La dette publique a franchi toutes les lignes rouges et atteint des niveaux presque insoutenables, 63% du PIB, de source proche du gouvernement, mais au-delà des 70% si l'on prend en considération les engagements des entreprises publiques consentis avec une garantie de l'Etat. Effervescence inédite à propos du budget 2018, bien qu'en pareille période de l'année les jeux soient généralement faits. Or la Tunisie passe actuellement par une période exceptionnellement difficile, voire grave, avec comme épicentre la dette publique. Et malgré un discours officiel tantôt alarmiste, tantôt désespérément optimiste, la vie des Tunisiens suit son cours habituel et semble complètement déconnectée, par un comportement consumériste toujours fidèle aux traditions, mais au final trop pesant sur l'épargne et de plus en plus orienté lui-même vers l'endettement. L'on comprendrait, au passage, qu'une proportion non négligeable de la dette publique et du déficit commercial est due à l'endettement des ménages, toujours sans encadrement significatif. Les experts en économie s'accordent à dire que la dette publique a franchi toutes les lignes rouges et atteint des niveaux presque insoutenables, 63% du PIB, de source proche du gouvernement, mais au-delà des 70% si l'on prend en considération les engagements des entreprises publiques consentis avec une garantie de l'Etat. C'est ainsi d'ailleurs que le FMI recommande de ramener la dette publique totale au-dessous de ce seuil critique à moyen terme, d'ici 2020. Et tout l'enjeu réside dans le maintien de ce cap, parce que, d'un côté, si un frein n'est pas mis dans l'immédiat à cette ligne, la situation risque de devenir par la suite définitivement incontrôlable et c'est immédiatement le scénario grec qui nous attend par la suite. D'où donc l'importance de ce budget 2018 et dont le ministre des Finances par intérim a déjà annoncé la couleur : ce sera un exercice difficile ! La difficulté de la tâche provient en premier lieu de l'obligation d'augmenter la croissance sans recourir davantage à l'endettement. Or, il ne peut y avoir de croissance sans investissement et l'Etat ne peut consacrer de fonds supplémentaires sans grignoter encore plus au niveau de la fiscalité et des dépenses de compensation. La fiscalité, faut-il le rappeler, est la principale source d'alimentation du budget, et la compensation des hydrocarbures, de la nourriture, du transport et autres constitue un facteur d'équilibre aussi bien dans le budget des ménages que dans les facteurs de production... D'un autre côté, l'investissement privé n'arrive toujours pas à prendre le relais quant à la création d'emplois de qualité en mesure de stabiliser toute une génération ambitieuse, informée et connectée... L'on ne se contente plus du « Smig », surtout après avoir passé une vingtaine d'années dans les études. Enjeu politicien L'autre source de pression est purement d'ordre politique. 2018 est pratiquement la dernière chance pour réaliser les promesses faites par les partis politiques avant de retrouver leurs électeurs en 2019, année électorale par excellence où les Tunisiens auront rendez-vous avec de nouvelles législatives et présidentielle. L'on ressent déjà une certaine réticence dans l'enregistrement pour les municipales prévues pour le 17 décembre 2017. Un grand problème de confiance se place comme une « cerise »... Tenant compte de tout cela, une première mouture a prévu la somme de 36 milliards de dinars pour le budget 2018, soit une augmentation de 4 milliards de dinars. Laquelle augmentation tient compte des augmentations salariales, objet d'engagement avec les syndicats, mais aussi des besoins d'investissement pour atteindre les objectifs de la croissance et, enfin, de la dépréciation continue du dinar par rapport aux principales monnaies étrangères, l'euro et le dollar. Paradoxalement, il n'y a pas de ressources supplémentaires au niveau des entrées. D'où l'intention de recourir encore une fois à l'endettement. Dans ce contexte précis, beaucoup d'experts, même ceux proches du gouvernement, ne partagent pas cette optique et proposent de trouver d'autres alternatives que de s'endetter ou d'alourdir davantage les ressources fiscales. Dans cette logique, on a même proposé de ne pas proposer un budget supérieur à 34 milliards de dinars, quitte à faire moins d'investissement que prévu ou de compter beaucoup plus sur la fameuse issue du partenariat public-privé. Et encore faut-il que toute cette somme soit déployée de façon rationnelle et efficace, donc, avec moins d'erreurs de gestion, moins de générosité injustifiée et surtout sans corruption ni détournement. Selon la même logique, il serait d'autant plus opportun de privatiser, même partiellement, les entreprises publiques n'ayant pas un caractère stratégique, de sorte à rationaliser leur gestion et, partant, à les placer en soutien aux finances publiques au lieu de continuer à assumer leurs pertes et dont certaines sont devenues insoutenables... Enfin, pour clôturer le tableau, la récupération du manque à gagner au niveau de certains métiers en évasion fiscale serait d'un apport considérable, surtout quand on sait que ce manque à gagner est estimé à 6% du PIB et si l'on parvient à trouver une formule encourageant les secteurs concernés à le faire volontairement. Affaire à suivre !