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«Le recours à la violence est-il légitimé par les religions monothéistes ?» (1)
Idées et débat

Le professeur et penseur Yadh Ben Achour a donné dernièrement, à l'Institut des Belles-Lettres Arabes, une conférence sur le thème «Convertir l'Autre et tolérer autrui: quelle solution pour cette antinomie des religions?». Modératrice, Kmar Ben Dana s'est interrogée sur la raison pour laquelle «travaille-t-on si peu sur les conversions», conjecturant que la rareté des sources pourrait être une des explications. L'historienne soutient, en outre, que la littérature a permis d'aborder la question de la conversion par portes dérobées, prenant comme exemple «Léon l'Africain», le roman d'Amin Maalouf. La Presse, par souci de présenter à son lectorat une vue sur les débats qui se déploient à Tunis, qu'ils soient littéraires, philosophiques ou religieux, vous présente une version allégée de l'exposé en deux parties.
Nulle activité de l'esprit humain n'est désintéressée, au sens philosophique du terme. Toute pensée, toute création, toute idée, tout sentiment, cherche à atteindre un but déterminé, au profit de celui qui l'exprime. «Convertir» à ses propres idées ou à ses intérêts n'est pas propre à la religion. Le scientifique, le philosophe, le moraliste, le politique, le commerçant, cherchent tous à convaincre et persuader, pour amener autrui à adhérer à leurs points de vue ou à leurs intérêts. Le premier, le scientifique, cherche à convaincre de la véracité de sa théorie par la démonstration, pour la faire admettre d'une manière particulière par la communauté de ses collègues scientifiques, avec la ferme conviction qu'il travaille pour le progrès de l'esprit humain en général et le progrès matériel de l'humanité.
Le politique, quant à lui, cherche à convaincre l'ensemble d'une communauté du fait que ses choix et décisions sont les plus proches du bien commun et de l'intérêt général. En cela, on peut considérer sa démarche comme étant la plus proche de celle du religieux. L'un cherche à convaincre et convertir pour un bonheur ultime purement terrestre, l'autre pour un bonheur qui se situe à la fois au niveau du bonheur terrestre, mais également d'une fin plus ultime encore, celle qui adviendra à la fin des siècles. Mais dans les deux cas l'engagement ou les promesses touchent l'entièreté de l'existence. Autrement dit, quand nous communiquons avec le politique ou avec le religieux, notre communication ne se limite pas un aspect de la vie, l'aspect économique par exemple ou l'aspect scientifique. Mais celle-ci enveloppe tout notre soi, notre soi social visible et concret, dont nous connaissons les conditions, les tenants et les aboutissants, mais également notre soi supra-social qui demeure dans le domaine de l'invisible.
Chaque religion apporte ses arguments et sa sagesse
Au départ, au moment de son éclosion, et encore plus au cours de son histoire future, toute religion construit des territoires : le sien propre et ceux de l'Autre. En cela encore, rien ne différencie la religion de la politique et c'est pour cette raison que nous les voyons toujours dans l'histoire se soutenir mutuellement ou se disputer et se faire la guerre. Et vis-à-vis de l'Autre, c'est-à-dire vis-à-vis des territoires humains, physiques ou spirituels qui ne font pas partie de son propre domaine et lui font directement concurrence, toute religion aspire à gagner des adeptes par la conversion. Cela fait partie de la tendance naturelle, instinctive de toute religion.
Chaque religion apporte ses arguments, sa sagesse, ses miracles, ses preuves et ses témoignages, en vue de convaincre l'Autre de la justesse de ses dogmes, de sa conception de la création, du créateur, de l'homme et du temps, de la matière et de l'esprit, du monde et de l'après-monde, en vue de solliciter puis d'obtenir l'adhésion à ses points de vue et de faire entrer les autres dans le cercle de ses adeptes. La conversion procède de la nature même de la religion. Nous nous limiterons dans ce qui suit aux religions du Dieu unique, les religions «des gens du Livre», d'après la terminologie coranique.
La conversion en tant que renoncement au passé
Dans l'Ancien Testament, la conversion constitue un revirement, un changement radical d'optique ou de conduite. La prédication des prophètes cherche à obtenir la conversion, c'est-à-dire le renoncement aux croyances et pratiques anciennes. L'idée est nettement exprimée dans Zacharie au verset 4 du chapitre premier : «N'imitez pas vos pères, eux que les prophètes de jadis ont interpellés en ces termes : «Ainsi parle le Seigneur, le tout-puissant : Revenez donc, renoncez à vos chemins mauvais et à votre conduite mauvaise».
La fuite face à la vérité révélée, la dénégation, l'hostilité et l'agression vis-à-vis des prophètes constituent l'un des mythes centraux des récits coraniques. Nous y reviendrons avec les figures coraniques emblématiques de Noé et d'Abraham, face à la persistance de leurs peuples dans la dénégation. Mais à ce stade, nous pouvons noter que les religions monothéistes associent dans un même mouvement le découpage du temps et celui de la morale et de la religion ; cela va évidemment de pair avec un couplage religieux du temps, entre le temps ancien de l'ignorance et le temps nouveau des lumières. Le Coran oppose nettement le temps immoral des ténèbres «dhulumât» à celui de la lumière, «nûr», ce qui correspond au découpage du temps historique, en islam et «jâhiliyya».
Le Nouveau Testament insiste également sur la conversion en tant que renoncement au passé, à ses illusions et ses fautes et en tant qu'espérance d'un meilleur avenir, en vue d'une plus grande proximité à l'égard du divin. À titre d'exemple, citons l'Evangile selon saint Matthieu à propos de Jean le Baptiste : «En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : «Convertissez-vous : le règne des cieux s'est approché». Le thème de la conversion se retrouve en plusieurs autres occurrences des Evangiles. Et la démarche de conversion englobe, en général, quatre paliers.
Le premier degré du faire-connaître, de la transmission
C'est celui de la communication, de la bonne parole et de la voie droite, «a-tabligh». Nous lisons dans le verset 67 de la cinquième sourate, «Al Mâ'ida» : «Envoyé de Dieu, communique (fais connaître) ce qui est révélé par ton Seigneur...». Il est dit également de nombreuses fois dans le Coran que le Prophète est astreint à la seule communication sans égard à la réaction de ses interlocuteurs. Dans la conception monothéiste, la bonne nouvelle doit être communiquée, la lumière doit s'épancher sur le monde.
Quant au deuxième degré, c'est celui de l'appel, «a-daawâ». Or, la différence essentielle entre «tablîgh», transmission, et la «daawâ», l'appel, c'est que dans ce dernier cas, apparaît l'idée de la sollicitation.
Il ne s'agit plus simplement de transmettre mais également d'appeler vers soi, c'est-à-dire de solliciter l'adhésion. Autrement dit, l'appel implique la réponse, «al Istijâbâ». Il s'agit d'appel pour suivre la voie juste, «al Hûdâ», ou droite, «a-sirât al mustaqîm», appel qui espère évidemment l'acceptation. La situation de Noé est, par conséquent, une situation tragique, comme celle d'Abraham, dans la sourate «A-sâffat», puisque, malgré leurs appels, leurs peuples persistent dans la dénégation, et la plainte élevée par Noé et Abraham vers le ciel nous est rapportée dans le Coran dans deux récits palpitants et dans un style épique et haletant.
Le troisième degré, celui de l'avertissement, «al indhâr», «al wa'îd», suivi de menaces, se trouve en opposition de sens avec le concept de la promesse, «a-tabshîr». La promesse, c'est l'annonce de la bonne nouvelle, qu'elle soit celle de la religion en général, de la miséricorde «rahma», ou de la vérité «haqq», ou celle d'un événement heureux qui doit toucher les bienfaisants, les saints ou les prophètes, comme Abraham ou Zacharie ou Marie.
Nous accédons ici à un niveau psychologiquement plus contraignant, dans la mesure où il est accompagné d'une menace, par exemple la menace, comme le feu de l'enfer, la souffrance ou la vengeance de Dieu sur terre ou dans le ciel. Il peut s'agir d'un cataclysme naturel comme dans le verset 13 de la sourate «Fuçillat» : «S'ils se détournent, dis-leur : je vous avertis du même cataclysme que celui dont furent frappés les ‘Âd et les Thamud». Il peut s'agir également de la souffrance dans l'au-delà ou par le feu de l'enfer, comme dans le premier verset de la sourate de Noé ou dans le verset 40 de la sourate «a-Naba'». Noé reçut un ordre clair : «Va avertir ton peuple avant qu'un châtiment douloureux fonde sur lui».
De la conversion à la violence
La contrainte légitimée par la foi constitue le quatrième degré de la démarche de conversion. Nous touchons ici une question polémique. Est-ce que les religions monothéistes prônent le recours à la contrainte et en particulier le recours à la violence? Certains l'affirment, d'autres l'infirment. Sans entrer dans le détail de cette polémique, il faudrait, cependant, l'expliquer et la comprendre. Pour cela, il faut tenir compte du fait que les textes sacrés, utilisant le langage métaphorique et symbolique, vont ouvrir la voie aux divergences d'interprétation qui elles-mêmes, au gré des circonstances historiques, vont produire des préceptes et des règles d'action antinomiques. Et c'est ainsi que la contrainte au service de la foi va, selon les interprétations, revêtir plusieurs formes et connaître plusieurs degrés d'intensité. L'une d'elles consiste à affirmer que la défense et l'extension de la foi et de la religion sont de nature à légitimer le recours aux armes.
Arrêtons-nous un instant sur le verset 84 de la sourate des Femmes, «Combats donc dans la voie du Seigneur. Et ne charge que toi-même. Incite les croyants. Peut-être que Dieu arrêtera la violence des infidèles. Dieu est encore plus grand en violence et plus grand en dissuasion». De tels versets peuvent être évidemment compris, et ils l'ont été dans les faits, comme justifiant la violence prosélytique, au service de l'expansion de la foi. L'Ancien Testament, notamment les livres de Josué et de Jérémie, déborde de références aux thèmes de la destruction, de l'anéantissement, et de l'anathème jeté sur les peuples, y compris le peuple élu lui-même, à cause de «la raideur de sa nuque» et de sa désobéissance aux ordres du Créateur.
Le texte évangélique s'avère largement en retrait sur la question de la violence, comme le révèle amplement le Discours sur la montagne. D'autres citations le confirment. Mathieu, 26, 51 : «Alors Jésus lui dit: Remets ton épée à sa place; car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée. Mathieu, «Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre».
Une prédisposition à l'exercice de la violence sacrée
Pour Saint-Thomas, il existe une persécution juste et une persécution injuste. Il écrit à cet effet : «Si nous voulons nous en tenir à la vérité, nous reconnaîtrons que la persécution injuste est celle des impies contre l'Eglise du Christ ; et la persécution juste est celle de l'Eglise du Christ contre les impies [...]. L'Eglise persécute par amour, les autres par la haine ; elle veut ramener, les autres veulent détruire ; elle veut tirer de l'erreur, et les autres y précipiter. L'Eglise poursuit ses ennemis et ne les lâche pas jusqu'à ce que le mensonge périsse en eux et que la vérité y triomphe [...]. Pendant que nous travaillons à leur procurer le salut éternel, ils s'efforcent de nous ôter le salut en ce monde. » Saint Augustin, Lettre 93 à Vincent (408 a.p. J.-C.).
Cette affirmation dont nous pouvons retrouver les prémices et les conclusions dans tous les livres d'hérésiographie islamiques, comme le Livre de l'immunisation, «Kitâb al I'tiçâm», de Shâtibi qui vécut au XIVe siècle, constitue une illustration de ce que nous avons tantôt évoqué, c'est-à-dire la division des territoires spirituels, en fonction de la position du locuteur. La terre à laquelle appartient le locuteur est toujours considérée comme celle du bien, de la droiture, de la justesse et de la justice. Tandis que la terre de l'autre est le réceptacle des erreurs, de l'abomination et de l'injustice. Ce cadre mental, à la fois objectif et subjectif, constitue une prédisposition à l'exercice de la violence sacrée qui a jalonné l'histoire de toutes les religions. Cette réflexion est valable pour les trois religions monothéistes, comme en témoignent, quasiment dans le quotidien, leurs histoires respectives.


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