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« Le but était de donner une âme à la statue »
Hichem Ben Ammar, auteur de «Bourguiba de retour» :
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 06 - 2017

Le retour de Bourguiba en Tunisie le 1er juin 1955 après un long exil a inspiré au sculpteur Hachemi Marzouk la statue équestre du «Combattant suprême», réalisée en 1975. Après avoir été reléguée par Ben Ali depuis 1988 à La Goulette, voilà que l'œuvre retrouve sa place sur l'avenue Bourguiba le 26 mai 2016. Elle sera inaugurée officiellement par le président de la République le 1er juin 2016. Avec ce regard plein de délicatesse et de pudeur, qui est sa véritable marque de fabrique, Hichem Ben Ammar a filmé les coulisses du retour de Bourguiba sur l'Avenue. Le film sera projeté pour la première fois ce soir à 22h00 au 4e-Art en présence du réalisateur
Vous n'êtes pas à votre premier film sur la mémoire et l'Histoire. Ce dernier documentaire de 50 mn, «Bourguiba de retour», fait-il partie de cette préoccupation ?
Pour ma part, il ne s'agit pas d'un film longuement prémédité. Il répond davantage au projet du sociologue Mohamed Kerrou, auteur d'études sur Bourguiba et qui, connaissant mon intérêt pour la mémoire et l'Histoire, m'a sollicité. Il a réussi à me convaincre et je me suis mobilisé spontanément en apprenant que la statue équestre de Bourguiba, déplacée à La Goulette en 1988 par Zine El Abidine Ben Ali, allait retrouver sa place initiale au centre-ville. Nous n'étions pas préparés en termes de production. Tout cela s'est fait dans l'urgence à quinze jours du début du tournage. Nous ne pouvions pas postuler à l'aide à la production du ministère des Affaires culturelles vu les délais trop brefs. Le concept a donc été développé en fonction de la faisabilité. Le fait de suivre les étapes de la remise en état de la statue par le sculpteur Hachemi Marzouk a prolongé la durée des prises de vues qui se sont étalées sur un mois (au total douze jours entre le 3 mai et le 1er juin 2016). Il a donc fallu chercher de l'aide. La Fondation Habib-Bourguiba et Sodexo ont très vite répondu à notre S.O.S., soucieux de prodiguer leur encouragement à ce travail de terrain.
«S'attaquer» à la stature de Bourguiba à travers un documentaire n'a-t-il pas fait peur au cinéaste que vous êtes ?
Tout d'abord, on ne s'est pas attaqués à lui. Nous avons cherché la position la plus juste pour évoquer un mythe. Il est vrai qu'approcher Bourguiba, c'est en quelque sorte se mesurer à un personnage d'envergure. Le critiquer ne constitue plus un risque. L'encenser n'est plus obligatoire. Pourtant l'évoquer requiert toujours une certaine audace. Avec Mohamed Kerrou, nous avons choisi un angle inattendu et avons préféré interroger l'image officielle, celle que la propagande a voulu ériger en image d'Epinal en représentant Bourguiba à cheval lors de l'accueil populaire du 1er juin 1955. Mohamed Kerrou a considéré que le retour de la statue équestre vers son emplacement au centre-ville était une opportunité pour interroger les Tunisiens sur le sens de cette réhabilitation. C'est donc un film qui prend le pouls de la rue à un moment très précis et cela donne une image en coupe qui reflète la société tunisienne de 2016. La statue est donc l'interface qui nous permet d'aller au plus près du personnage de Bourguiba ou plutôt du souvenir qu'il a laissé. La caméra profite des moments de confusion où la statue est mise à mal par les nécessités du transfert pour s'autoriser un regard démystificateur, voire frondeur. De l'observation sensuelle de la texture à celle des détails en passant par les postures les plus diverses que prend la statue, la caméra fureteuse est toujours transgressive car l'œuvre détachée de son piédestal devient tout d'un coup vulnérable. Si elle perd de son prestige, elle gagne en mystère. Gisante, elle s'offre au regard indiscret comme une intrusion dans l'intimité. Le nettoyage et le lavage prennent alors un réel sens métaphorique. C'est comme s'il fallait blanchir Bourguiba aux yeux de l'Histoire. L'eau purificatrice revient d'une séquence à l'autre pour nous rappeler ce besoin de redorer un blason. Avec l'actualité de l'opération «mains propres», l'image de la main ouverte de Bourguiba revient comme un leitmotiv pour souligner son détachement par rapport aux choses trivialement matérielles. Il faut souligner que l'espace dans lequel se déroule cette remise à neuf est une décharge municipale, lieu qui tranche avec la solennité théâtrale de la sculpture. La grandeur et la décadence sont plus que jamais perceptibles dans ce décor entre la poubelle à ciel ouvert et le cimetière de voitures accidentées. Là encore, la réalité prend sens sous nos yeux.
Ce film «oscille entre l'investigation, le reportage et le sondage», comme vous le dites vous-même. Est-ce pour vous la meilleure manière d'archiver le retour de la statue de Bourguiba en mai 2016 ?
Comment à partir d'une série d'observations, purement journalistiques, dépasser la simple chronique, pour développer un récit avec des pics émotionnels ? Tel était le challenge. Le transfert d'une statue qui est une opération technique prend ici une toute autre dimension. La description des étapes n'est qu'un prétexte. La statue est un catalyseur facilitant l'expression et le micro-trottoir un exercice de croquis sur le vif révélant de manière kaléidoscopique une galerie de portraits. Bourguiba apparaît en creux à travers les opinions des uns et des autres. La difficulté a été de doser les informations pour conférer au «combattant suprême» une complexité que seules des informations contradictoires pouvaient enrichir. Tour à tour fantomatique, momifié, prophétique, tellurique, aérien, lumineux, pesant, léger, Bourguiba est un spectre dont la voix ponctue le film. Le but était de donner une âme à la statue, de la rendre vivante en l'inscrivant dans la perspective d'une actualité en pleine effervescence.
La réinstallation de la statue du leader sur l'Avenue a-t-elle été l'objet d'une instrumentalisation politique ?
Au-delà de toute instrumentalisation possible, il me semble nécessaire de considérer le bourguibisme comme un élément déterminant de notre Histoire car il a fortement façonné la société depuis des décennies. Avec le recul, il est indispensable de considérer cette empreinte et d'en retenir l'essentiel, à savoir, une philosophie de l'action, un pragmatisme visionnaire et une approche fondamentalement humaniste. Les dérives totalitaires et les déboires du bourguibisme tel qu'il s'est rapidement sclérosé à l'épreuve de l'exercice du pouvoir sont autant de leçons à mémoriser pour remettre à l'endroit un projet de société initialement imprégné de valeurs de liberté et d'aspirations à la souveraineté. Le film tente de susciter le débat invitant tout un chacun à relativiser ses positions.
Derrière les coulisses du retour de la statue qu'avez-vous pu découvrir ?
J'ai découvert une Tunisie vivante qui porte le débat politique dans le champ de la citoyenneté. Une Tunisie qui s'interroge sur son projet de société et sur son devenir, une Tunisie à la fois naïve, bon enfant mais vigilante qui n'a peur ni du débat ni de la confrontation et qui fait l'apprentissage de la démocratie en investissant la rue, lieu de la pluralité par excellence.
Vous avez également filmé sur le vif l'omission dont a été victime l'artiste Hachemi Marzouk le jour de l'inauguration officielle de la statue le 1er juin dernier...
C'est une situation que nous avons observée à la fin du tournage. Ce constat s'est imposé à nous. Il contient une terrible violence qui passe en général inaperçue car les personnes concernées par ce type d'humiliation la vivent silencieusement dans leur chair. Nous avons essayé de restituer cette violence en la rendant significative. On tombe effectivement de haut quand on voit le peu de respect accordé à un artiste émérite comme Hachemi Marzouk qui n'a pas pu franchir les barrages de sécurité et a dû observer de loin la célébration de son œuvre par les politiques. Cet oubli d'inviter l'auteur de la sculpture le jour même de la réhabilitation officielle de son œuvre maîtresse par les services protocolaires de la Présidence de la République en dit long sur l'inconscient d'un système. Nous avons en effet le sentiment d'avoir saisi l'un des aspects les plus diffus d'une gouvernance schizophrène qui déclare qu'elle mise sur l'individu, affirme qu'elle le valorise alors qu'elle le brime et le nie. C'est peut être là l'une des résurgences d'un système ou la perpétuation de ses effets qui se manifestent par la non-reconnaissance.
Pensez-vous à un autre projet sur la mémoire ?
J'envisage de réaliser une série de portraits de personnalités qui ont marqué l'histoire de la Tunisie contemporaine. Cette série s'adresserait aux jeunes pour leur donner des repères et leur proposer des exemples édifiants ainsi que des modèles structurants. Dans un souci de transmission de la mémoire, il est prévu de revisiter le XXe siècle à travers des figures de proue. Cela irait de Daghbaji à Med Ali El Hammi en passant par Thaalbi, Hassen Hosni Abdelwahab, Ali Belhaouane, Hédi Chaker, Mongi Slim, Slimane Ben Slimane, Hassib Ben Ammar et tant d'autres. La liste est longue. Il est temps que l'on accorde plus d'importance à ces hommes de tempérament qui ont participé à l'édification du pays. Le premier document que nous venons de réaliser s'intitule «M'hamed Chénik, parcours d'un homme d'Etat». C'est pour nous un coup d'essai qui donne le ton et un investissement qui ouvre une voie. Cet échantillon devrait normalement intéresser des institutions comme le ministère de l'Education nationale, celui des Affaires culturelles, les Archives nationales, l'Institut du patrimoine, l'agence Tunis-Afrique Presse et la Télévision nationale.


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