Depuis 2014, le dialogue tripartite qui a bien engagé sur la même ligne droite l'Union européenne, d'un côté, la Tunisie et la société civile, de l'autre, n'a pas fini d'évoluer en demi-teinte. Entre une confiance, parfois, retrouvée et une certaine méfiance qui plane sur le suivi des relations, l'élan des négociations traîne en longueur. Le bilan paraît, alors, mi-figue mi-raisin. Pourtant, il n'en reste pas moins que notre société civile, la majorité, affiche encore un brin d'optimisme. Le rendez-vous de février 2016, suivi, quatre mois plus tard, par un deuxième à Bruxelles, a pu dégager des recommandations élaborées dans quatre thématiques particulières touchant la réforme judiciaire, l'égalité et les droits des femmes, la migration et les droits économiques et sociaux. En tout cas, le débat manquait toujours de sérieux aussi bien du côté du gouvernement tunisien que de ce celui de la partie européenne. Le troisième maillon de la chaîne qu'est la société civile nationale ne peut que suivre, en position d'intermédiaire. Tentant de reprendre le manche, en vue de créer une synergie commune, les partenaires au dialogue viennent de relancer le débat. Les assises ont démarré hier à Hammamet, sous la bannière du Réseau Euro-Med Droits, bureau Maghreb-Tunisie. La séance plénière, qui s'est déroulée toute la matinée, en présence de M. Michel Tubiana, président d'Euro-Med Droits, le président d'honneur M. Kamel Jendoubi et tout le staff du bureau de Tunis, Mme Lilia, ainsi que M. Alexandre Zafiriou, ministre conseiller à la délégation de l'UE en Tunisie, avait ainsi suscité un débat poussé. Beaucoup à revoir Les organisations de la société civile ont toujours de quoi reprocher. Leurs membres respectifs ont tenu à dire ce qu'ils avaient sur le cœur. Rapprochés par La Presse, certains parmi eux n'ont pas manqué de faire valoir la portée d'un tel dialogue sans précédent. Sous la dictature, de pareilles initiatives avaient du mal à aboutir, les activistes n'avaient pas le droit de s'exprimer. Après la révolution, la Tunisie a marqué un point à ce niveau. En revanche, il n'y a pas, à ce jour, un retour de résultats. M. Ramy Salhi, chef du bureau Maghreb Euro-Med Droits à Tunis, voit que les quatre questions évoquées par le dialogue tripartite devraient faire l'objet d'une vision commune. Et d'enchaîner que leur examen mérite qu'on revoie également les relations de partenariat avec nos amis européens. «Sur le plan stratégique, cette idée commence à prendre forme», déclare-t-il, soulignant que la politique européenne de voisinage (PEV) n'a pas été à la hauteur des attentes. «Elle est plutôt en deçà des ambitions», reproche-t-il. Et ce parce que, d'après lui, la Tunisie, en tant qu'expérience reconnue « réussie » dans la région, n'a réellement pas récolté les fruits de cette politique. « Alors qu'elle y aurait trouvé son compte, en la gratifiant d'un statut plus avancé, soit d'un partenaire privilégie», espère-t-il. Et M. Salhi d'ajouter, dans ce sens, qu'il n'y a aucune raison de placer la Tunisie au même rang que la Libye, la Syrie ou l'Egypte. « C'est pourquoi, on redemande à ce que l'UE nous traite comme partenaire particulier», lance-t-il en toute confiance. Autrement dit, que nos relations ne soient plus réduites à des limites matérielles. Rapport bailleurs de fonds-bénéficiaires. Il est tellement réducteur qu'on ne peut pas mieux exploiter le potentiel européen. Certes, argue-t-il, le partenariat avec l'UE est d'autant plus exhaustif et diversifié que notre pays pourrait en profiter largement dans plusieurs domaines d'activités. Partenariat pour la mobilité des Tunisiens dans l'espace européen, la migration, la suppression du visa, le démantèlement des barrières tarifaires (huile d'olive, agrumes) dans le cadre de l'Aleca (accord de libre-échange complet et approfondi) sont autant des revendications aujourd'hui négociables. De son côté, Mme Monia Ben Jemiâ, présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd), s'est sentie ravie de voir la société civile tunisienne bien écoutée, ayant la latitude de dire ce qu'elle veut. La position du Conseil de l'Europe à l'égard de l'élimination des violences faites à la femme a été aussi agréablement ressentie. Force est de constater que le rapprochement de vue entre l'UE et la Tunisie post-révolution s'explique, selon elle, par le fait que les partenaires de la rive nord avaient fait leur mea culpa. « Donc, ils ont prévu une nouvelle politique de voisinage, où il y aurait un véritable respect de la conditionnalité démocratique. Effectivement, elle demeure plus exigeante à ce niveau», fait-elle remarquer. Cela a été aussi constaté en matière des droits de la femme. « Et je pense que grâce à la pression du Conseil de l'Europe, l'ARP aura à adopter le projet de loi sur l'élimination de la violence à l'égard de la femme », indique-t-elle. De même, a-t-elle encore ajouté, l'Atfd n'a cessé de réclamer la réforme du Code du statut personnel pour qu'il s'adapte au mieux aux exigences de l'étape. Cependant, quatre ans après le démarrage du dialogue tripartite, Mme Ben Jemiâ s'est déclarée pas satisfaite du bilan. Le président d'honneur de la Ltdh et président du bureau de la Fidh en Tunisie vient de déplorer la présence timide du gouvernement au sein des négociations avec l'UE. Préoccupé par la complexité de la situation, le droit-de-l'hommiste n'a pas manqué de soulever moult interrogations : quel rôle pour la société civile tunisienne dans le dialogue tripartite ? Connaissons-nous, vraiment, l'UE, son fonctionnement, ses organismes et institutions ? Quelle stratégie réserve-t-elle à notre égard ? Agit-elle en bailleur de fonds ou comme partenaire stratégique? En conclusion, il estime que la politique de voisinage devrait consacrer quelque chose de spécifique pour la Tunisie.