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« Maintenant, la voix de la Tunisie est écoutée »
Entretien avec M. Khemaïes Jhinaoui, ministre des Affaires Etrangères

Face aux changements et aux défis que connaît la région, la diplomatie tunisienne s'active actuellement sur plusieurs plans, notamment en contribuant activement à la résolution du conflit libyen. La Presse a rencontré le ministre des Affaires étrangères, M. Khemaïes Jhinaoui, qui a bien voulu apporter des éclaircissements sur cette question de grande importance pour la Tunisie. L'occasion était propice pour évoquer d'autres questions non moins importantes, tels les rapports diplomatiques avec la Syrie, le retour des terroristes, la diplomatie parallèle, la normalisation, etc. Entretien accordé conjointement aux journaux La Presse et Assahafa.
Question d'ordre général : la diplomatie tunisienne a connu des hauts et des bas ces dernières années. Quelle est votre évaluation de la situation actuelle par rapport aux années précédentes ?
Je pourrais affirmer que la Tunisie est revenue sur la scène régionale et internationale. Maintenant, la voix de la Tunisie est écoutée et il y a un intérêt international de plus en plus important pour les prises de position tunisiennes. Cet intérêt se traduit par le nombre de visites en Tunisie au cours de ces deux dernières années qui a pratiquement triplé par rapport aux années précédentes.
Après 2011 et jusqu'à 2012, il y a eu un grand intérêt pour ce qui s'est passé en Tunisie. Par la suite, il y a eu un fléchissement, jusqu'aux élections de 2014. Nous avons mis en place les institutions permanentes, respectées et reconnues à l'international, ce qui a donné une nouvelle image à la Tunisie, qui est passée d'un pays réactif à un pays proactif.
Ce résultat est le fruit d'une stratégie entamée par le président de la République qui a d'abord commencé par normaliser nos relations avec notre entourage régional, à commencer par l'Algérie et l'Egypte, puis les pays arabes. Il a par la suite donné l'image d'une Tunisie qui a rétabli sa stabilité et sa sécurité auprès des principales capitales, Paris, Berlin, Bruxelles, Washington, etc. Et la Tunisie de retrouver la voix de la raison et du respect.
C'est le fruit d'un travail quotidien auquel a participé le département des Affaires étrangères. Et nous considérons que nous somme sur la bonne voie...
Sommes-nous sur la bonne voie dans le règlement du dossier libyen ?
Permettez-moi de souligner d'abord l'importance du dossier libyen pour la Tunisie. Le président Béji Caïd Essebsi souligne souvent qu'en Libye, il y a deux Etats pour un seul peuple. La Libye avant 2011 était le deuxième partenaire de la Tunisie. Les échanges commerciaux étaient de l'ordre de 2.5 milliards de dollars. Ce volume d'échange s'est maintenant évaporé, pour les raisons que vous connaissez. Nos exportations ont beaucoup diminué. Les dettes libyennes se sont multipliées...
Mais, en contrepartie, le commerce informel s'est développé...
Oui, et même avec cette donne, la situation n'est plus la même. Vous savez que le sud tunisien était presque en zone de libre-échange avec la Libye. Même sous Ben Ali, le commerce informel existait, mais cela n'a pas empêché un échange commercial important avec la Libye. Tout cela s'est effrité. La partie libyenne est maintenant redevable à la Tunisie d'environ 230 millions de dollars.
Maintenant, l'absence d'un gouvernement central en Libye a, malheureusement, beaucoup affecté nos intérêts, outre la recrudescence du terrorisme qui a eu des incidences directes sur la Tunisie. Il s'est avéré également, suite aux attentats perpétrés en Tunisie, que l'entraînement des terroristes a eu lieu en Libye. Ce qui fait que le dossier libyen est fondamental pour la Tunisie, aussi bien pour notre sécurité que pour notre économie. Et notre solidarité avec la Libye est basée sur cela, mais aussi sur les liens historiques entre les deux pays. Car comme vous le savez, les deux peuples sont étroitement liés, ce qui explique d'ailleurs notre sensibilité, plus que les autres pays voisins, à ce qui se passe en Libye. C'est ce qui explique aussi que la Tunisie ait accueilli en 2011 plus de 1,450 million de réfugiés libyens et d'autres nationalités. C'est le peuple tunisien qui les a accueillis avant le gouvernement... Cela prouve que le peuple tunisien lui-même est sensible à ce qui se passe en Libye et veut, tout comme le gouvernement tunisien, venir en aide au peuple libyen. Résultat : depuis deux ans maintenant, toutes les parties libyennes sont venues en Tunisie pour des pourparlers. La Tunisie fait tout cela en pleine conscience car, d'abord, nous considérons que c'est notre devoir. Ensuite, parce que nous croyons qu'il faut que les Libyens trouvent une solution pacifique et politique au conflit.
On voudrait savoir, justement, où en est-on dans le règlement du conflit libyen et quel est le rôle joué par la Tunisie?
La Libye, comme vous le savez, est l'objet de luttes entre plusieurs parties. Elle fait l'objet également d'appétences étrangères. Il y a aussi des conflits idéologiques et des intérêts étrangers. Quant à la Tunisie, elle s'est inscrite dans la continuité de ce qui a été réalisé au niveau des Nations unies, jusqu'à l'accord de Skhirat qui a débouché sur le premier conseil de compromis entre les Libyens. La Tunisie était parmi les premiers à reconnaître cette autorité. Il est à préciser, à ce niveau, que le Conseil de sécurité des Nations unies a affirmé qu'il y a uniquement un seul gouvernement. C'est une situation très complexe, car au final, le gouvernement reconnu à l'international n'a pas encore établi son contrôle sur tout le territoire libyen. Il y a d'autres parties à Tripoli et à l'Est du pays qui réclament chacune la légitimité. Le président de la République a rencontré chacune de ces parties dans l'espoir de les convaincre de parvenir à une solution par le dialogue et non par les armes, car, en fait, beaucoup d'entre elles voulaient recourir aux armes pour trancher. La position de la Tunisie était claire : nous somme contre toute intervention militaire en Libye...
Avez-vous une idée sur le nombre d'armes qui circulent en Libye ?
D'après les chiffres en notre possession, il existerait environ 18 millions d'armes entre les mains des différentes parties. Il existe bien évidemment une armée sous le commandement du maréchal Haftar, qui est établi à l'Est, et la problématique c'est que le gouvernement réclame que cette armée soit sous le commandement politique du gouvernement, alors que Haftar considère que cette armée est libyenne, elle a une mission de protéger le pays. Maintenant, il y a une forte possibilité que Haftar rencontre Sarraj, pour trouver une solution à cette situation. La Tunisie pousse vers ce rapprochement...
Dans cette perspective, le président Essebsi a lancé une initiative pour résoudre ce conflit. Où en est-on au juste ?
Compte tenu de la complexité de la situation et des intérêts, de l'existence de plusieurs parties intervenant dans le dossier libyen, le président de la République a lancé une initiative basée sur l'intérêt de tous les pays du voisinage de la Libye, notamment la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte. L'initiative consiste à pousser les Libyens à trouver une solution entre eux. Car nous considérons que les facteurs qui unissent les Libyens sont plus nombreux que ceux qui les séparent. Le peuple libyen est un peuple harmonieux. Il ne renferme pas de tendances sectaires, ni de désaccords ethniques. D'où la forte probabilité qu'ils puissent trouver un terrain d'entente. D'où aussi la visite du président de la République en Algérie. Par la suite, il m'a chargé de me rendre en Egypte, où j'ai rencontré le président Sissi, le 20 décembre 2016.
L'approche tunisienne concernant le dossier libyen consiste à déployer tous les moyens, entre autres, le respect dont jouit la Tunisie, mais aussi les capacités en possession de l'Algérie et le poids de l'Egypte dans la région arabe, pour pousser les Libyens à trouver une solution ; sachant qu'aucune partie ne pourrait à elle seule le faire isolément.
D'abord, cette initiative n'est pas en substitution des Libyens. Nous n'allons pas imposer une solution aux Libyens. Ils devraient eux-mêmes se mettre d'accord sur une solution.
Ensuite, cette initiative refuse toute solution militaire ou armée. La solution ne peut être trouvée que par le dialogue. Car la solution armée va conduire à une guerre civile en Libye et dont les conséquences seront néfastes sur le peuple libyen et ses voisins.
Enfin, cette initiative considère que les autres pays du voisinage (le Tchad, le Niger, le Soudan) eux aussi pourraient contribuer à l'élaboration, à un certain moment, de la solution.
Par ailleurs, nous considérons que la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte, sont étroitement liées à la Libye et, partant, nous devons jouer un rôle primordial dans la résolution de la crise libyenne. C'est dans cette optique qu'une réunion s'est tenue le 21 janvier au Caire, pour essayer de rapprocher les points de vue entre les différentes parties libyennes, sans exception (sauf, évidemment, les groupes terroristes).
Nous allons nous réunir, une nouvelle fois, dans quelques jours à Tunis. Ce sera une réunion tripartite des ministres des Affaires étrangères, pour évaluer les avancées de chacun des pays, la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte. Nous allons proposer et nous accorder sur quelques éléments de solution que nous allons proposer au sommet des présidents des trois pays.
Je me permets d'affirmer, à ce niveau, que nous sommes en train d'avancer. Ma récente visite à Abu Dhabi joue un rôle fondamental dans ce sens.
Cela étant, la résolution du conflit libyen n'est pas pour demain. C'est un dossier très complexe, où les différents intervenants ont des intérêts contradictoires. Notre objectif est d'aider les Libyens à parvenir à un accord et barrer la route à toutes les interventions étrangères.
A plusieurs reprises vous avez évoqué les intérêts étrangers en Libye. De quoi s'agit-il ?
Il y a des intérêts stratégiques en Libye qui est un pays riche. Les politiques occidentales à l'égard de la Libye visent deux objectifs : d'abord comment limiter l'émigration clandestine, ensuite, comment lutter contre le terrorisme. Et ce sont des phénomènes apparents nourris par l'absence d'une solution politique. Lorsqu'on parvient à une solution politique, ces fléaux vont être réduits de façon conséquente, comme cela a été le cas en Tunisie...
On ne peut lutter contre le terrorisme par des bombardements aériens venant de l'étranger. C'est par la présence d'un gouvernement fort et bien en place qu'on peut stopper ce fléau.
On ne peut évoquer le dossier libyen sans parler des deux journalistes Soufiène et Nadhir...
Vous avez parfaitement raison. Mais le problème c'est qu'on ne peut avoir la confirmation de leur exécution par les terroristes qu'après le test ADN. Or, la zone où ils seraient, malheureusement, morts est contrôlée par des terroristes. Evidemment, la réponse concernant Soufiène et Nadhir et liée à ce que j'ai précédemment évoqué. Nous avons essayé avec les trois gouvernements qui se sont succédé en Libye, mais on a eu des informations contradictoires, dont celles que vous avez vous-mêmes suivies. Nous avons essayé par tous les moyens diplomatiques, sécuritaires et à travers tous les canaux. Dernière en date, ma rencontre avec Sarraj. Malheureusement, même les parties libyennes au pouvoir ne peuvent le confirmer.
Contrairement au dossier libyen, la Tunisie est presque absente dans le règlement du conflit syrien. Qu'en pensez-vous ?
Pas du tout. Contrairement à ce que prétendent certains qui tentent d'induire l'opinion en erreur, la Tunisie est présente en Syrie et compte parmi les rares pays qui ont maintenu leurs missions diplomatiques en Syrie. En 2012, un ambassadeur a été expulsé, action précipitée et dont la Tunisie n'a tiré aucun profit. Par la suite, une mission consulaire a été affectée. Elle est chargée du suivi de la colonie tunisienne en Syrie. En outre, on est en train de suivre de près ce qui se passe dans ce pays.
Dans ce même sens, j'ai rencontré le ministre russe des AE Lavrov, c'était une occasion d'échanger les points de vue sur la situation en Syrie. La Russie joue un rôle essentiel dans le dossier syrien et elle était parmi les pays initiateurs de la réunion d'Astania, il y a quelques jours, sur la Syrie.
Le plus important maintenant c'est le maintien du cessez-le-feu. C'était un pas important. La prochaine réunion aura lieu le 20 février à Genève pour poursuivre les pourparlers entre le gouvernement et l'opposition sous l'égide de pays comme la Russie, l'Iran, etc.
Quel est l'apport de la Tunisie dans le traitement du dossier syrien ?
Nous ne faisons pas partie de ce processus. La Ligue arabe elle-même n'en fait pas partie. Par principe, nous sommes contre « la chaise vide », la diplomatie c'est essentiellement le contact et la communication, même avec les pires ennemis, pour trouver des solutions...Maintenant nous sommes en contact avec les différentes parties prenantes, y compris les parties syriennes, entre autres, pour traiter le dossier des terroristes.
Vous avez évoqué la présence d'une colonie tunisienne en Syrie. Comment faites-vous la distinction entre ces Tunisiens et ceux qui ont choisi le chemin du terrorisme ?
La distinction est simple. Les Tunisiens établis en Syrie de façon légale sont connus. Leurs papiers sont en règle. Ce n'est pas le cas des terroristes qui ont emprunté des circuits douteux...
Quels sont les préalables pour la réouverture de notre ambassade à Damas ?
Notre ambassade n'a pas été fermée et nous avons une mission consulaire. La prochaine étape consistera en l'installation d'un chargé d'affaires, en attendant que les conditions soient réunies pour affecter un ambassadeur. Cela est tributaire de la situation politique. Lorsque les pourparlers de paix avanceront et qu'on relèvera un cheminement vers une solution de paix, voire la mise en place d'un gouvernement consensuel représentatif du peuple syrien, le Tunisie sera la première à hisser ses relations à un niveau supérieur. Maintenant, il y a une nouvelle dynamique de paix qui s'installe et nous comptons être parmi les premiers pays à prendre part à cette dynamique.
Concernant le retour des terroristes, est-ce qu'il y a une coopération ?
Il existe une coordination pour identifier d'abord ces terroristes, ensuite la manière adéquate de les traiter.
Certes, les chiffres relatifs aux terroristes tunisiens dans les zones de conflits relèvent de la compétence du ministre de l'Intérieur. Mais les infos dont je dispose table sur 2.995 terroristes, pas uniquement en Syrie, mais dans toutes les zones de conflits. Ce dossier relève plutôt des compétences de la sécurité et de la justice, pas de la diplomatie...
Parmi les problématiques d'actualité liées à la diplomatie, on évoque aujourd'hui avec acuité la diplomatie parallèle. Des chefs de partis politiques parlent au nom de la Tunisie, des ONG en électrons libres. Comment vous gérez cela ?
Il n'y a pas de diplomatie parallèle. Il y a une seule diplomatie qui consiste à mettre en œuvre la politique étrangère de la part du ministère des Affaires étrangères. D'après les dispositions de la Constitution, le président de la République est la seule partie habilitée à élaborer la politique étrangère du pays. La mise en œuvre de cette politique est confiée au département des AE. Pourquoi ? Parce que le Président est directement élu par le peuple et représente sa volonté. Et la mise en œuvre de cette politique est assurée par le ministère des Affaires étrangères en étroite coordination avec la présidence du gouvernement. C'est pour cela, d'ailleurs, que le ministre des AE est désigné par le président de la République après concertation avec le chef du gouvernement.
Et permettez-moi de souligner à ce niveau que pour la première fois après la révolution, il y a actuellement une parfaite symbiose entre le président de la République, le chef du gouvernement et le ministre des AE...
Soit. On relève dernièrement que plusieurs personnalités parlent au nom de la Tunisie. Aussi des ONG et certains diplomates sont visiblement, voire excessivement actifs. Comment gérez-vous tout cela ?
Les personnes dont vous parlez n'ont pas le droit de parler au nom de la Tunisie ni de faire des engagements en son nom.
De toute évidence, la seule partie habilitée de parler au nom de la Tunisie est le président de la République. Toutefois, dans tous les pays du monde, les partis politiques, le parlement et certaines organisations de la société civile, tous ces acteurs pourraient coopérer avec la diplomatie réglementaire pour réaliser ses objectifs, car ces différentes parties disposent de canaux supplémentaires à même de doter le travail diplomatique d'efficacité supplémentaire. Donc, les rencontres que certaines personnalités politiques effectuent pourraient apporter un plus, à condition qu'il soit adossé à une coordination rapprochée avec le président de la République.
Je voudrais, par ailleurs, rappeler que tout ambassadeur ne peut avoir de contacts avec les membres du gouvernement avant de présenter sa lettre d'accréditation. Il peut cependant être actif mais « invisible » avant cela. Concernant les autres acteurs étrangers, notamment au niveau de la société civile, nous avons remarqué malheureusement qu'après la révolution, le rôle du ministère des AE s'est dégradé. Il y a eu aussi une certaine affluence de personnalités tunisiennes sur les représentations diplomatiques étrangères. Mais depuis les élections de 2014, on a essayé de rétablir le rôle du ministère des Affaires étrangères, conformément aux conventions internationales.
Ces conventions impliquent que tout contact d'un diplomate étranger avec une institution officielle doit passer par le ministère des Affaires étrangères. Cette dernière évalue l'opportunité de ce contact et notre rôle consiste à faciliter toute action dans l'intérêt du pays, voire assurer sa sécurité...
Concernant la société civile, depuis la révolution, il y a beaucoup d'organisations qui sont actives. Elles ne sont pas toutes en coordination avec le ministère. Il est à rappeler ici que les organisations non gouvernementales n'ont pas le droit d'agir contre les intérêts du pays.
C'est une pratique courante dans les plus grandes démocraties du monde, l'action diplomatique n'est pas objet de polémique, mais de compromis. Les gouvernements changent, mais la politique étrangère reste généralement la même, avec juste des changements pour accorder plus d'importance à tel dossier, donner la priorité à tel pays ou tel programme. Mais en général, les grands choix diplomatiques sont constants et font l'objet de continuité en fonction des intérêts du pays.
Tous les acteurs en contact avec des parties étrangères doivent être conscients de cela qu'il s'agisse d'ONG, de médias ou autres.
Y a-t-il un encadrement à ce niveau ?
Non, malheureusement.
S'agissant d'intérêt national, la priorité pour la Tunisie actuellement est plutôt économique. Nous avons relevé une certaine dynamique à l'occasion de la conférence internationale sur l'investissement, fin novembre 2016, et on aimerait avoir plus d'éclaircissement sur les priorités de la diplomatie économique de la Tunisie à l'heure actuelle, les actions menées, le profil des ambassadeurs affectés, etc.
De toute évidence, depuis l'indépendance, les ambassades de la Tunisie défendent les intérêts du pays, entre autres économiques. Et si nous sommes parvenus à attirer des investissements ou explorer de nouveaux marchés, ou réaliser un transfert technologique, il y a toujours eu un rôle important joué par le ministère des AE. Dans chaque ambassade, chaque consulat, nous avons un attaché économique. Sa mission et d'assurer le suivi économique, d'assister les délégations et les missions d'hommes d'affaires, mais aussi de nouer les contacts avec les acteurs économiques, les chambres de commerce, etc. Toutes les ambassades du monde assurent cette mission, pas uniquement celles de la Tunisie. Certes, pour pouvoir mobiliser 70 pays lors de la conférence internationale sur l'investissement, il a fallu se déplacer. Les missions diplomatiques tunisiennes ont travaillé. Des membres du gouvernement y ont contribué. Et cela a conduit à un succès, de l'avis de plusieurs observateurs. Maintenant, il y a un travail de suivi pour la concrétisation des engagements.
L'enjeu économique est assez lié à l'image de la Tunisie. Elle a été, d'ailleurs, affectée après la révolution et vous venez de nous apprendre qu'elle est en train d'être redorée. Quelle est votre démarche en matière de communication pour rétablir l'image de la Tunisie ?
L'appui politique, l'attraction des investissements et le tourisme ne peuvent réussir sans une image positive de la Tunisie. L'image de la Tunisie à l'étranger est une question fondamentale et nous en sommes conscients. Et je peux vous affirmer que nous faisons un travail quotidien au niveau des ambassades, peut-être on ne communique pas suffisamment là-dessus. Sans doute doit-on améliorer notre communication pour informer l'opinion publique, mais l'important ce sont les résultats, qui sont positifs à présent. En témoigne la conférence de l'investissement Tunisia 2020.
Cela étant, l'image de la Tunisie est importante. Elle est liée au travail colossal réalisé par les forces sécuritaires pour éradiquer le terrorisme. Dieu merci, ça fait maintenant plus d'une année qu'il n'y a pas eu d'opération terroriste. Les forces de l'ordre tunisiennes sont maintenant efficaces et dotées de l'expérience nécessaire pour anticiper tout acte terroriste. L'Etat a repris position. C'est important. D'autre part, les Tunisiens ont réussi le processus démocratique et ils sont déterminés à poursuivre ce processus, malgré les difficultés. L'appui parlementaire au gouvernement est également important. Que les députés de la coalition soient favorables au gouvernement d'union signifie que toutes les réformes seront approuvées et réalisées.
Cela étant, nous sommes en contact permanent avec nos partenaires étrangers et les pays amis pour leur donner la vraie image de la Tunisie. Mais l'image ne peut être construite par les gouvernements, mais par l'opinion publique. Et les médias ont un rôle important dans ce sens. Lorsqu'on donne une importance exagérée à des faits négatifs, on affecte forcément l'image de la Tunisie et on ne donne pas la vraie image de l'effort fourni par le gouvernement. Cela est vrai aussi bien pour les médias tunisiens qu'étrangers.
Qu'est-ce qui empêche l'incrimination de la normalisation avec l'Etat hébreux ?
Si vous insinuez mon affectation au bureau de liaison en 1996, je pourrais vous rappeler ce qui suit : dans notre démarche, nous avons essayé d'aider le peuple palestinien extradé à regagner son pays. En 1999, un Etat palestinien allait être déclaré, mais cela a été bloqué à cause de deux questions, à savoir le statut d'Al Qods et le retour des réfugiés. Je rappellerai aussi que la Tunisie a largement contribué à l'accord d'Oslo. J'ai été alors chargé d'assurer une mission de facilitation du retour des Palestiniens pendant environ 15 mois. Mais cette mission n'avait rien à voir avec la normalisation.
Et au fait, qu'est-ce que la normalisation, si ce n'est de pouvoir faire des échanges commerciaux, politiques et économiques. Or, c'est une question qui ne se pose ni pour les Tunisiens ni pour le gouvernement. Israël est un pays colonisateur et on ne peut être ami avec lui avant que les droits ne soient restitués aux Palestiniens : la solution de deux Etats, la restitution des terres occupées et le retour des réfugiés...
Je dirais plutôt que cette question fait l'objet de tiraillements de la part de certaines parties pour des fins purement politiciennes. Enfin, ce n'est pas nous qui décidons des droits des Palestiniens. Ce sont eux qui en décident et nous ne faisons que les aider.


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