La consommation des pâtisseries traditionnelles de l'Aïd connaît une nette évolution La tradition l'exige, la gourmandise aussi ! La célébration de l'Aïd El Fitr rime avec la consommation des délices traditionnelles et ce, dans tous les pays musulmans, sans exception. Dans notre pays, et à quelques jours de cette fête qui clôt un mois de jeûne, les familles se bousculent dans les pâtisseries afin de passer des commandes ou de faire l'acquisition de sucreries. Si jadis les délices traditionnelles, dont la plupart sont d'origine andalouse et autres, turque, étaient préparées avec minutie et savoir-faire à la maison, les femmes modernes recourent à la solution de facilité sans pour autant priver leurs familles de gâteaux savoureux et de qualité. La pérennisation de cette tradition excède son seul aspect coutumier pour traduire la joie de vivre et de consommer, celle d'une société qui peine pourtant à s'acclimater avec la baisse vertigineuse de son pouvoir d'achat. Il est 15 heures en ce jeudi 22 juin 2017. Bon nombre de clients se tiennent en file indienne dans l'une des pâtisseries renommées du Bardo. Certains ont pris l'habitude de choisir parmi les délices spécial Ramadan de quoi régaler le palais durant la soirée. Sauf qu'aujourd'hui, c'est pour une autre raison qu'ils s'impatientent d'être servis : s'approvisionner en pâtisseries fines, lesquelles égayeraient l'Aïd. Mme Hannafi est retraitée. Elle quitte la pâtisserie deux paquets de «hlow» sur les bras. «Pour choisir la bonne adresse, il convient de miser sur la qualité qui n'est pas souvent synonyme de pâtisseries de renom. Il suffit d'opter pour les pâtisseries qui réussissent l'équilibre entre bons ingrédients et tarifs abordables», indique-t-elle. Pour cette dame, il existe aussi d'autres alternatives que les pâtissiers, à savoir les ateliers à domicile que montent certaines petites entrepreneuses. «Certaines dames sont spécialisées dans la préparation des délices de l'Aïd. Elles reçoivent des commandes et finissent, grâce à la qualité irréprochable de leurs produits, par fidéliser leurs clients», ajoute-t-elle. Certes, bon nombre de pâtissières avaient débuté leur carrière en montant un petit atelier de pâtisserie chez elles. Cela dit, la plupart des consommateurs ont une nette préférence pour les pâtissiers réglementaires. Hadhba vient d'acheter les délices spécial Aïd. Elle se réjouit de n'avoir pas dû passer une commande et revenir la chercher ultérieurement. «Chaque année, je m'approvisionne en sucreries à raison de deux ou trois kilos. Cette fois-ci, j'ai opté pour trois kilos panachés contre la somme de 102 dinars, soit 35 dinars le kilo. Franchement, poursuit-elle, je trouve ce prix raisonnable en comparaison avec d'autres pâtisseries qui proposent les délices préparées à base d'amandes à 45 dinars le kilo». Optimiser les gains ou fidéliser les clients ? Ce qui est en effet curieux, c'est que les prix des délices de l'Aïd varient d'une pâtisserie à une autre. Certes, la gamme des sucreries préparé à base de pistaches ou de pignons coûte nettement plus cher que ceux préparées à base d'amandes et de noisettes, en raison des prix gonflés des premiers mais aussi à cause de l'augmentation des prix des fruits secs d'une manière générale, lesquels constituent les ingrédients basiques des pâtisseries. Chokri Ounayech est pâtissier. Comme les autres, il a dû payer plus cher que d'accoutumée les ingrédients de base, indispensables à son commerce. «Les prix des fruits secs ont enregistré une hausse sensible durant la seconde quinzaine de ramadan. Les amandes sont passées de 16d,800 à 22 dinars le kilo. Les noisettes étaient proposées à 23 dinars. J'ai dû les acheter à 28 dinars le kilo. Quant aux pistaches, leur prix est passé de 42 dinars à 50 dinars le kilo», indique-t-il. Selon lui, cette hausse revient à la spéculation au niveau du marché des fruits secs. Contrairement à d'autres pâtissiers qui hissent systématiquement les prix des pâtisseries après une augmentation des prix des ingrédients de base, Chokri tient à fidéliser ses clients et à garantir une demande croissante sinon constante de ses produits. «Mes pâtisseries sont panachées de fruits secs. Leurs prix demeurent raisonnables et varient entre 30 et 35 dinars le kilo, ce qui me garantit une petite marge bénéficiaire, certes, compensée cependant via une demande en hausse», renchérit-il. Dans une autre pâtisserie au Bardo, Ezzedine, gérant, veille sur le bon déroulement du service. La consommation des pâtisseries traditionnelles de l'Aïd connaît, à son sens, une nette évolution. «La consommation des délices de l'Aïd suit, annuellement, une courbe ascendante. Toutefois, ce sont les choix qui ont changé. Le Tunisien opte, de plus en plus, pour les délices panachées. La moyenne de l'approvisionnement en sucreries des familles tunisiennes oscille entre trois et quatre kilos par ménage, sans oublier les délices aux prix à la portée de tous, notamment les biscuits dits «bachkoutou» et la «ghraïba», indique-t-il. Cette année, et selon les données fournies par ce gérant, toutes les délices spécial Aïd ont été soumises à une augmentation de prix de l'ordre de cinq dinars. «Certains pâtissiers se croient être rusés. Ils diminuent la quantité des fruits secs tout en procédant à l'augmentation des prix. Ils sont persuadés qu'ils font de bonnes affaires en gagnant plus d'argent, ce qui n'est pas vrai. En optant pour une telle pratique, ils finissent par perdre des clients. En revanche, c'est en gardant intacte la qualité de leurs produits qu'ils réussiront à fidéliser leurs clients», explique-t-il. Ezzedine saisit l'occasion pour montrer du doigt la manie dont font preuve certains pâtissiers et qui consiste à recevoir des commandes énormes deux semaines au préalable, ce qui ouvre la voie aux arnaques et à la vente de pâtisseries de mauvaise qualité. «Ici, l'on reçoit des commandes un jour à l'avance; juste le temps qu'il faut pour préparer les succulentes délices», renchérit-il, confiant.