-nous vous présenter ?
Je suis né en Tunisie en 1978, puis je suis parti en France pour poursuivre des études de traduction en 2001. Là j'ai rencontré le groupe les Boukakes (fusion) avec lequel j'ai fait des tournées mondiales. J'aime me définir comme un globe-trotter, vu que j'ai enchaîné les tournées et les collaborations du Maroc à l'Inde pour des créations en accompagnant Michel Marre, Safy Boutella, Rachid Taha, Emel Mathlouthi , le groupe réunionais Ziskakan, Moneim Adwan, Ghalia Ben Ali, Slow Joe...
En 2014, je lance ma carrière solo et sors l'album Safar, produit par le guitariste de Robert Plant, Justin Adams, en collaboration avec le compositeur Stéphane Puech et le violoniste Zied Zouari ou encore le percussionniste Zé Luis Nascimento. En 2015, j'ai créé Salhi avec Mounir Troudi et le trompettiste Michel Marre.
J'ai aussi composé des musiques pour des films documentaires en France pour Arte et France 3, et je collabore avec les orchestres de conservatoire (création Radio France) et j'ai participé dans le film iranien No Land's song, réalisé par Ayat Najafi. Par ailleurs, je suis conseiller artistique auprès du SILO en France et aux JMC. Voila en gros mon CV.
Comment vous est venue l'idée de coacher de jeunes musiciens et quel est le but de cette initiative ?
Les Journées Musicales de Carthage ont organisé pour la première fois trois jours de formation sous forme de table ronde. L'année dernière, au cours de la précédente session des JMC, nous étions 4 acteurs de la musique tunisienne à l'international : Amine Bouhafa, césar de la meilleure musique de film pour Tumbouctou, de Abderahmane Cissako, Sofiène Ben Youssef, l'arrangeur et compositeur de Bargou 08, Skander Besbès, spécialiste de musique électronique, Habib Achour, manager et expert à la Sacem (la société des droits d'auteurs) et moi-même musicien percussionniste et conseiller artistique de cette édition des JMC et dans d'autres festivals, qui avons eu l'idée de cette initiative.
De retour en France, nous avons abordé le sujet parce que beaucoup de directeurs de festivals ont remarqué le manque d'outils de communication avec les professionnels du spectacle. Lorsqu'un musicien prépare un dossier, il ne sait même pas quel genre de producteur aborder, avec quelle boîte de communication communiquer et comment créer un dossier. Pire, le projet musical en soi manque parfois de structure, d'arrangement, de finesse ; c'est ce qu'on a remarqué dans les show case des JMC de la session précédente.
Avec le groupe, nous avons réalisé des pages Facebook. J'ai proposé l'idée à Hamdi Makhlouf, directeur des JMC, d'aborder les sujets d'une autre manière en mettant nos capacités et nos expériences au service de jeunes musiciens. Je dois préciser qu'il s'agit d'une activité bénévole.
Quel est le bilan de cette nouvelle formule de coaching ?
Nous avons commencé par une conférence sur la culture qui n'est pas seulement un divertissement mais un élément dans l'Etat, l'économie, la société. Il s'agit d'activer tous les secteurs parallèles de la culture notamment le développement durable, l'éco-système à l'instar de nombreux festivals au Sud de la France, en Indonésie, Inde et autres pays du Sud qui ont eu des expériences extraordinaires en matière de développement durable. Un festival peut faire vivre un village toute l'année par le biais des formations, hôtels et restauration ainsi que les artisans qui vendent leurs produits sur la place publique. Ce sont ces petites choses qu'on aimerait bien voir se développer en Tunisie.
Inviter beaucoup de gens et dépenser des sommes énormes pour accueillir des artistes de variété qui viennent chanter puis repartent sont à mon sens improductifs. Je pense que dans un pays où il y a une émergence culturelle, on devrait davantage focaliser sur ce genre d'initiatives parce qu'on n'est pas dans le luxe. On manque parfois d'argent pour payer les artistes. On devrait plutôt se conformer à notre modèle économique et social et l'adapter à la culture. Le Rawanda, le Maroc où le marché de la musique de Rabat a poussé les Etats africains à la choisir comme capitale de la culture africaine. Le retour à l'Afrique est important car c'est à travers les expériences des pays du Sud qu'on peut évoluer sinon les Européens essaieront d'imposer un modèle.
Avec Florian Oliveres, directeur du festival des Tours du Monde, et d'une structure le Silo (coopérative dédiée aux musiques), nous mettons en place des programmes en travaillant en groupe avec d'autres structures. En Tunisie, les structures sont assez complexes, les musiciens ont un ego sur-dimentionné par rapport à leur production. En fait, on a besoin de plus de solidarité entre nous. Il s'agit d'une culture solidaire.
Lors de la deuxième conférence qui a eu lieu le 2e jour, nous avons organisé une formation sur le management culturel. Le 3e jour, nous avons abordé les problèmes de composition jusqu'au coaching scène. Malheureusement, la présence des paticipants était réduite. Il y a eu 15 à 20 personnes par jour. Les managers étaient quasiment absents et se comptaient sur les doigts d'une main.
La musique tunisienne est locale. Selon vous, peut-elle être exportable ?
Il s'agit de l'adapter à ce qui se passe ailleurs mais certains estiment qu'il faut protéger notre identité. Mais l'identité ne veut pas dire enfermement, cela peut être des identités, la synthèse de plusieurs expériences. Je travaille avec les Iraniens en utilisant la musique tunisienne et eux leur musique traditionnelle de Téhéran. Nous avons réalisé une musique pour un documentaire iranien No land's song, de Ayat Najafi qui parle des chants de femmes iraniennes, sorti l'an dernier en Europe et aux JCC.
Quelles sont les thématiques qui préoccupent les jeunes artistes présents à ces coachings ?
En Tunisie, les problématiques sont beaucoup plus complexes. Cela va de la recherche d'un local à celui de trouver un tourneur. Parfois, c'est très décalé. On tombe dans le problème d'infrastructure culturelle, de moyens pour répéter, le manque d'instruments, la recherche d'un manager, la recherche d'un style musical. Nous essayons d'aider. Ce ne sont pas ces trois jours qui vont changer les choses. Je communique beaucoup par facebook avec les jeunes. J'estime qu'ils sont plus ouverts, plus frais et en attente.
Nous ne sommes pas là pour faire le procès des générations, c'est juste pour aider. C'est la catégorie des jeunes qui est majoritaire en Tunisie, elle est un peu rejetée c'est pour cela que je m'adresse plus à eux. J'ai monté une association à Meknassi, ma ville natale, «Fen fil Meknassi», ce sont des ados qui ont monté des clubs de cinéma, de théâtre, musique, etc. J'ai juste fait le coach en leur expliquant qu'il faut s'organiser en club, monter une page Facebook, ce sont des choses basiques.
Quel type de musique intéresse les jeunes ?
Un Wajdi Riahi qui fait du jazz, Nour Harakati, les frères Soltane, des jeunes de la scène émergente en Tunisie qui sont entre le jazz, le rap, la musique électronique et traditionnelle aussi.
Quel est le bilan de cette expérience de coaching?
Elle est importante sur le long terme. On ne peut pas changer les choses en trois jours. Toutefois, je suis très content car à l'issue de ces rencontres on va rédiger un draft et lancer un groupe de réflexion pour l'élargir et peut-être se déplacer dans d'autres villes en Tunisie pour communiquer avec le maximum de jeunes. Il y a un appel à projet qui va toucher quelques jeunes avertis. On va montrer comment aller vers les appels d'offres, chercher les subventions etc. Je trouve que c'est très positif.
Quels sont les points faibles de cette session des JMC ?
Les faiblesses de cette année sont essentiellement financières. Je ne connais pas tout de l'intérieur mais il me semble qu'il y a une baisse de budget en raison de la défaillance des sponsors. La communication est mal gérée par rapport à ce conflit de générations qui est, à mon sens, inventé. On peut aborder les choses autrement et cesser de créer des conflits. Je suis dans une dynamique de voyages, la Tunisie est une étape pour laquelle je viens avec une énergie positive et j'essaie d'éviter de tomber dans des conflits. Hamdi Makhlouf a pris en main le festival dans des conditions chaotiques après la révolution. Il a rapproché des gens comme moi. Du coup, j'ai invité d'autres musiciens qui me font confiance.
Que pensez-vous de la scène musicale tunisienne ?
Je suis parti en 2001 à l'étranger dans un projet qui s'appelle musique du monde avec des musiciens de la Réunion, du Maroc, etc. J'ai saisi la chance de pouvoir travailler avec eux. A mon retour, j'ai remarqué que la musique qu'on entend dans les mariages et fêtes familiales est assez kitsch même au niveau de la sonorisation, c'est dans la répétition des années 80.
Ça c'est le côté animation, concernant l'autre côté classique, j'ai remarqué qu'il y a des musiciens et chanteurs qui ont beaucoup profité du système et ne veulent pas le lâcher sous prétexte qu'il faut protéger cette musique mais c'est un faux alibi. C'est dommage d'être envahi par la variété commerciale vulgaire. Par ailleurs, les jeunes font de la création grâce aux nouveaux outils de communication : internet, réseau sociaux, distribution numérique. On est dans un monde qui bouge et on n'est pas à l'abri de la mondialisation. Ceci dit, j'aime aussi la musique qui a bercé mon enfance.
Comment faire pour ne pas perdre son identité dans le contexte mondial ?
Je pense que les artistes, qui sont proches de la musique alternative, n'ont pas perdu leur identité et la tunisianité, au contraire, ils la protègent. Je pense qu'ils sont décomplexés par rapport à ceux qui font dans la variété. Ils sont beaucoup plus intelligents et actifs qu'une autre catégorie de musiciens. Ils utilisent les éléments de la musique tunisienne mais dans une vague électronique. Une chanson tunisienne dans un contexte rock va toucher plus de monde. L'exemple de Dhafer Youssef est à ce titre édifiant. Ma création «Safar» a réalisé 59 tournées dans le monde. A chaque fois, le label, c'est la Tunisie. Je ne pense pas que les gens rejettent leur identité.
La scène musicale tunisienne est-elle en train d'évoluer, de stagner ou de régresser ?
Je pense qu'elle est en train de stagner pour plusieurs raisons : le manque de structure, de formation. Les ministères de la Culture de nos régions du Moyen-Orient devraient plus se concentrer sur la formation, l'éducation, l'apprentissage que sur les tapis rouges et les grandes variétés en dépensant des sommes colossales pour faire venir un artiste périmé en France ou ailleurs. Il faut peut-être revoir nos politiques et profiter de cette révolution pour mettre en place une musique adaptée à notre époque.


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