Par Lobna JERIBI * Au sujet du budget économique et de la loi de finances 2018, les conclusions de l'organisation Solidar Tunisie se résument au niveau des points suivants : 1- La Tunisie peut réaliser voire dépasser le palier de croissance prévu par le budget économique si elle adopte un plan de relance par l'offre. Ce plan devra cibler tous les secteurs productifs et surtout les PME dans des secteurs stratégiques, notamment dans les énergies renouvelables et dans l'économie numérique. Ce choix exige des amendements du projet de loi de finances et aidera à mieux redresser les déséquilibres macroéconomiques. 2- Les amendements du projet de la loi de finances doivent toucher les mesures qui sont contradictoires avec les objectifs de la réforme fiscale notamment : - L'objectif d'efficacité : la réforme fiscale vise à réduire la pression fiscale pour les contribuables disciplinés afin de les inciter à produire davantage. - L'objectif de l'équité : la réforme fiscale vise à répartir équitablement le fardeau fiscal entre l'ensemble des acteurs économiques. Pour cela, il importe d'élargir l'assiette fiscale en s'attaquant au secteur informel et à la fraude fiscale. C'est ainsi que les dispositions de la LF2018 qui augmentent le coût des intrants pour les entreprises doivent être revues. Ces mesures sapent la compétitivité des entreprises et découragent les investissements. Elles sont un frein à la production et aux exportations. Par ailleurs, pour augmenter les ressources fiscales et limiter le déficit budgétaire, la LF2018 augmente tous azimuts les taux d'imposition. Cela risque d'avoir un effet contraire à l'effet recherché. L'accroissement des taux d'imposition, outre son impact négatif sur les activités économiques, incite à la fraude fiscale et pousse les acteurs économiques dans le secteur informel. Par contre, une baisse des taux d'imposition engendrera une croissance économique plus forte qui générera des recettes fiscales accrues pour l'Etat. 3- Considérant que la maîtrise du déficit budgétaire est essentielle, Solidar Tunisie revendique l'annulation des augmentations des taux d'imposition introduites dans le projet de LF2018 et propose des mesures alternatives pour accroître les ressources de l'Etat. Ces mesures concernent essentiellement un recouvrement partiel des très importantes créances constatées de l'Etat. Plusieurs mécanismes peuvent être adoptés à cette fin : partenariat avec des sociétés de recouvrement ou/et des huissiers; cellule de suivi au sein de la présidence du gouvernement, activation des commissions de conciliations adoptées par la LF2017. Solidar Tunisie préconise aussi la dotation des services du ministère des Finances en ressources informatiques (équipements et système d'information) leur permettant de mieux exercer leurs prérogatives et de mieux assurer leur mission. 4- A cet effet, il convient de rappeler que la digitalisation des institutions publiques et privées est une priorité pressante du pays; elle a été identifiée comme telle lors de l'élaboration du Plan de développement 2016-2020 et dans le budget économique 2018. Cependant, les mesures de taxation de l'Internet et de ses équipements prévues par le projet LF2018, outre leur incohérence, vont tout à fait à l'encontre des objectifs de développement de l'économie numérique et constitueront un facteur de blocage du secteur. L'impact négatif de ces mesures touchera non seulement le secteur des TIC mais aussi l'ensemble de l'économie nationale. Il convient de supprimer ces mesures. 5- Finalement, le déficit budgétaire et le déficit courant auxquels s'attaque le budget économique 2018, sont fortement alimentés par le déficit énergétique. Pour réduire le déficit énergétique, il suffit de substituer progressivement les énergies renouvelables aux énergies fossiles conformément aux objectifs du plan. Le développement du secteur des énergies renouvelables, outre son impact sur le déficit budgétaire et sur le déficit commercial, est un véritable vecteur de développement et d'équilibre régional. Pour cela, il importe de lever tous les obstacles que rencontre le secteur. En conclusion, l'enjeu principal auquel fait face notre économie réside dans la mise en œuvre des réformes. Les mesures et dispositions prises dans le cadre des politiques et mesures de court terme — notamment celles inscrites dans les lois de finances successives — doivent nécessairement s'inscrire dans l'agenda des réformes adoptées dans le plan et être tout à fait cohérentes avec les objectifs de ces réformes. L'enjeu principal auquel fait face notre économie réside dans la mise en œuvre des réformes qui nécessite une conduite de changement, une politique qui doit puiser constamment dans deux viviers , l'audace et le réalisme. * Présidente de Solidar Tunisie