A l'instar des autres gouvernorats, celui de Kairouan a vécu, hier, au rythme des premières élections municipales depuis la révolution du 14 Janvier et ce en présence d'observateurs tunisiens et étrangers et de représentants des différentes listes candidates : au total, 98 listes sont en lice pour briguer 390 sièges au sein des 19 communes dont 5 récentes. En outre, 309 centres de vote comptant 562 bureaux ont été aménagés au profit des 247.692 électeurs. Cela sans oublier un potentiel humain de haute compétence mis en place par l'Irie dans tous les centres sécurisés par d'importants renforts sécuritaires et militaires. En cette journée printanière, le matin, et pluvieuse l'après-midi, les files d'attente n'étaient pas longues et le taux de participation, qui était de 4% à 10h, est passé à 15.24% à midi, puis à 22% vers 15 heures, ce qui est vraiment catastrophique. Et c'est surtout le désintérêt des jeunes, désabusés, qui a attiré l'attention de tous les observateurs. En témoigne, Maher Maghdouli, 22 ans, que nous avons rencontré dans la cour d'un centre de vote : « Je suis venu ici juste pour apporter un sandwich à ma belle-sœur qui est membre d'un bureau de vote. Personnellement, j'ai décidé de ne pas voter, tout comme beaucoup de mes camarades car nous en avons ras-le-bol de l'amateurisme de la classe politique avec leurs disputes quotidiennes et trop de problèmes socioéconomiques cumulés en 7 ans. D'où cette déprime ambiante aggravée par les crises de l'enseignement secondaire et supérieur et qui a influencé le comportement des citoyens qui sont inquiets pour leur avenir et qui ne voient pas pourquoi ils vont voter ! » Cet avis n'est pas partagé par d'autres rares jeunes, plutôt optimistes, et qui pensent que l'élection de nouveaux conseils municipaux est un événement privilégié et un sursaut civique, comme nous l'explique le jeune Mohamed Amine Khadraoui, 23 ans, look branché et cheveux longs, que nous avons rencontré à sa sortie du bureau de vote numéro 7 de l'école d'El Mansourah : «Si je suis venu de Tunis où je suis étudiant en informatique, c'est pour voter et pour participer à cette journée historique dans le processus démocratique national. J'ai choisi parmi les 9 listes concurrentes celle que je considère comme la plus apte à représenter mes ambitions concernant une cité propre et bien entretenue. Mais au fond de moi-même, je sais que rien ne changera et que tout ira de mal en pis... » Quelques dépassements Notons par ailleurs que l'opération de vote dans toutes les délégations du gouvernorat de Kairouan s'est passée à un rythme lent et peu enthousiaste. Et quelques dépassements et provocations on jalonné ce rendez-vous électoral. En effet, certains partis ne se sont pas gênés de faire de la propagande devant les bureaux de vote car la bataille s'avère rude entre les différents listes. D'autres n'ont pas hésité a scander des slogans de propagande tout en insultant les adversaires et en distribuant aux électeurs de petite feuilles indiquant la liste à cocher. Et à chaque fois ce sont les membres de l'Irie et les forces sécuritaires qui interviennent pour que tout rentre dans l'ordre. En outre, un individu indélicat a été placé en garde à vue, car il a proféré des insultes aux agents de l'ordre qui lui ont interdit de placer son véhicule juste en face d'un centre de vote à Kairouan Sud. Mais dans l'ensemble, le scrutin s'est déroulé dans la sérénité et dans des conditions acceptables et transparentes. En témoigne une délégation de quatre observateurs du conseil de l'Europe qui regroupe 47 pays et 200.000 collectivités et que nous avons rencontrée à l'école d'El Mansourah où 8 bureaux de vote ont été aménagés. Deux d'entre eux, M. Xavier Cadoret et Madame Tania Groppi, nous confient : « Nous avons été invités par l'Isie pour voir comment se déroule cette importante échéance électorale et nous avons été agréablement surpris dans la plupart des centres que nous avons visités par les bonnes conditions d'accueil des électeurs et par la performance des assesseurs qui maîtrisent parfaitement toutes les procédures à respecter, et ce, en toute transparence. En outre, nous avons remarqué la présence de beaucoup d'observateurs indépendants et de représentants de différentes associations, ce qui est très positif. Néanmoins, nous avons constaté que dans tous les centres les salles numéro 1 étaient réservées aux électeurs âgés dont certains sont analphabètes et qui ne comprennent par très bien comment ils peuvent accomplir leur devoir électoral malgré les consignes faites à distance des membres du bureau de vote qui n'ont pas le droit de les approcher aux urnes. Il aurait mieux valu que les listes des électeurs comportent aussi bien les jeunes que les personnes âgées ». Quant à M. Lotfi Troudi, président de ce centre où sont inscrits 4.306 électeurs, il nous précise que le taux de participation a été de 14% vers 13 heures et il espère un taux meilleur avant 18 heures étant donné que la matinée est en général réservée aux courses dominicales. Quant aux observateurs représentant le parti Nida Tounès, Ahmed Ouerghemi et Mehrez Hamdani, et ceux représentant Ennahdha, Mounir Jridi et Badr Chemkhi, ils trouvent que le scrutin s'est déroulé dans une ambiance démocratique et bon enfant malgré la désaffection des jeunes dont ils regrettent l'indifférence et l'abstention. Par les électeurs motivés nous avons recueilli le témoignage de M. Mourad Alouini, accompagné de sa fille Hela, 9 ans, cadre au sein du commissariat régional du tourisme, et qui venait de voter au centre d'El Mansourah : « J'ai tenu à ce que ma fille soit avec moi afin de l'initier au devoir civique. Pour moi, c'est une journée historique et une fête de la pratique démocratique, en toute transparence. Finie l'époque où on faisait voter les morts et où les résultats étaient connus d'avance. Ces élections sont organisées en toute liberté ». Voilà un acquis à défendre par toutes les forces démocratiques.