Par Jamil SAYAH, Professeur de droit public Si nous écrivons ici quelques mots, ce n'est pas pour nous, nous si l'on entend par là la famille Sayah, mais pour ce «nous» qui a partagé cette nouvelle, pour toutes celles et tous ceux qui sont en train d'entendre retentir en eux la disparition de Si Mohamed Sayah. Nousl'avons apprise et échangée, éberlués, de proche en proche, et pour tous ceux et celles que nous ne connaissons pas : les autres amis, ces Tunisiens de tous milieux, de tous bords qui ont reçu un message avec cet objet : «disparition», et qui savent qu'ils l'entendront et s'en souviendront comme chaque événement intime et grave, mais aussi comme d'un de ces événements politiques dont on dit que l'annonce se grave dans nos vies avec les détails de l'instant ineffaçable. Car la mort de Mohamed Sayah n'est point un évènement intime mais un fait national et plus encore que nous ne pensions. Nous pourrions tenter de commencer à dire pourquoi, mais ce n'est pas encore possible, ne nous en demandez pas tant. Mais chacun à sa manière dira ce qui l'a touché dans sa personnalité, dans ce qu'il disait et dans ce qu'il faisait, le tout rejoignait non seulement l'histoire de la Tunisie, mais aussi la mémoire d'une génération, d'une époque et d'un monde. Il y aurait tant à dire et chacun différemment. Dans l'écho de cette nouvelle, on commence à ressentir le manque. Le maque de la vérité dans la parole et la droiture dans l'action de Si Mohamed. On dira plus tard comment et pourquoi, mais on peut dire déjà pourquoi cela concerne tout le monde, cet accent de vérité, et pourquoi il faut chercher à rester fidèle comme lui à ses idées pour mieux regarder le monde. C'est bien ce qui nous autorise à dire ici que ce nous, n'est pas un «nous» fermé, formé par un groupe, mais est profondément ouvert, inconnu et inattendu : sa famille, ses amis et tous ces tunisiens inconnus qui l'ont admiré et respecté. C'est avec eux que nous voulons seulement partager son patriotisme, son honnêteté, sa droiture et son éthique et plus encore son sourire large, doux, ferme, tenace et tendre. Cet amour pour la Tunisie qu'il faut continuer à porter et à partager, nous ne voulons rien faire d'autre ici que continuer ce que nous faisons depuis quelques heures, et pour longtemps encore, partager la mémoire de Si Mohamed qui appartient à toute la Tunisie.