Il est toujours bon de rappeler à quel point les peuples ont souffert du colonialisme. C'est toujours avec la même délectation qu'on savoure le magnifique chef-d'œuvre de Mohamed Lakhdar Hamina, Le vent des Aurès, projeté dans le cadre de la semaine du film algérien, qui se tient du 13 au 21 février 2010, à la MC Ibn-Rachiq. Réalisé en 1967, par un grand monsieur du 7e Art, auteur de Chronique des années de braise, Palme d'or au Festival de Cannes 1975, une distinction jamais renouvelée par aucun autre pays arabe ou africain, Le vent des Aurès a attiré un public record. En fait, tous les films algériens ou coproduits avec des cinéastes tunisiens (Leïla, ma raison de Taïeb Louhichi ou Aziza de Abdellatif Ben Ammar), précédés de leur solide réputation ont, à la satisfaction générale, éveillé la curiosité et l'intérêt du public qui continue d'y affluer en masse. Inoubliable Keltoum Le vent des Aurès évoque un épisode très douloureux de la guerre d'Algérie. Ce drame profondément humain met en scène la quête désespérée d'une mère, partie à la recherche de son fils. Elle n'est pas encore remise de l'assassinat, sous ses yeux, de son mari, un vieux paysan innocent, et du bombardement, mené de façon brutale, de sa mechta (village rural). Sur les pas de la mère, la caméra de Lakhdar Hamina nous promène à travers tous les camps d'internement, les casernes et autres lieux de détention où serait enfermé son fils. Dans sa candeur naturelle, elle a imaginé un stratagème susceptible d'attendrir les cœurs les plus récalcitrants et de fléchir les volontés les plus coriaces‑: offrir une paire de volaille ramenée de la ferme familiale. Raillée et tournée en bourrique par les soldats en faction, la pauvre vieille femme, insouciante aux moqueries, et parfois aux insultes, tente désespérément d'arracher une information qui la rassurerait sur le sort de son fils. Malgré le tragique de la situation, certaines scènes étaient franchement cocasses. Réussir à faire rire d'un drame aussi poignant relève d'un exercice de haute voltige dont, seuls, sont capables les vrais maîtres dans cet art. A ce propos, Lakhdar Hamina a été servi par une immense tragédienne, Keltoum, doyenne des actrices algériennes, qui s'est spécialisée et cantonnée dans les rôles de passion où elle met tout son talent pour traduire la lutte éternelle de l'homme face à la cruauté d'un destin inéluctable. Avec une sincérité excessive dans l'ingénuité, elle a donné au personnage sa majesté et sa dignité. Ses traits, déformés par la douleur et le désespoir de l'attente et de l'espoir, expriment avec réserve et pudeur le pathétique d'une situation grave et solennelle. Le dénouement presqu'imprévu de cette intrigue aboutit à l'horrible vérité, celle de la mort de ce fils tant aimé. Telle une lionne blessée et traquée, la mère pousse des hurlements à vous fondre le cœur. Se lacérant le visage et mettant en loques ses habits, on ne peut rester insensible à ces cris plaintifs et aigus, intensifiés par ce terrible vent des Aurès soufflant sur un paysage apocalyptique. Un film bouleversant qui, à chacune des projections, remue et émeut profondément.