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« Nous avons toujours des relations diplomatiques avec la Syrie »
Entretien avec M. Khemaïes Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 07 - 2017

Le contexte de la conférence annuelle des ambassadeurs, consacrée cette année au thème du partenariat avec l'Afrique, était l'occasion d'évoquer avec le ministre des Affaires étrangères les nouvelles orientations que se fixe la diplomatie économique tunisienne, mais aussi de faire un petit tour d'horizon des grands dossiers internationaux à propos desquels le ministère dont il a la charge affiche une position particulière : la crise du Golfe, le processus de paix au Proche-Orient entre espoirs et attentes, les initiatives de médiation autour de la Libye... Enfin, la rencontre avec le ministre a permis de rappeler l'ordre du jour des négociations avec l'Union européenne, dans la forme nouvelle qu'elles ont amorcée
La Tunisie a été présente lors de réunions préparatoires du G20 autour du partenariat avec l'Afrique. Puis on a noté que le dossier africain avait été assez absent des débats du sommet... Y a-t-il quand même des résultats concrets sur ce dossier et, si oui, est-ce que le thème sous lequel est placée l'actuelle conférence des ambassadeurs est en lien avec ce résultat ?
Absolument. D'abord, c'est un privilège que la Tunisie, que le président de la République tunisienne, soit invité à ce forum. C'est la première fois qu'on invite la Tunisie au G20 : ce n'était pas une conférence préparatoire, c'était une conférence qui a été organisée en marge du sommet du G20. Et c'est une initiative de l'Allemagne qui démontre l'intérêt qu'elle porte, avec certains pays membres du G20, à l'Afrique. Evidemment, à côté de la Tunisie, il y a eu d'autres pays africains qui ont été invités à ce sommet et c'était une occasion pour débattre avec eux de la situation actuelle en Afrique et surtout de la manière dont les pays du G20, et particulièrement l'Allemagne, pourraient aider les pays africains à faire face aux difficultés actuelles de développement.
Il y a un programme qu'on a appelé « Compact with Africa ». Il a bénéficié de moyens financiers mobilisés pas seulement par l'Allemagne, mais aussi par certaines institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la BAD... Et la Tunisie a été choisie à la fin des débats pour faire la synthèse au sujet des priorités de l'Afrique et pour définir comment le G20 et particulièrement l'Allemagne et les associations internationales pourraient aider l'Afrique dans la prochaine étape.
Un programme spécifique « Skills for Africa » a été prévu, par rapport auquel la Tunisie a été sélectionnée parmi les pays modèles. Evidemment, nous sommes maintenant au début de la réflexion sur l'envergure et l'enveloppe de ce programme. D'ores et déjà, on a annoncé à l'occasion de cette participation une enveloppe assez consistante de la part de l'Allemagne au profit de la Tunisie, aux alentours de 300 millions d'euros. Il y a eu des réunions de suivi. Maintenant, on est en train de voir, en concertation avec le partenaire allemand, comment proposer des projets finançables par ce programme.
On a parlé ces derniers temps de la possibilité d'un «accord historique» entre Palestiniens et Israéliens. Mahmoud Abbas l'a répété lors de sa visite à Tunis, récemment. En même temps, la dispute autour des lieux saints dans les territoires occupés, et la position de domination du gouvernement israélien, déjà dénoncée par l'Unesco, semble ruiner les espoirs. Etes-vous optimiste ou pessimiste ?
C'est une question très difficile ! Parler d'optimisme aujourd'hui dans le conflit du Moyen-Orient alors que le processus de paix est arrêté depuis des années, qu'il n'y a plus de négociations entre Palestiniens et Israéliens, et au vu des derniers développements autour de Jérusalem et des Lieux Saints, je ne pense pas qu'on soit près de conclure cet accord historique. L'enthousiasme qui avait été créé par les Accords d'Oslo en 1993 et le déplacement de l'autorité palestinienne, pour la première fois de Tunis vers le territoire palestinien, avaient effectivement suscité beaucoup d'espoir en vue d'un règlement définitif de la question palestinienne et, au-delà, de toute la question du Moyen-Orient. Mais, malheureusement, les tergiversations, surtout du côté israélien, l'absence de sérieux pour avancer vers la création d'un Etat indépendant sur le territoire palestinien selon la formule proposée par l'initiative arabe, cela retarde le règlement de cette question et ne fait que compliquer la situation. Alors, M. Abbas, c'est connu, est un homme de paix qui a toujours proposé la négociation comme moyen de règlement de ce conflit... J'espère que son vœu sera exaucé. Mais je ne pense pas que maintenant, malheureusement, les conditions objectives soient favorables à un règlement de la question palestinienne. A moins que... A moins qu'il y ait un sursaut de la communauté internationale pour s'intéresser de nouveau à cette question et se concerter pour un règlement. Parce que les contours d'un règlement sont clairs : ce sont deux Etats vivant côte à côte, en paix, mais évidemment avec reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien à un Etat indépendant sur son territoire selon les frontières reconnues de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. Le problème est de savoir comment arriver là. Nous pensons que la communauté internationale, et surtout les membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que ceux du Quartette, ont une responsabilité particulière pour avancer dans ce sens.
Donc, finalement, cet «accord historique» dont a parlé Mahmoud Abbas n'est pas tellement à l'ordre du jour ?
On espère qu'il l'est, mais je ne pense pas que les conditions objectives, ni les rapports internationaux soient favorables. Cela dit, tout est possible : avec un engagement de la communauté internationale, de la nouvelle administration américaine, avec un engagement de l'Union européenne, de la Russie... Je pense que s'il y avait cette volonté, on pourrait toujours parvenir à un accord historique. Mais est-ce qu'on en est là ? Franchement, je ne vois pas de signes dans ce sens...
Beaucoup de nos concitoyens s'interrogent au sujet du rétablissement des relations diplomatiques normales avec la Syrie et sur ce qu'ils considèrent comme un retard dans ce rétablissement. Est-ce qu'il y a des conditions précises à ce retour ?
D'abord, et je le répète, les relations diplomatiques avec la Syrie n'ont jamais été rompues. La preuve : nous avons une mission diplomatique qui opère aujourd'hui à Damas et qui est en contact quotidien avec l'administration syrienne. Cela montre que nos relations ne sont pas rompues.
Il y a eu une déclaration qui a été faite par l'ancien président Marzouki, mais cette déclaration n'a pas été rendue effective, car il y a une procédure internationale, conformément à la Convention de Vienne, pour rompre les relations diplomatiques. Il fallait informer l'ONU : nous ne l'avons pas fait. Donc nous avons toujours des relations diplomatiques. Mais nous n'avons pas de relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs. Nous avons un consulat ouvert à Damas qui s'occupe de notre communauté tunisienne en Syrie et qui joue le rôle de «chargé d'affaires», comme on dit en jargon diplomatique, et qui assure le lien avec les autorités syriennes.
Nous suivons de très près ce qui se passe en Syrie. Nous avons salué le cessez-le-feu qui a été décidé à Astana et nous suivons aussi de près les négociations qui se poursuivent à Genève. Nous souhaitons que non seulement le cessez-le-feu soit consolidé mais que les protagonistes syriens s'orientent vers un règlement pacifique de la question syrienne autour d'une table de négociation.
Il appartient aux Syriens eux-mêmes de décider de leur sort : ce n'est pas à la communauté internationale de déterminer l'avenir de la Syrie. La Tunisie soutient les Syriens en vue d'un règlement pacifique. Nous avons des contacts avec le gouvernement syrien et nous souhaitons que toutes les composantes de la société syrienne s'orientent vers un compromis... Parce que la Syrie est une pièce maîtresse de la nation arabe. Et, évidemment, sa stabilité est très importante pour la stabilité du monde arabe et pour celle même du reste du monde.
Donc nous suivons de près ce qui se passe en Syrie. Je ne pense pas qu'il y ait aujourd'hui une urgence à élever le niveau de notre représentation diplomatique, car il n'y a pas de développement sur le terrain. Pourquoi changer aujourd'hui de statut alors que nous disposons d'un statut qui est accepté par les autorités syriennes ? Ces dernières, d'ailleurs, n'ont jamais fait de démarches demandant de nommer un ambassadeur en Tunisie. Pourquoi voulez-vous que nous allions, nous Tunisiens, chez les Syriens, pour leur faire cette demande... ?
Vous pensez qu'il faut attendre que la demande vienne de leur part ?
Ce que je dis c'est que l'Etat tunisien et l'Etat syrien connaissent exactement la nature de leurs relations bilatérales. Les Syriens connaissent notre position : ils savent que nous sommes pour un règlement pacifique de la question syrienne. Nous sommes peinés de voir comment les choses évoluent en Syrie. Je ne pense pas, donc, que le problème soit aujourd'hui un problème de niveau de représentation, puisque nous sommes représentés par un consulat, nous avons des diplomates, nous avons une mission qui travaille à Damas, qui s'occupe de nos concitoyens établis en Syrie et qui constitue une structure de liaison avec les autorités syriennes.
Malgré la médiation du Koweït, on assiste entre le Qatar et ses voisins à un durcissement de la crise, avec une escalade dans les déclarations et dans les mesures de rupture des relations. Les ingrédients d'un blocage durable sont là. Comment voyez-vous que la situation pourrait connaître un jour un dénouement ? La question, d'ailleurs, revêt pour nous des enjeux économiques, vu que certains protagonistes du conflit sont aussi des investisseurs potentiels...
Franchement, l'enjeu pour nous n'est pas seulement économique: l'enjeu est politique et stratégique. Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) était l'organisation régionale la plus fiable, la plus stable – parce qu'il y avait quand même une homogénéité au niveau des régimes politiques, un fonctionnement normal des institutions – et, pour nous, l'organisation la plus performante sur l'échiquier arabe. Vous connaissez la situation de l'Union du Maghreb arabe, les problèmes de la Ligue arabe... Quand nous avons vu qu'il y avait un début de fissure au sein du Conseil de coopération du Golfe, cela a affecté notre conception de la sécurité et du développement dans le monde arabe. Nous souhaitons que nos frères des pays du Golfe résolvent leur problème par la voie de la négociation, et dans le cadre du CCG. Nous pensons qu'il y a effectivement des divergences d'appréciation. Il y a des accusations qui ont été formulées. Mais toutes ces questions-là peuvent être résolues directement par la négociation et c'est ce à quoi nous les avons encouragés. Les pays du Golfe nous ont tous contactés. Nous leur avons dit que nous sommes à égale distance des uns et des autres. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes neutres. Nous ne sommes pas des observateurs : nous les poussons à opter pour le dialogue et la négociation en vue de résoudre leur problème.
Franchement, je suis plutôt optimiste. Je pense que ces pays ont suffisamment de sagesse pour surmonter leurs difficultés. Notre évaluation est qu'il y a des prémices positives. On s'oriente vers un règlement, que nous souhaitons le plus rapide possible.
Le dossier libyen fait des progrès, apparemment. La rencontre à Paris entre Fayez Sarraj et Khalifa Haftar, mardi dernier, en est l'illustration : elle a donné lieu à un accord en dix points avec promesse d'élections au printemps prochain... On sait qu'il y a une initiative tunisienne de médiation. Mais est-ce qu'elle n'est pas un peu noyée dans une multiplicité d'actions et d'intervenants ? Une récente déclaration du ministre italien des Affaires étrangères dénonçait cette multiplicité et appelait à « unifier les efforts derrière l'émissaire de l'ONU »...
D'abord, la force de l'initiative du président Caïd Essebsi, c'est qu'elle a fixé les paramètres d'un règlement éventuel de la question libyenne. Tout règlement passera nécessairement par les paramètres qui ont été fixés le 20 février 2017, ici à Tunis, lors de la rencontre des trois ministres des Affaires étrangères, tunisien, algérien et égyptien. Qu'est-ce qu'on a dit le 20 février ? On a dit que le règlement ne peut pas être militaire. Il faut écarter l'option militaire. Le règlement ne peut être que négocié, entre Libyens eux-mêmes, dans le cadre de l'accord politique de Skhirat et sous la supervision des Nations unies. Tout effort ou toute initiative supplémentaire qui pousserait à un règlement de la crise libyenne devra respecter ces paramètres. Maintenant, il y a eu des rencontres entre-temps : pas seulement à Paris. Il y a eu la rencontre à Abu Dhabi. Il y a eu, la semaine dernière, une rencontre entre parlementaires à La Haye. Il y a eu aussi une rencontre à Rome entre Aguila Salah, le président du Parlement de Tobrouk, et Abderrahman Souihli, le président du Conseil d'Etat de Tripoli... Toutes ces rencontres s'inscrivent dans la philosophie qui a été tracée par la rencontre de Tunis. Et nous, nous ne sommes pas en compétition... La Tunisie a d'excellents rapports avec les différents protagonistes libyens. Il y a un respect spécial pour la Tunisie, pour le président Caïd Essebsi qu'ils connaissent très bien et qui les a tous reçus.
Nous observons donc ce qui se passe et nous pensons que toutes ces rencontres ne font que mûrir la marche vers une solution pacifique. Nous sommes en contact avec l'Algérie et l'Egypte : ces deux pays ont des frontières communes avec la Libye. Ils ont intérêt à ce que la question libyenne soit résolue le plus tôt possible et nous pensons que nous sommes en train de parler de la même voix pour arriver à la concrétisation des paramètres fixés à Tunis... Après la réunion de Tunis, il y a eu une deuxième réunion à Alger au mois de juin et nous nous apprêtons à organiser une prochaine réunion, probablement au Caire.
Evidemment, lorsque le ministre italien parle de multiplicité, il a raison, mais nous pensons, nous, que toute solution, de toute façon, ne peut être que parrainée et soutenue par les Nations unies, le Conseil de sécurité étant le seul responsable de la paix et de la sécurité dans le monde : c'est lui qui sera aussi responsable d'un éventuel accord qui serait réalisé par les Libyens.
La solution à la question libyenne n'est malheureusement pas imminente, parce que la situation est compliquée sur le terrain. Ce n'est pas une rencontre unique qui va la débloquer. Mais nous souhaitons évidemment que soient organisées, le plus tôt possible, des élections libres et transparentes en Libye et que le peuple libyen puisse se prononcer et choisir ses dirigeants... Mais tout ce processus-là nécessite des préparations, entre les protagonistes libyens mais aussi au niveau légal. Il faut créer un corps électoral, il faut une constitution, etc.
L'échéance du printemps prochain vous paraît-elle raisonnable ?
Franchement, il appartient aux Libyens de fixer cette échéance. Ils connaissent mieux que moi la situation sur le terrain, mais je pense que le délai de quelques mois est un délai assez proche. Logiquement, si on prend l'exemple de l'expérience tunisienne, nous avons eu besoin de beaucoup plus de temps pour nous préparer à l'organisation d'élections. Mais si les Libyens sont capables d'organiser tout cela avant mars prochain, ce serait une bonne chose. La Tunisie a un intérêt vital à ce que la Libye soit sécurisée et stabilisée. C'est un partenaire de taille sur les plans politique, sécuritaire et économique... La raison pour laquelle la Tunisie s'intéresse au règlement de la question libyenne, c'est qu'il y va de l'intérêt de la Libye mais aussi de l'intérêt de la Tunisie.
La Turquie est un pays qui est présent dans nos relations, même si cette présence fait parfois polémique. C'est un pays qui a soutenu la transition politique, quelles que soient ses motivations. Mais c'est un pays qui évolue aujourd'hui vers un pouvoir très centralisé et à propos duquel beaucoup dénoncent un recul grave des libertés politiques. Quelle est la position de notre diplomatie : c'est l'affaire des Turcs ?
Un des fondamentaux de la diplomatie tunisienne, c'est de ne pas se prononcer sur la politique intérieure des autres pays. On ne veut pas que les autres se mêlent de notre politique intérieure, et de notre côté on n'a ni droit de regard ni droit tout court de se mêler de la politique intérieure des autres pays. La Turquie est un pays frère, avec lequel nous avons évidemment des relations ancestrales et des intérêts réciproques. Nous souhaitons que la Turquie soit un pays prospère, avec lequel nous développons une coopération mutuellement bénéfique...
Y compris sur le plan politique ?
Y compris sur le plan politique, mais tout dépendra de la nature de la relation... Pour le moment, on n'a absolument aucun contentieux politique avec la Turquie.
Je ne pensais pas à un contentieux. Je voulais parler de coopération...
Ce n'est pas au ministre tunisien des Affaires étrangères de se prononcer sur la politique intérieure de la Turquie. C'est au peuple turc de se prononcer. Il faut être humble et d'abord que nous nous occupions de nos problèmes à nous, Tunisiens, ensuite... Mais pour nous, la question relève de la politique intérieure turque, et elle relève de la compétence et de l'intérêt du peuple turc.
Les relations de la Tunisie avec l'Union européenne vont être décidées par de nouveaux accords dans les années qui viennent : l'Aleca. Des accords qui continuent de susciter la crainte d'un recul par rapport à la situation antérieure. Que répondez-vous à cette crainte ?
L'Union européenne est pour nous un partenaire de choix, pas seulement au niveau économique et commercial : c'est un partenaire au niveau du modèle de société. Nous avons été le premier pays à conclure en 1995 un accord d'association avec l'Union européenne. Plusieurs autres pays nous ont suivis après. C'est de là qu'est partie l'idée de la coopération euroméditerranéenne. C'est avec la Tunisie que cela a commencé.
Evidemment, la partie européenne nous a proposé maintenant cet Accord de libre-échange complet et approfondi, l'Aleca. Nous ne sommes pas contre. Nous avons demandé à nos partenaires européens, tout en poursuivant nos négociations, de prévoir un mécanisme d'accompagnement pour aider notre industrie et notre secteur de services à s'adapter à une éventuelle concurrence venant de l'Europe.
Nous ne sommes donc pas contre l'idée, telle qu'elle est présentée. Le libre-échange ne pourrait que faciliter le commerce des marchandises, la mobilité des personnes... Au niveau philosophique, nous ne sommes pas contre. Mais nous avons demandé des mesures d'accompagnement et de sauvegarde pour protéger notre économie.
Cela dit, nous n'en sommes pas encore là avec l'Europe. Mais nous avons eu, au mois de mars, la réunion d'un conseil d'association avec l'Union européenne, réunion au cours de laquelle nous avons proposé à nos partenaires de nouvelles idées, une réflexion commune sur l'avenir de nos relations avec l'Europe. Dans 20 ans, dans 30 ans, comment ils perçoivent cette relation avec la Tunisie ? Nous leur avons dit que la Tunisie vit une expérience particulière. Le système que nous sommes en train de bâtir est un système démocratique unique au sud de la Méditerranée. Sa singularité requiert de nos partenaires européens un soutien conséquent. Et donc nous avons engagé avec la partie européenne, avec la Commission européenne, une réflexion commune sur l'avenir de cette relation. Nous voulons sortir la Tunisie du cadre euroméditerranéen, ou de la politique de voisinage : nous voulons un statut qui reflète le degré d'avancement, l'arrimage de la Tunisie dans le concert des nations démocratiques. Parce que nous pensons que la Tunisie démocratique, prospère va avoir un impact évidemment sur la vie quotidienne des Tunisiens mais que l'Europe a un intérêt vital à ce que cette expérience réussisse.
Le 14 juillet, on a eu un premier round de réflexion sur les paramètres de cette relation... On est au début de la réflexion, au niveau des ambassadeurs. Vous savez, nous sommes liés actuellement par un plan d'action de coopération tuniso-européenne qui finit en 2020. Par ailleurs, l'Union européenne est en train de réfléchir de son côté sur l'avenir de ses relations avec les pays du sud de la Méditerranée et de l'Afrique. C'est donc une excellente chose d'engager une réflexion commune, où les intérêts des deux parties seraient pris en considération.
C'est une réflexion qui ne s'inscrit pas dans les négociations de l'Aleca : c'est une négociation parallèle !
Oui, c'est parallèle. On continue les négociations sur l'Aleca avec les mesures que je viens d'évoquer : on n'est pas contre mais nous voulons des mesures d'accompagnement. Et, parallèlement, on a engagé un début de réflexion sur l'avenir de cette relation dans 15 ans, 20 ans, où on va définir quel est l'objectif de cette relation entre la Tunisie et l'Union européenne.
Il y a quelques mois, il y a eu, au consulat de Lyon, un vol de centaines de passeports, qui a suscité des interrogations sur le mobile, mais aussi sur les conditions de sécurité de nos ambassades et consulats. Qu'est-ce qui a été fait à ce sujet ?
Il y a eu un regrettable incident, grave, qui a porté sur l'effraction et sur le vol de passeports tunisiens. Le vol a eu lieu un samedi. Immédiatement, on a dépêché une mission d'inspection du ministère des Affaires étrangères, qui a vérifié ce qui s'est passé et a coordonné avec les autorités françaises pour enquêter sur les causes de cet incident. On a établi un rapport sur les défaillances. Parallèlement, notre ministère de la Justice a été saisi pour engager une procédure. Evidemment, il y a des éléments de sécurité qui n'ont pas été très performants. Les autorités françaises, censées protéger notre consulat, sont aussi en cause : je pense qu'elles sont conscientes de cela. Mais, pour rassurer l'opinion publique, il n'y a pas d'impact : on connaît les numéros de série de ces passeports, on a fait circuler l'information à travers tous les pays du monde et ces passeports sont annulés et ne peuvent pas être utilisés. Maintenant, on est en train d'évaluer les défaillances et on va essayer de remédier à cette situation en prenant les mesures nécessaires pour que cela ne se répète plus.
Un dernier mot... sur le partenariat africain ?
Vous m'interviewez en ce moment dans le cadre de la conférence des chefs de mission diplomatique et consulaire. C'est une nouvelle tradition instaurée l'année dernière, qui consacre une journée spéciale au développement de nos relations économiques en général et particulièrement de nos relations avec l'Afrique. Entre-temps, on a fait des pas importants pour concrétiser cette politique...
Quels sont ces pas ?
On a ouvert deux ambassades résidentes depuis août dernier : au Burkina et au Kenya qui sont déjà opérationnelles. Le chef du gouvernement a décidé d'ouvrir 5 bureaux commerciaux en Afrique subsaharienne où on n'avait pas de missions diplomatiques – deux déjà sont opérationnelles à Douala au Cameroun et une à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Nous envisageons avec le ministère du Commerce l'ouverture de 3 autres bureaux.
Mais, cette année, dans le cadre de cette conférence, on a eu plusieurs séances, l'une consacrée à la sécurité avec la participation des ministres de la Défense et de l'Intérieur, une excellente séance de dialogue interactif avec le ministre du Développement et des Finances ainsi qu'avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, la ministre du Tourisme, le gouverneur de la Banque centrale, en présence de tous les ambassadeurs et des chefs de missions consulaires. On a vraiment eu un débat direct sur la situation économique en Tunisie et le rôle qu'on pourrait jouer, nous missions diplomatiques, pour contribuer à répondre au défi auquel fait face l'économie tunisienne. Il y a eu, avec tous, un dialogue direct, une analyse très réelle de la situation économique. Et nous avons aujourd'hui un déjeuner (le vendredi 28 juillet, ndlr) avec le Cepex et quelques-uns de ces ministres ainsi que des opérateurs privés pour débattre des questions concrètes et des difficultés que rencontrent les opérateurs à élargir leurs interventions en Afrique.
Est-ce qu'on peut relever les difficultés les plus importantes pour ceux-ci en Afrique ?
D'abord des difficultés au niveau du transport aérien : comment créer de nouvelles lignes sur l'Afrique, parce qu'on ne peut pas parler de commerce ou de tourisme sans lignes aériennes directes. Il y a le problème également du visa : comment faciliter l'octroi de visas, surtout pour les patients qui souhaitent être traités dans les cliniques ou hôpitaux tunisiens ; comment attirer les jeunes étudiants africains à venir en Tunisie pour suivre leurs études universitaires auprès des universités et facultés privées... Donc on a déjà identifié ces problèmes, on connaît exactement nos objectifs : utiliser et faire fructifier l'expérience que la Tunisie a accumulée durant 60 ans en matière de santé, en matière d'éducation, de formation professionnelle et mettre toute cette expérience à la disposition de nos frères africains et, également, ouvrir des perspectives, dans un monde très concurrentiel, à nos sociétés de services. Vous l'avez constaté ce matin lors de la conférence : il y a déjà 2 ou 3 compagnies qui opèrent sur le marché africain. Comment leur ouvrir des possibilités pour agrandir leur sphère d'action en Afrique ? Nous avons des compagnies comme Sonede International ou Steg International qui ont réalisé déjà des projets très performants dans certains pays africains, au Rwanda, en République démocratique du Congo, au Cameroun... Et je pense qu'il y a d'autres possibilités d'ouvrir de nouveaux horizons à ces sociétés et de développer une coopération de services dans ce secteur avec plusieurs pays africains.


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