Par Mohamed ABDELLAOUI Tous les projecteurs sont braqués sur les élections municipales, ces derniers temps. Médias, politiciens, activistes associatifs et autres composantes de la société tunisienne en parlent à souhait. Le scrutin local, oui, on en a bu jusqu'à la lie. Encore une fois, on n'a pas non plus dérogé à la règle samedi et les Municipales ont, de nouveau, été au centre de nouvelles palabres. La partie n'étant pas terminée, une rencontre-débat a, en effet, eu lieu, entre l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et les partis politiques. Entre défenseurs du report des échéances en question et défenseurs, sans vergogne, d'une tenue dans les plus brefs délais, le débat s'est encore heurté à des divisions. Si bien que la guerre intestine se poursuit au sein de l'Assemblée des représentants du peuple et en dehors de l'hémicycle. Depuis la Présidentielle et les Législatives de 2014, la Tunisie voit donc traîner ses Municipales sur fond de déclarations et d'accusations émises à tour de bras. Toujours est-il que, face à une cacophonie et une « infobésité » (overdose d'informations) aussi déroutantes, le Tunisien lambda, ou l'électeur plus précisément, ne sait plus à quel saint se vouer. Ce même Tunisien pourrait, corrélativement, avoir l'impression qu'il nage en eaux troubles pour, ensuite, se demander: « Pourquoi toutes ces tractations, tout ce tapage, tout ce chahut et tout ce vacarme autour d'un scrutin ?» et « Les élections municipales, qu'est ce que ça va changer ? Le Tunisien lambda se trouvera, de surcroît, en droit de se demander si les 7182 conseillers municipaux (répartis sur 350 municipalités) à élire seraient aussi qualifiés pour réaliser le bond qualitatif souhaité pour une gouvernance locale plus au diapason des profondes mutations qu'ont connues un pays et un peuple. Puis, quand on sait que 27,75% des nouvelles inscriptions, soit 148.648 électeurs (au mois de juin dernier), sont des jeunes âgés entre 18 et 21 ans (selon le président de l'Isie), on ferait bien de se mettre dans la tête ces jeunes gens pour ainsi songer à la nature de leurs attentes. Les élections municipales, qu'est-ce que ça va changer ? Et comment sera la vie et l'état de nos villes et villages, une fois que les élus locaux seront aux commandes des différentes municipalités ? Les responsables locaux à élire seraient-ils aussi armés ( l'on parle de savoir ici) pour ainsi réussir à imposer leurs communes comme compétitrices redoutables ? Voilà les questions que se posent bien des Tunisiens, à commencer par ces jeunes suffisamment informés grâce à la Toile. Il n'est point de doute aujourd'hui: bien des Tunisiens, surtout les jeunes à la page de ce qui se passe du côté du monde développé, s'attendraient à ce que le responsable politique de la Tunisie nouvelle soit en mesure de se conformer aux règles de la bonne gouvernance en l'an 2018. Pour ces jeunes Tunisiens lassés des phrases toutes faites, des slogans creux et des modes opératoires « archaïques » des has been, une gouvernance réussie demeure tributaire d'un faisceau de facteurs et critères. De là, un conseiller municipal peinera à gagner leur confiance s'il n'arrive pas à élaborer un plan d'urbanisme favorisant la reconversion de certaines ruines et vieilles bâtisses en jardins partagés et biologiques. Le travail de ce même responsable local sera aussi peu fructueux et par conséquent peu satisfaisant, à l'égard de ces jeunes gens, s'il n'encourage pas l'esprit start-up. Start-up veut dire ici— pour que les has been y compris l'homme au turban ne se sentent pas lésés—, une nouvelle entreprise innovante privilégiant la recherche, le développement de produits innovants et le test de nouvelles idées. Dans la même perspective, tout responsable local désireux de réussir à l'ère de la Tunisie nouvelle est appelé à offrir aux jeunes qualifiés : ingénieurs, informaticiens, publicitaires et artistes entre autres, des scènes pour briller. C'est ainsi qu'il arrivera à les attirer. Et c'est un impératif, car il n'y a que les vrais talents— ceux qui partagent les mêmes valeurs, qui puissent changer le cours de l'histoire de leurs villes et populations. Cet élu local doit, pour ce faire, avoir les moyens de convaincre les entreprises à participer au combat. Reste à savoir si nos futurs élus locaux, dont l'élection, tel un feuilleton mexicain, fait encore l'objet de polémiques et controverses, sauront le faire. Au-delà de l'infobésité, il paraît que n'importe qui peut, aujourd'hui, prétendre détenir la vérité en Tunisie. Mais la vérité est ailleurs...