Mardi prochain, les signataires du Document de Carthage se rencontreront au palais présidentiel à l'invitation du président de la République. Ils tenteront, sans doute, de trouver une solution consensuelle à la crise opposant la présidence du gouvernement à la direction de l'Ugtt «Il existe des ministres dont le rendement est nul et ils doivent être remplacés. Et quand l'Ugtt demande à ce qu'un sang neuf soit injecté au sein du gouvernement, cela ne veut dire, en aucune manière, qu'elle essaye de confisquer les attributions du chef du gouvernement ou de lui imposer une décision quelconque. Nous sommes signataires du Document de Carthage et nous estimons que nous avons le droit d'appeler à y introduire les rectifications qu'il faut au moment qu'il faut». C'est l'essentiel du discours que développent ces derniers jours les responsables de l'Ugtt conduits par le secrétaire général, Noureddine Taboubi, qui ne rate aucun congrès d'une union régionale ou d'une fédération sectorielle sans rappeler que «la Centrale syndicale ouvrière considère qu'il est temps d'opérer un remaniement ministériel et que les syndicalistes ne sont plus disposés à accorder leur soutien à un gouvernement qui ne fait que multiplier les échecs». Un discours que beaucoup d'observateurs considèrent comme révélant «un syndicat trop puissant se comportant non comme une force de soutien au gouvernement d'union nationale, mais bien comme une force de pression qui croit que ses désirs, voire ses caprices, finissent toujours par être exaucés». Il se trouve que le discours de l'Ugtt et les analyses savantes des observateurs et politologues qui suivent à la loupe les petites phrases des uns et des autres ont fini par exaspérer Youssef Chahed, qui a ainsi répondu d'une manière ferme : «Le remaniement ministériel, c'est mon affaire personnelle et c'est moi qui décide de son timing». Et pour signifier aux syndicalistes de l'Ugtt qu'ils n'ont pas à le considérer comme l'otage de leur organisation, il affirme : «Nida Tounès, c'est mon parti et je ne l'ai jamais quitté. C'est moi qui ai autorisé les ministres nidaïstes à diriger l'opération constitution des listes du parti aux élections municipales du 6 mai prochain». Les propos de Youssef Chahed sont clairs et concis : l'Ugtt a beau être un partenaire stratégique dans le Document de Carthage, sauf que ce statut ne lui permet pas de maintenir le chef du gouvernement sous sa pression permanente ou de lui imposer de révoquer tel ou tel ministre. Epargner au pays une nouvelle crise Et comme la tension gouvernement-Ugtt ne s'est pas apaisée à la suite de la rencontre en début de semaine entre Youssef Chahed et Noureddine Taboubi (aucun communiqué n'a été publié à la suite de cette rencontre ni du côté de l'Ugtt ni de celui du gouvernement) et que les déclarations guerrières se sont multipliées du côté syndicaliste, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, s'est sans doute trouvé dans l'obligation de convoquer les signataires du Document de Carthage à une réunion qui se tiendra mardi prochain au palais présidentiel Le texte du communiqué présidentiel n'évoque pas les points à l'ordre du jour de la réunion qui intervient moins de deux mois après celle du 13 janvier dernier tenue à la lumière de la vague de contestations qui ont secoué le pays au début de l'année. Toutefois, il ne faut pas être un grand stratège pour comprendre que la réunion de mardi prochain aura à examiner la crise qui oppose le chef du gouvernement à l'Ugtt. Et comme à l'accoutumée, les observateurs sont persuadés que «le président de la République usera de toute son expérience, de son charisme et de son poids pour que les protagonistes fassent prévaloir la voix de la raison et du dialogue afin de faire épargner au pays une nouvelle crise dont elle n'a pas besoin d'autant plus que les élections municipales sont imminentes et qu'un remaniement ministériel, même limité à deux ou trois ministres, n'est pas pour apaiser les tensions ou résoudre les difficultés qui commandent plutôt la mise au point d'une stratégie commune».