Chef-d'œuvre de l'expressionnisme allemand, Metropolis, le film de Fritz Lang sorti en 1927, a révolutionné son époque, et le cinéma universel. Film muet en noir et blanc, produit pendant la courte période de la République de Weimar, il fut magistralement mis en scène par ce réalisateur autrichien du début du XXe siècle, pour raconter les mécanismes sociaux machiavéliques, dans lesquels s'embourbait déjà l'Homme moderne. Quand un collectif d'artistes alternatifs, réunis depuis quelque temps sous l'enseigne «Atelier D», pensent à (re)donner une lecture de ce moment incontournable du 7e art des années folles, les yeux attendent et les oreilles sont toute ouïe. C'est «L'Atelier D», laboratoire où multiples formes d'expérimentations artistiques et créatives ont lieu, qui s'est aventuré dans cette (ré) création. Réunis autour du photographe, sculpteur et bricoleur qu'est Abdelaziz Belgaid, de jeunes penseurs des nouvelles formes visuelles et corporelles s'adonnent, infiniment, à réinventer le monde. Leur dernière fusion s'est abandonnée dans l'univers à la fois féerique et cauchemardesque de Metropolis, pour faire vivre environ trois semaines durant, une méga-installation. Dispositif investi dans le domicile même de Abdelaziz, transformé, métamorphosé, inoculé par la machine Metropolis et inoculant sa retranscription première : l'Humanité et son désespoir fatal et existentiel. Arrivés sur les lieux de l'installation, parmi les douze personnes conviées à chaque fois pour l'événement, nous attendions de franchir la porte… dans un mystère des plus planants. C'est à croire que les énergies qui se sont penchés ce jour-là sur le berceau de «L'Atelier D» se sont accumulées pour s'additionner aux résonnances quasi-mystiques de la cérémonie. Agencé comme un parcours labyrinthique, le circuit débute par «un homme-zombie», machine ouvrière désarticulée des galaxies mécaniques dans lesquelles nous demeurons. Un autre, figure sérielle de la première, nous fait signe d'arrêter. Il actionne un «monte-charge», allégorique, et nous avons réellement l'impression de descendre au 22e sous-sol du film originel. Ce que nous trouvons au bout ressemble à des catacombes pleines de poésie, et de révolte. Etonnante ébullition d'êtres animales que nous croiserons et recroisons progressivement. Foisonnante accumulation d'objets récupérés, reflets de leur cénesthésie désincarnée. Puis, «imagine que tu te trouves là, seule, invisible entre les bâtiments, comme des milliards d'autres, perdu dans la ville, (…) une métropole divisée en deux. Imagine que tu es dans celle d'en bas... La ville invisible, mégalopole souterraine, occultée aux entrailles du ciment. Là-bas, une masse d'automates aux pieds de plomb travaille d'arrache-pied. L'homme machine qui se balade, conditionné à se balader, étranger et soumis. La machine, créée par l'homme (...) Innombrables fenêtres en infinis gratte-ciels font face au vide pendant qu'en haut, vingt deux étages plus haut, d'autres hommes jouent et se poursuivent à tâtons entre plaisirs inconnus». Ce sont ici les mots de «L'Atelier D » pour narrer leur Metropolis, termes imaginatifs et imaginaires récitant une surréalité organique. Plasticité, musicalité, rythmes électro-acoustiques, chorégraphie, jeu scénique et mixages vidéographiques nous ont littéralement plongés dans une émeute charnelle et émotionnelle hors du commun. Pour l'installation Metropolis de « L'Atelier D », nous n'en dirons pas plus, car pour la comprendre, il faut la sentir, et pour la sentir il faut la vivre. Alors vite, à la prochaine !