Par Jalel Mestiri II faut maintenir une forme de dialogue avec le public. Les matches à huis clos, c'est impossible. Ou alors, le football est mort. Le sport, c'est aussi une ambiance, des chants. Le foot sans supporters n'est plus le foot... Si on aime le foot et le spectacle qu'il propose, on adore plus que tout l'ambiance qui entoure tout cela. La ferveur des stades. Celle qui sublime un match. Celle qui donne des ailes à certains joueurs, alors qu'elle en plombe d'autres. Celle qui fait frissonner tout le monde. Oui, c'est pour ça qu'on aime le foot. Et pour la même raison que l'on n'aime pas les matches à huis clos. Ils dénudent la compétition de son charme et de son spectacle. A n'en pas douter, même un match choc n'a pas la même identité et la même vocation quand les tribunes du stade sont vides. Vides de supporters et vides de chaleur. Immensément tristes. Ceux qui préconisent cette démarche, ceux qui prétendent veiller aujourd'hui à la marche du football, le ministère de tutelle donnent l'impression d'être coupés de la réalité. Ils sont quelques centaines à poser problème. Doit-on punir les mille autres? Si on n'est pas capable de régler un problème concernant un si petit nombre de personnes, il y a de quoi s'inquiéter. La pédagogie et le populisme semblent aujourd'hui passer avant l'exemplarité. L'effet d'annonce pour masquer une série d'échecs. Les responsables qui appellent au huis clos oublient qu'ils ont aussi leur part de responsabilité dans ce qui se passe dans les stades. Ils ignorent le monde des tribunes, ces usages, ces «valeurs» (parfois contestables). Ils se sont donc coupés de toute une partie du public. La plupart ont depuis longtemps perdu tout crédit. Ils sont mal placés pour donner des leçons de morale ! On assiste depuis quelques jours à une forme de surenchère : c'est à celui qui inventera la sanction la plus spectaculaire !... Le recours au huis clos, qui n'est d'ailleurs qu'une solution de facilité, montre que les initiateurs de cette décision n'assument pas leur responsabilité et ne cherchent pas à mieux connaître le monde des supporters et des tribunes. Si ces derniers ont le sentiment d'incarner la fidélité à leurs couleurs, à leurs clubs, d'être en quelque sorte éternels, les autres sont considérés comme étant de passage. Aujourd'hui, la fracture n'a jamais été si grande entre les tribunes et le terrain. On entre dans une contre-société : accuser l'autre d'être pire que soi. Le huis clos n'est pas la meilleure réponse à la violence. Il n'attire guère les sponsors, ou ce qui en reste à investir dans le football. Mais, alors, quels moyens et quel recours pour éradiquer ce fléau et faire face aux fauteurs de troubles ? Vaste question ! Car il n'y a pas de solution miracle. Mais il faudrait commencer par appliquer la loi, en finir avec les effets d'annonce, cibler les noyaux durs, bien souvent connus... Dans le même temps, il serait insensé de couper complètement tout dialogue avec les supporters. Il faut maintenir une forme de contact. Le football reflète la société. Or, la société actuelle est violente un peu partout... Un stade n'est pas hors du monde. Même dans l'excès, on est persuadé qu'il y a une majorité du public soucieuse d'en finir avec la violence. Finalement, la violence dans le football est-elle l'affaire du gouvernement ou de la fédération ? Qui doit s'en occuper? Les deux, bien sûr. Mais seul le gouvernement a les moyens d'aller vraiment au cœur des choses. C'est pour cela que l'on aurait besoin d'un regard sociologique pour étudier l'état d'un pays, d'une ville, dans toutes ses composantes, ses excès, ses qualités, ses défauts. C'est peut-être cette réalité, assez déprimante, que les politiques refusent de voir.