Moncef Khouini est incontestablement l'un des trois ou quatre meilleurs «numéro 9» que le football tunisien ait jamais connus. Il a fait le bonheur du Club Africain et de l'équipe nationale durant plusieurs années, notamment au cours des années 70. Il est aujourd'hui l'invité de notre rubrique «Souvenirs, souvenirs» «Ghaddara shoutet Lekhouini ghaddara» (trompeur est le tir de Khouini) chantonnait le public du Club Africain à chaque sortie de leur équipe fanion qui comptait dans ses rangs le redoutable avant-centre Moncef Khouini dans les années 70. Ces années-là constituaient d'ailleurs une longue période de règne du CA avec sept consécrations (3 championnats et 4 coupes) et dont l'un des principaux artisans de cette suprématie bien ancrée des enfants de Bab Jedid était Moncef Khouini qui faisait trembler tous les gardiens de but tunisiens sans exception. Ses buts étaient décisifs comme par exemple celui marqué lors de la finale de la coupe en 1970/71 contre l'ASMarsa (1-0). Et Khouini de nous en parler davantage : «Je m'enorgueillis d'avoir donné la joie aux supporters du CA pendant de longues années au cours desquelles j'étais l'un des attaquants les plus en vue en Tunisie, que ce soit avec mon équipe ou avec l'équipe nationale. En 1972-73, j'ai même été couronné meilleur buteur avec 12 buts. J'ai, également, été l'auteur de plusieurs buts avec l'équipe nationale dont j'ai fait partie de 1969 à 1977. Je suis parvenu à marquer 14 ou 15 buts avec le onze national et j'ai failli faire partie de l'équipe nationale ayant pris part à la phase finale de la Coupe du monde de 1978, mais Abdel-Majid Chettali en a décidé autrement en rayant mon nom de la liste des joueurs sélectionnés à 15 jours seulement du départ pour l'Argentine. Ce choix, que je respecte malgré tout, m'a laissé un grand bleu dans l'âme car à 28 ans, j'étais encore au firmament de ma carrière». En dépit de ce coup dur asséné par Chettali à Moncef Khouini, ce dernier est resté respectueux envers ce coach de légende. Il ne l'a traité d'aucun qualificatif indélicat même si cela lui est resté en travers de la gorge jusqu'à aujourd'hui. «La belle époque, je vis toujours avec» Bien évidemment, les souvenirs évoqués par Moncef Khouini et par tous les footballeurs de son époque, la belle époque, restent gravés dans les mémoires de tout le monde. «Personnellement, je vis avec. Ces souvenirs font partie de mon être. La majorité écrasante de ces souvenirs est heureuse et si c'était à refaire ou à revivre, je choisirais ce que j'ai vécu comme carrière et comme capital relationnel inestimable réalisé. Là où je passe, je suis choyé et respecté par les gens qui me vouent un amour qui fait l'effet d'un baume au cœur. Qu'est-ce qu'un être humain veut de plus ?». «Gaddour et moi, deux adversaires intimes» Quand on veut raconter Moncef Khouini, on ne peut pas passer sans évoquer son adversité atypique avec le défenseur axial de l'Espérance Sportive de Tunis Abdelkader Ben Saïd dit «Gaddour». La relation de l'avant-centre du CA et du stopper de l'EST illustrait parfaitement bien l'ambiance des derbys de la capitale de jadis. On se bagarrait comme des gladiateurs sans pour autant atteindre le degré de la haine ou de l'animosité. «Loin de là, ajoute Khouini. Avec Gaddour j'ai vécu des anecdotes qui peuvent, à mon avis, s'élever au niveau de leçons de vie que les supporters doivent connaître. Je vais vous en raconter deux. Il y a trois ans, j'ai été victime d'une sérieuse maladie virale lors d'un voyage en Afrique qui a nécessité une assez longue hospitalisation avec des états parfois comateux. Et figurez-vous, à chaque fois que je me réveillais, je trouvais à mon chevet Gaddour en pleurs. Détrompez-vous, cet homme est d'une âme très noble. La deuxième anecdote est beaucoup moins «romantique». Une fois, l'entraîneur du CA a préféré me mettre sur le banc de la touche en titularisant à ma place Habib Mejri. C'était le grand derby avec l'EST et avant d'atteindre la pelouse du stade d'El Menzah, Gaddour, qui a eu vent de mon remplacement, est venu me chuchoter "qu'est-ce que tu veux que je fasse de ton rival ?" allusion faite à Habib Mejri. Eh bien quelque temps après le coup d'envoi de la partie, il envoie le pauvre Mejri aux vestiaires avec une blessure à la jambe. Du coup, j'ai été incorporé et j'ai marqué deux buts (2-1). A la fin du match, Gaddour m'a couru derrière pour m'attraper par les cheveux qui étaient longs à l'époque en me traitant de tous les noms» car «Ghaddara» portait bien son nom ce jour-là. Et Moncef d'ajouter : «C'est vous dire combien on s'aimait entre "Clubistes" et "Espérantistes" notamment en dehors des stades». «Je vis un beau rêve avec l'équipe nationale» Le fait que Moncef Khouini ait été privé de participer avec l'équipe nationale de 1978 à la Coupe du monde ne l'a pas empêché de vivre des moments inoubliables avec le onze national en tant qu'accompagnateur, et ce, depuis vingt ans déjà. A 66 ans bien sonnés, Moncef Khouini vivra certainement avec la sélection de Nabil Maâloul l'historique qualification à la Coupe du monde de Russie 2018. «Je suis vraiment très heureux de vivre cela et d'être au service de l'équipe nationale et de la FTF que je considère comme ma deuxième famille. Ce sentiment fort je le ressens aussi pour le CA auquel je souhaite tout le succès. Avec le Club Africain, je n'oublierai jamais les noms de Fabio, Nagy, Azzouz Lasram, Ridha Azzabi, Chérif Bellamine, Hamouda Ben Ammar et particulièrement Hamadi Bousbiâa qui se comporte avec le CA en bon père de famille».