La raréfaction des sources d'eau s'amplifie. Des robinets d'eau à sec, des coupures et des interruptions dans le réseau d'eau potable ... La distribution de l'eau en Tunisie connaît cette année des perturbations intermittentes et chaotiques. Selon Raoudha Gafrej, universitaire et experte en gestion des ressources en eau, un scénario atypique à l'italienne où l'alimentation en eau est limitée à quelques heures par jour ne peut pas avoir lieu en Tunisie. Elle a indiqué que la Sonede ne peut pas couper l'eau de cette façon ordonnée, car l'architecture de l'infrastructure, les équipements, les modes d'alimentation ne lui permettent pas de faire des coupures structurées. Ce n'est donc pas faute de volonté, mais c'est le réseau de la Sonede qui ne peut pas accepter une telle gymnastique. Les perturbations de la desserte d'eau potable lors de l'été 2012 qui a vu la consommation d'eau augmenter de 7% contre 3% en moyenne, a coûté les postes de trois directeurs centraux de la Sonede qui ont été limogés par le ministre de l'Agriculture de l'époque qui a jugé que ces derniers n'ont pas «fait leur travail»...En effet en 2012, le volume d'eau vendu a augmenté de 7,1% contre 3 à 4% en moyenne par an. Le déficit de la Sonede ne fait que se creuser, compte tenu que le tarif de l'eau ne couvre pas les charges d'exploitation. Depuis plusieurs années, la Sonede ne fait que demander à ce que le tarif de l'eau soit révisé alors que le gouvernement s'y oppose et trouve plus normal d'investir dans des stations de dessalement d'eau de mer qui vont aggraver davantage le déficit de la Sonede. Selon les dires du P-.d.g. de la Sonede, le coût attribuée à l'énergie nécessaire pour faire fonctionner la station de dessalement d'eau de mer de Djerba serait d'environ 12 millions de dinars alors que les revenus de la vente de l'eau seraient de 10 millions de dinars. Ce qui risque d'accentuer le déficit financier de la Sonede. Pour se faire une idée de ce que cela représente, il faut savoir que la société exploite quatre stations d'eau de mer dont trois sont en cours de réalisation (Sousse : 50.000 m3/jour, Zarrat : 50.000 m3/jour, Sfax : 100.000 m3/jour), pour une production d'environ 80 millions de m3 par an. Conséquence : la consommation d'énergie de la Sonede va augmenter d'environ 70%. Comment la Sonede va, par conséquent, couvrir les frais de fonctionnement et surtout d'entretien de ces stations ? L'experte en eau a, par ailleurs, ajouté qu'en 2017, le tarif de vente moyen de l'eau s'élève à 661 millimes/m3 alors que le prix de revient est de 835 millimes/m3. L'écart entre le prix de revient et le tarif de vente moyen représente un manque à gagner à la Sonede d'environ 80 millions de dinars. Rappelons que la Société nationale d'exploitation et de distribution de l'eau est le premier consommateur d'énergie électrique et si le tarif de la Steg augmente, il n'est pas normal que le tarif de l'eau potable n'augmente pas. Le gel des tarifs de l'eau a pour conséquence une dégradation de l'infrastructure de l'eau et occasionne des pertes considérables au niveau des ressources en eau existantes. En effet, entre 2010 et 2017 l'écart entre le volume distribué et le volume consommé est passé de 131 millions de m3 à 213 millions de m3, soit une augmentation de 62,5% et les pertes linéaires dans les conduites sont passées de 6,2 m3/km/Jour à 8,7 m3/km/jour, soit une augmentation de 40% en 7 ans. En 2017, la Sonede a prélevé du milieu naturel 708 millions de m3 pour une consommation d'eau de 467 millions de m3. L'écart qui est de 241 millions de m3 correspond aux eaux de service, les eaux des fuites et des pertes diverses relevées en amont et en aval, à savoir entre les lieux de prélèvement jusqu'au robinet du consommateur.