L' Afrique subsaharienne attire et séduit. Pour les Tunisiens du moins, le reste du continent, celui peut-être qui nous ressemble le moins, mais dont les contours nous ont associé de tout temps à un même destin, commence à devenir intéressant à plus d'un titre. La Tunisie est à la recherche et à la découverte de marchés autres que le marché européen et sur lesquels elle pourrait exporter des produits, effectuer des échanges commerciaux certes, mais surtout exporter des compétences, des services et un savoir-faire aussi diversifié que possible. Le tout à un moindre coût. La prospection semble aboutir, puisque dans plusieurs domaines, les Tunisiens ont réussi à s'implanter en pays africains, supplantant par là-même des concurrents aussi redoutables que les Asiatiques ou plus près de nous, les Européens. Dans ce contexte féroce, le tourisme médical est devenu, un cheval de bataille sur lequel la Tunisie peut caracoler avec aisance. Car, et d'année en année, ce nouveau créneau ne cesse de confirmer ses promesses. Selon les sources du ministère de la Santé, de 150. 000 patients étrangers venus se faire soigner en Tunisie au cours de l'année 2008, le nombre est passé à 250.000 en 2009 et on estime qu'il le sera encore plus en 2010. Certes, le gros de l'effectif (70%) provient du reste des pays du Maghreb et notamment de Libye, mais la tendance occidentale (18%) et Afrique subsaharienne (12%) n'est pas non plus à prendre à la légère. Tabler sur un maximum de clientèle africaine en jouant à fond la carte de la qualité des prestations aux meilleurs prix, est dans tous les cas, un pari que certains semblent engager avec beaucoup d'assurance, et en même temps, de résultats encourageants. Test concluant L'expérience gabonaise en est la parfaite illustration. On la doit à Service médical international (Smedi), un organisme privé qui réussit déjà à attirer en moyenne et chaque année, environ 600 patients africains en provenance du Tchad et du Congo en particulier,vers la Tunisie. L'aventure gabonaise a commencé au mois de mars dernier avec l'arrivée du premier patient gabonais atteint d'une pathologie grave. Le patient a servi en quelque sorte de test, remporté d'ailleurs haut la main par les Tunisiens, puisque depuis, 50 autres patients gabonais ont emprunté le même itinéraire. Ce sera cette réussite qui poussera la Cnss gabonaise à chercher à s'intéresser de plus près à la Tunisie. Une délégation de médecins spécialisés appartenant au même organisme débarque en conséquence dans un but bien précis: évaluation et audit, deux opérations qui s'avèreront concluantes pour la Tunisie et qui seront suivies par la visite, récemment dans notre pays, de la première responsable de la Cnss du Gabon, Dr Vane Marie-Thérèse épouse Ndong Obiang. La visite sera partagée entre entretiens avec les deux présidents directeurs généraux respectifs de la Cnss et de la Cnrps tunisiennes, et une conférence de presse qu'elle tiendra à l'occasion. Le résultat? Un constat largement édifiant pour les Tunisiens et un message sans équivoque: oui aux compétences , à l'accueil et aux services tunisiens car, et à compétences égales avec les Européens, notamment la France vers laquelle sont évacués d'habitude les patients gabonais, «avec le coût d'un malade soigné en France, la Cnss gabonaise peut soigner trois voire quatre malades en Tunisie», dira en substance Dr Obiang. Pour les Tunisiens,l'intérêt est de même, car un touriste médical dépense en moyenne et durant son séjour en Tunisie jusqu'à 4.000 euros contre 300 euros pour un touriste ordinaire. Toujours selon des données du ministère de la Santé publique, et pour l'année 2009, le tourisme médical, toutes prestations confondues, a représenté 5% des exportations nationales des services et 24% du chiffre d'affaires des cliniques privées c'est-à -dire 175 millions d'euros. C'est pourquoi d'ailleurs , l'ambition actuelle est de faire de la Tunisie un exportateur net dans le domaine médical d'ici l'année 2016. Pour atteindre cet objectif, 17 cités de la santé avec hôpitaux, centres spécialisés et installations de recherches et développement en vue de soutenir le développement touristique dans le milieu médical sont à l'ordre du jour. Car, et en plus de clients européens et africains, la Tunisie vise une autre clientèle— pourquoi pas?— d'Asie et d'Amérique. Ambition légitime, mais dans le cas de l'Afrique, les obstacles ne manquent pas. En effet, et si la demande semble augurer des jours heureux pour les Tunisiens, il n'en n'est pas moins vrai qu'il est difficile, voire extrêmement pénible, pour un malade africain d'atteindre la Tunisie dans les meilleures conditions et cela pour une raison simple: il n'existe pas de vol direct entre la plupart des capitales africaines et Tunis. Dans le cas gabonais, le patient est obligé de subir des escales de 7 à 8 heures à Francfort ou à Casablanca avant d'atteindre Tunis. «Dans certains cas, on n'a pas le choix et même si cela nous coûte trop cher, on est obligé d'évacuer le malade vers la France», dira à ce titre Dr Obiang. Pas très rentable un vol direct entre Libreville et Tunis? A quoi bon rêver alors aux marchés africains ou chercher à gagner la confiance d'une clientèle africaine si l'on n'est pas disposé à risquer un vol direct à moitié ou même au trois quarts vide les premiers temps?