Les architectes tunisiens sont descendus dans la rue pour faire pression contre l'adoption de projets de loi jugés injustes car portant atteinte aux droits de propriété concernant notamment les immeubles menaçant ruine. C'est en face de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) que les architectes tunisiens, représentés principalement par l'Association «Architecte... citoyens...», se sont ressemblés pour alerter sur des intentions législatives qui ouvrent la voie à ce qu'ils ont appelé une spoliation des biens des citoyens et une réquisition de la citoyenneté. En présence de quelques représentants de la société civile, des architectes tunisiens ont recouru, en effet, à la rue pour faire pression contre l'adoption de projets de loi jugés injustes, portant atteinte aux droits de propriété notamment des immeubles menaçant ruine. Pour eux, cette «armature» de textes ne servira que les intérêts des lobbies et des cercles du pouvoir de l'immobilier tunisien. Ces différents textes «puisent leur légitimité dans l'actualité et dont les intentions réformatrices visent en vérité la dépossession des droits acquis des propriétaires tunisiens». C'est, en tout cas, ce qu'a laissé entendre l'association «Architecte... citoyens...», partie organisatrice de ce rassemblement tenu jeudi 15 mars. Et c'est notamment le projet de loi 005/2018 relatif aux bâtiments menaçant ruine qui est pointé du doigt de par ses articles qui donnent toutes les prérogatives au ministère de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire de gérer et de décider de l'avenir de ces constructions, d'autant plus que ces projets de loi ont fixé un plafond de compensation n'ouvrant la voie à aucun type de recours. «Ces textes, une fois adoptés, permettront l'expropriation des droits des propriétaires des bâtiments menacés d'effondrement. Les terrains sur lesquels ils sont bâtis pourront être cédés à des promoteurs. Il s'agit bien d'une armada de lois qui est en train de se mettre en place pour priver les citoyens de leurs droits de propriété», a expliqué Ilyès Bellegha, président de ladite association. Mohamed Kahlaoui, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu), également présent lors de cette protestation, a exprimé tout son soutien à cette association et à ses actions, signalant l'impératif de s'opposer à toute forme de privatisation des biens publics au profit des lobbies économiques. Et d'affirmer, qu'eux, en tant que parti politique, envisageront toutes les formes de pression pour s'opposer à ce genre d'intentions. Quoi qu'il en soit, l'association préconise la signature d'une pétition qui sera adressée aux pouvoirs législatif et exécutif. Architecture, une situation qui inquiète En marge de ce rassemblement qui s'est opposé à des intentions jugées «malveillantes», l'association a également déploré la situation actuelle des architectes tunisiens, vu leur grand nombre, fait hérité des politiques du régime déchu. Ce qui inquiète, ce n'est pas uniquement leur nombre jugé très élevé, mais également la qualité de l'enseignement qui a marginalisé certaines spécialités comme l'urbanisme. A ceci s'ajoutent les limites d'un marché de l'emploi restreint. «Ce qui manque en Tunisie, c'est la tradition de s'associer, de faire des groupements d'architectes. La situation devient de plus en plus préoccupante», s'est alarmé Bellagha, qui a appelé à la création d'autres spécialités pour essayer d'absorber le grand nombre de diplômés en architecture. Malgré tous ces obstacles qui entravent le développement du secteur de l'architecture en Tunisie, Bellagha s'est montré optimiste : «Ce qui est encourageant, c'est que pratiquement tous les architectes et étudiants en architecture sont parfaitement conscients du problème. Ainsi, devra-t-il être plus facile de trouver des solutions. Il faut notamment opter pour des projets participatifs. C'est le plus important, vu la situation actuelle».