Pionnière dans les droits de la femme dans le monde arabo-musulman, la Tunisie a promulgué le 13 août 1956 le Code du statut personnel qui est venu consacrer l'égalité entre les femmes et les hommes devant la loi. L'ensemble des dispositifs juridiques et institutionnels ainsi que les programmes qui ont été mis en place, par la suite, se sont caractérisés par de profondes mutations qui ont marqué la société, se traduisant par l'expression des potentialités de la femme dans plusieurs domaines. Dans le domaine sportif, le nombre de femmes licenciées n'a cessé d'augmenter, évoluant plus rapidement que celui des hommes mais elles restent encore sous-représentées, en raison de la persistance de certains préjugés qui a rendu difficile leur intégration dans diverses disciplines. Cela n'a pas empêché, pourtant, beaucoup de sportives de se distinguer dans des catégories réputées pour être «masculines» et d'obtenir des résultats significatifs. Leur présence accrue parmi l'élite a, ainsi, prouvé qu'elles étaient dotées d'autant de potentialités que les hommes. La pratique sportive a-t-elle permis de contribuer à changer les perceptions négatives sur la femme et de favoriser son émancipation? Telle est la question qui a été soulevée par Mme Raja Jamoussi, enseignante à l'Issep de Sfax, lors du dernier colloque international «Femme et sport» qui a accueilli un grand nombre de sportifs et de spécialistes du sport. A partir d'études effectuées sur le terrain sur un échantillon de femmes sportives, l'enseignante universitaire a abouti aux déductions suivantes, à savoir que les femmes athlètes passent de longues années dans leur discipline et supportent un poids et un volume horaire important et doivent supporter des contraintes difficilement conciliables avec la vie privée.Beaucoup de sportives ont atteint d'atteindre un haut niveau dans certaines disciplines, grâce à l'infrastructure, aux équipements et à l'encadrement dont elles ont bénéficié. Elles ont pu réussir leur carrière grâce à l'encouragement de leurs familles. En effet, conséquence des conditions sociales qui ont changé, de plus en plus de parents encouragent les femmes à suivre une carrière sportive. Les études faites sur le terrain ont montré, par ailleurs, que les femmes qui pratiquent des disciplines comme l'escrime, l'aviron, le tennis, la gymnastique, sont issues d'une catégorie socio-économique élevée. Toujours, selon les observations sur le terrain, les athlètes femmes se distinguent des athlètes hommes par le fait qu'elles montrent une ferme volonté à vouloir mener de front leurs études et une carrière sportive. En effet, selon Mme Jamoussi, les sportives redoublent moins et sont plus déterminées à mener un double projet scolaire et sportif. S'exprimant sur le choix de certaines femmes de suivre une carrière dans des disciplines réputées pour être plutôt «masculines», la communicatrice a affirmé que les femmes sportives qui s'investissent dans des pratiques non inscrites dans le code traditionnel «désirent exister à travers leur activité et n'ont pas peur de perdre leur identité sociale. Elles échappent ainsi à l'autorité paternelle et fraternelle et adoptent des pratiques qui sont valorisées dans leur milieu et qui ne donnent pas lieu à des commérages sociaux se rapportant à l'exhibition du corps». Il reste que la pratique de certaines disciplines comme l'haltérophilie, les sports de combats, le football et le rugby (47%) choquent encore. Pourquoi les femmes abandonnent-elles leur carrière sportive‑? C'est l'autre question soulevée par l'intervenante qui a relevé dans sa communication que celles qui sont encore dans la compétition prévoient, généralement, d'interrompre leur carrière avant trente ans, expliquant, par ailleurs, que la combinaison de plusieurs facteurs est généralement à l'origine de l'interruption d'une carrière. Mais le sport restera toujours de plus en plus investi par les femmes tunisiennes.