Au palais du Bardo, on a sonné la mobilisation générale pour auditionner les ministres sur le projet de budget de l'Etat 2017. Sauf que les commissions parlementaires fonctionnent toujours au ralenti et dans l'indifférence de leurs propres membres Au moment où Youssef Chahed, chef du gouvernement d'union nationale, se démène comme il peut dans le but de faire avaliser son projet de loi de finances 2017 et d'encourager le maximum de bailleurs de fonds internationaux à venir participer les 29 et 30 novembre à la Conférence internationale sur l'investissement en Tunisie et à accepter de financer les projets de développement les plus importants contenus dans le plan de développement économique et social 2016-2020, au palais du Bardo, le ton est donné ces derniers jours, lors de l'audition des ministres, au sein des différentes commissions parlementaires, dans le cadre de la discussion des projets de budget des ministères pour le compte de l'année 2017. Et comme à l'accoutumée, ces réunions sont accompagnées par ce phénomène récurrent de l'absentéisme continu des membres des commissions au point que certaines auditions se sont déroulées devant des chaises vides et le ministre concerné discourait devant ses propres collaborateurs dont le nombre était supérieur à celui des membres de la commission en question. Une nouveauté aussi : comme les salles consacrées aux réunions des commissions se comptent sur les doigts d'une seule main, on s'est trouvé obligé de transférer les députés vers d'autres espaces comme le siège de l'ancienne Chambre des conseillers distante de près de 500 mètres du palais du Bardo (utilisée à l'époque de la Troïka en tant que siège du ministère de la Justice, des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle où officiait Samir Dilou, aujourd'hui président de la commission parlementaire féminine) et aussi vers les anciens locaux de l'ex-Chambre des députés. Et cette décision n'a fait qu'accentuer l'absentéisme des députés qui rechignent, s'ils enregistrent leur présence, à faire le déplacement vers les nouveaux locaux. Idem pour les journalistes qui n'arrivent pas à suivre les débats dans les meilleures conditions possibles en dépit du somptueux centre de presse mis à leur disposition. Mohamed Ennaceur, président du Parlement, a annoncé le démarrage imminent de l'académie de l'ARP, qui aura à dispenser aux députés la formation qu'il faut (sur la base des normes internationales en vigueur) pour qu'ils accomplissent leur mission comme il se doit. En attendant que l'Académie commence à dispenser ses cours, ne vaut-il pas mieux trouver une solution à l'éparpillement des salles de réunion et aussi à l'incitation des membres des commissions à assister à ces mêmes réunions pour éviter au moins de poser, lors des séances plénières, des questions auxquelles tel ou tel ministre a déjà répondu ? On continue à écouter tout le monde D'aucuns pourraient rétorquer que de telles incommodités ne sont pas importantes et que l'essentiel est que nos députés, plus particulièrement les membres des commissions, —là où est entreprise l'action parlementaire fondamentale—, parviennent à remodeler, voire réélaborer, plusieurs projets de loi proposés par le gouvernement. L'objection est acceptable. Sauf qu'à suivre les débats au sein des commissions et les incidents et accrochages entre les députés émaillant ces mêmes débats, on peut dire bravo à ceux qui ont décidé de ne pas retransmettre ces séances à la TV. Quand Mongi Rahoui et Moncef Sellami s'échangent des mûres et pas vertes à propos de la loi sur la lutte contre la corruption, quand Mahmoud Kahri, le député de l'Union patriotique libre, accuse ouvertement le département de l'information relevant du ministère du Tourisme de répandre de fausses données sur le tourisme tunisien et quand Fayçal Tebbini, le président du parti «Saout Al Fallahine», se découvre expert ès tourisme et appelle à ce que les touristes étrangers payent plus fort les services dont ils bénéficient actuellement, nous découvrons malheureusement que nos députés vivent toujours dans un monde qui n'est pas le nôtre et que leurs préoccupations ne sont pas les nôtres, sans oublier les revendications à caractère régional comme si l'audition de la ministre du Tourisme ou de celui de l'Enseignement supérieur, à titre d'exemple, était transformée en une réunion syndicale. En parallèle, on continue à ouvrir les micros des commissions parlementaires à tout le monde pour qu'ils disent tout ce qu'ils ont sur le cœur à propos des lois qui détermineront l'avenir du pays. Et à lire les communiqués annonçant les prochaines auditions de ces commissions, on a l'impression que le palais du Bardo est en train de vivre un meeting permanent où les associations de tout acabit ont droit à la parole, où tous les experts ou analystes viennent conseiller nos députés (certains leur proposent même des textes de loi bien ficelés à l'avance qu'ils pourraient avaliser en s'épargnant leur salive et en épargnant à l'Etat d'inutiles dépenses). Et ces associations tunisiennes ou étrangères ont pris l'habitude d'exercer toutes les formes de pression sur les députés en procédant à la publication des propositions qu'elles expriment devant les députés et en dénonçant leur attitude au cas où l'une de leurs suggestions ne serait pas retenue. Mardi prochain, la commission parlementaire des droits, des libertés et des relations extérieures auditionnera le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance et le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption sur la loi relative au dévoilement des cas de corruption et de protection des informateurs. Abid Briki et Chaouki Tabib diront sûrement tout ce que contiennent les dossiers qu'ils disent avoir sous le main. Mais qu'en est-il de l'association I Watch qui est déjà passée à la vitesse supérieure en estant directement par-devant la justice contre certaines entreprises qu'elle accuse de corruption et de compromission dans les affaires d'escroquerie et de détournement de fonds publics ? La même question s'applique également à l'Association tunisienne de transparence financière présidée par Mohamed Missaoui qui répète à longueur de journée qu'il dispose de plusieurs dossiers de corruption dont le traitement équitable par la justice pourrait rapporter des milliards de dinars aux caisses de l'Etat et épargner à Youssef Chahed et à ses ministres d'aller faire les yeux doux au FMI ou à la Banque mondiale dans le but de récolter les miettes qu'ils pourraient nous concéder en nous abreuvant de leurs conditions inacceptables.