Hier, les Tunisiens ont été édifiés sur ce que leurs députés leur préparent en prévision de la nouvelle session parlementaire. Mohamed Ennaceur parle des lois urgentes à voter. Ses assesseurs se livrent à leurs batailles coutumières Comme prévu, hier, au palais du Bardo, à l'occasion du démarrage de la 4e session parlementaire du mandat législatif 2014-2019, les députés ont produit aux Tunisiens un nouveau spectacle fait de divisions, de petites phrases assassines, d'échange d'accusations gratuites et d'insultes et de propositions le moins qu'on puisse fantaisistes provenant d'un député juriste et en prime membre du bureau de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) le temps où sont élaborées les lois, spectacle marqué aussi par une fuite en avant des «foukahas de la 25e heure». Et bien avant de passer à l'élection des présidents et des membres des commissions parlementaires et au moment où Mohamed Ennaceur, président du Parlement, prononçait son discours d'ouverture signifiant aux députés ce que les Tunisiens attendent d'eux au cours de la session parlementaire 2017-2018, plus particulièrement au niveau des lois à voter en urgence pour que Youssef Chahed et ses ministres puissent exécuter le programme du gouvernement d'union nationale déjà avalisé par les députés le jour où ils ont accordé leur confiance, les élus de la nation signaient leur retour au palais du Bardo à leur manière. Une instance qui doit disparaître Dans les couloirs de l'ARP, ils distribuaient les déclarations aux journalistes, critiquaient «la guerre contre la corruption menée par Youssef Chahed pour régler leurs comptes à ceux qui ne plaisent plus au palais de Carthage», dénonçaient «le noyautage par les ennemis de la révolution de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois qui obéit désormais aux ordres d'en haut» et lavaient le linge sale de leurs propres partis en public, estimant qu'ils ne peuvent plus se taire sur «les deals louches contractés par leurs chefs à leur insu». Et c'est l'avocat Ghazi Chaouachi, secrétaire général du Courant démocrate (comprenant depuis samedi dernier l'Alliance démocratique présidée auparavant par Mohamed Hamdi, désormais second de Chaouachi à la suite de la fusion des deux partis) et l'un des assesseurs de Mohamed Ennaceur qui ouvre le bal. Il appelle le plus simplement du monde à ce que l'Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des lois cesse ses activités: «Les magistrats qui y siègent ne sont pas arrivés à se prononcer sur le recours introduit par l'opposition pour déclarer la loi sur la réconciliation administrative anticonstitutionnelle. Au bout de trois réunions, ils se sont déclarés dans l'incapacité de trancher, trois magistrats sont pour notre recours et trois sont contre. Je pense que l'Instance n'a plus de raison d'exister puisqu'elle est dans l'incapacité d'accomplir sa mission dans un esprit d'indépendance et de transparence. Et pour dire les choses crûment, certains membres obéissent désormais aux ordres venus d'en haut et n'y ont plus leur place. Il est donc logique de déclarer l'Instance en cessation d'activités dans l'attente de la création de la Cour constitutionnelle à laquelle nous recourons et qui nous donnera sûrement raison». Rien ne va plus comme avant à Montplaisir Hassouna Nasfi, député d'Al Horra et assesseur de Mohamed Ennaceur, dénonce l'attitude de son collègue Ghazi Chaouachi: «C'est une attitude inadmissible dans un régime démocratique. Il n'est pas acceptable d'imposer à une instance indépendante les avis qu'elle doit prononcer, à défaut de l'accuser injustement d'obéir à des instructions qui viennent d'en haut». Le conseil de la choura d'Ennahdha a beau avaliser la décision de ne pas présenter un candidat aux législatives partielles devant se dérouler fin décembre prochain en Allemagne pour remplacer le nidaiste Hatem Ferjani, désigné secrétaire d'Etat chargé de la Diplomatie économique, Mohamed Ben Salem, l'un des faucons de Montplaisir, continue à rouspéter, dénonçant l'attitude de son propre parti. «Ils ont décidé d'ouvrir la voie aux autres. Il n'est pas admissible qu'un parti refuse de participer à une élection, d'autant plus que ce parti est l'un sinon le plus influent sur la scène politique nationale. Pour moi, un parti politique est créé pour participer aux élections et pour les gagner». Et comme prévu, Samia Abbou s'est jointe à la messe générale en répandant son discours habituel : «La guerre contre la corruption menée par Youssef Chahed est sélective et les corrompus ainsi que les gros poissons continuent à faire ce que bon leur semble et la loi de finances 2018 ne fera que les protéger». Sauf que Walid Jalled, qu'on soupçonne de baliser la voie à son prochain retour à Nida Tounès, ne lui pardonne pas ses incartades en lui rafraîchissant la mémoire pour lui dire : «Les corrompus existent aussi dans votre propre parti et votre collègue Noômane El Euch continue à percevoir une prime de la part de la Société régionale du transport de Sfax en tant que membre de son conseil d'administration». Enfin, nos députés ont décidé de se muer en «fouqahas» et de nous dire qui a le droit d'être considéré comme martyr et qui ne le peut pas.