Par Mhamed Jaibi Sur Nesma TV, Rached Ghannouchi a tenu à porter la cravate, que Marzouki avait ostensiblement écartée, mais il a semblé comme s'apprêter à retourner son élégante veste vis-à-vis du consensus historique qu'il avait méthodiquement construit avec Béji Caïd Essebsi depuis la fameuse rencontre de Paris dont Slim Riahi affirme être l'instigateur et qui avait marqué son entrée en politique. Et le président d'Ennahdha de poser mille et une conditions à son soutien au gouvernement d'union nationale, poussant la polémique jusqu'à interdire à Youssef Chahed de se porter candidat à la future présidentielle. Eventualité que l'intéressé n'a jamais évoquée, surtout qu'elle aurait brillé par son inélégance à l'égard du président de la République qui, à peine à mi-mandat, est manifestement plus préoccupé par l'impératif de sauvetage du pays et de mettre son expérience et son rayonnement international au service de la remise en route des finances publiques. Ghannouchi a cependant clamé son attachement au consensus national et son soutien au gouvernement Chahed, déclarant que ce dernier était le seul à pouvoir le remanier. Et d'affirmer que la place naturelle d'Ennahdha était au sein du gouvernement puisqu'elle n'appartient plus à l'islam politique et qu'elle s'attache à la Constitution et reconnaît la nature civile de l'Etat. Mais, abordant la crise du Golfe, il se gardera bien de souligner l'impératif de combattre le terrorisme takfiriste et d'agir à tarir ses sources de financement, se contentant d'appeler les pays arabes à rétablir leurs relations. Mais ce qui sonne comme un curieux avertissement tout à fait inattendu, c'est d'exiger tout un processus de dialogue national copié sur celui qui avait précédé l'intronisation du gouvernement technocrate de Mehdi Jomaâ qui avait permis de congédier la Troïka. Similarité inattendue, qui est poussée jusqu'à estimer que l'engagement exigé de Chahed de ne pas briguer la présidence en 2019 est conforme à celui qu'avait pris Jomâa à l'époque. Autre condition posée, la nécessité de tenir un dialogue social entre les organisations nationales qui devra impérativement être supervisé par le gouvernement, lequel devra s'engager à se plier à ses conclusions. Enfin, Ghannouchi a montré un attachement particulier à voir les élections municipales se tenir comme prévu, soulignant la nécessité de donner aux régions leur autorité, affirmant qu'il était temps de tenir ce scrutin qui «fait partie de la solution à la crise» que vit le pays. Même si le gouvernement s'est engagé sur cette question des municipales, le ton était trop ferme, comme voulant suggérer que le pouvoir régional échoit naturellement à Ennahdha et que le gouvernement ne veut pas de ces élections. A un moment où le gouvernement a manifestement le vent en poupe, pourquoi cette polémique ?