Par Pr M'hamed Hassine Fantar (*) Les auteurs de l'Antiquité gréco-latine et les vestiges archéologiques disponibles situaient la naissance de Nabeul, l'antique Neapolis, aux alentours du VIe siècle avant J.-C. La première mention historiographique, nous la devons à Thucydide, qui raconta la mésaventure d'une expédition spartiate en Sicile devant se rendre à Syracuse, afin de contrecarrer l'impérialisme d'Athènes. Elle fut, par des vents contraires, poussée sur les côtes de Cyrène, colonie fondée par la cité grecque de Théra, dans la région de Benghazi en Libye. Les vestiges gréco-latins de cette métropole hellénique en terre libyenne forcent encore l'admiration par leur magnificence et leur splendeur. De là, pourvue de deux trières, navires de guerre performants, l'expédition spartiate put cingler vers la Sicile. Sur sa route, elle trouva refuge et hospitalité à Neapolis. C'était en 413 avant J.-C. Voilà le fait historique le plus ancien que nous connaissions sur Neapolis. Les fouilles entreprises sur le site, à partir des années 1960, permirent la récupération de fragments de poterie dont certains sont du VIe siècle avant J.-C. Dès lors, on a cru pouvoir attribuer à ce siècle la genèse de cette merveilleuse cité du Cap Bon. L'hypothèse paraissait plausible. Mais, grâce à un sondage entrepris au mois de septembre 2010 par une équipe tuniso-italienne, dans le cadre d'un accord entre l'Institut national du patrimoine et des institutions universitaires de Sassari et d'Oristano, en Sardaigne, on aurait récupéré deux siècles supplémentaires pour l'histoire de Neapolis. Nous l'avons appris incidemment, à la suite d'une conversation à bâtons rompus avec les membres de l'équipe tuniso-italienne que nous avons rencontrés au terme de leur séjour à Nabeul pour les saluer. Au fond d'une couche de remblais, disaient-ils, épaisse d'environ 4m, on a recueilli des tessons qui, à la lumière d'un examen préliminaire, semblent ressortir à une poterie phénicienne, datable du VIIIe siècle avant J.-C. Il s'agit en l'occurrence d'une urne à épaulement avec un décor à métopes et des fragments de céramique phénicienne à engobe rouge dit red slip, bien connu sur la côte syro-palestinienne, notamment à Tyr. La pioche, la pelle, le tamis et surtout le regard vigilant de l'archéologue auraient réussi à ajouter deux siècles à l'histoire de Nabeul, la prestigieuse fille de Neapolis. Pourrait-on dire que la fondation de Neapolis remonterait au VIIIe siècle avant J.-C ? Il est encore trop tôt pour l'affirmer ou l'infirmer. Il paraît toutefois certain que le rivage de Nabeul était fréquenté par des navigateurs phéniciens avant même que la fondation ne fut baptisée Neapolis, toponyme qui, selon toute vraisemblance, serait une traduction grecque de Qart Hadasht qui, en langue, phénicienne, signifie ville neuve ou de Maqom Hadash, expression qui veut dire dans cette même langue, nouveau comptoir. Il y a lieu de signaler, à ce propos, que le nom grec de la ville d'Oristano en Sardaigne était dit en grec Neapolis alors qu'en langue punique, elle s'appelait Carthage. —————— (*) Titulaire de la Chaire Ben Ali pour le Dialogue des civilisations et des religions