«A fleur de peau», exposition photographique de Héla Ammar, conjugue les temporalités et les engagements esthétiques et citoyens de l'artiste. L'exposition se poursuit jusqu'au 5 mai. Comme à plusieurs autres reprises, les deux cheminements artistiques de Hela Ammar se croisent, se rencontrent et s'exposent tranquillement l'un à côté de l'autre à la galerie Ghaya à Sidi Bou Saïd. Son exposition actuelle, intitulée «A fleur de peau», restitue à la fois ses questionnements sur les identités féminines en mouvements et des préoccupations citoyennes plutôt engagées. Le parcours de l'exposition, reliant les temporalités, est tissé de fleurs, d'espoir et d'attente. Il débute avec le thème de la mémoire qui traverse le travail de Hela Ammar, artiste visuelle et juriste de profession et de carrière. Clin d'œil à l'époque post coloniale, celle des chantiers de tous les possibles menés à bras-le-corps par un peuple nouvellement libre, Hela Ammar explore les premiers journaux officiels de ces années 60. Ses installations, joliment esthétisantes, font plier et déplier les pages du Journal officiel. Des roses en papier émergent des tréfonds de ces reliques, qui ont donné naissance aux institutions d'une nouvelle République. Portraits sans visages Seconde temporalité de l'exposition, ou lorsque ces fleurs s'épanouissent en espoirs portés par une génération 2.0. Celle d'aujourd'hui. Post-révolutionnaire, elle veut aller jusqu'au bout de ses désirs. Les libertés individuelles en font partie. Dans cette série, qui a inspiré le titre de l'exposition, «A fleur de peau», Hela Ammar revient à une autre thématique qu'elle avait abordée auparavant, dans «Hidden portraits» présentée l'automne dernier à la Deuxième Biennale des photographes du Monde arabe contemporain. Retour encore une fois à l'imagerie orientaliste sur les codes desquels elle joue allégrement. Recouvrant la tête de militants Lgbt notoires de foulards fleuris «Hindiya», l'artiste défie les catégories de genre, les identités d'usage et les tabous de toute une société. Elle capte des corps à la sensualité flagrante, sillonnés de tatouages criants, fragiles parce qu'anonymes et livrés aux regards dans une lumière du jour, qui les rapproche d'images de l'iconographie de la Renaissance. Effet voulu et accentué par Hela Ammar à travers ses encadrements baroques chinés chez les antiquaires d'ici et d'ailleurs. «La mer, notre seule échappatoire !» Les couleurs flamboyantes des portraits de sept activistes aux visages cachés contrastent avec le noir et blanc des photos de l'île de Kerkennah, dernière série de l'exposition. C'est un temps suspendu, figé, flottant que cherche à saisir Hela Ammar à travers un travail dédié aux rêves de départ clandestin d'une autre jeunesse, celle de la marginalité économique et sociale. Cette terre, mariée à la mer et à l'horizon immense, est pourtant belle à couper le souffle... «Il n'y a pas de terre, pas de ciel et la mer est notre seule échappatoire !», crie un homme rencontré par l'artiste. Elle répond, sans se départir de son sourire : «Je reste toujours dans une note d'espoir, convaincue que le temps est nécessaire pour passer à autre chose, pour changer de cycle et se transformer».