Hier, Mohamed Ennaceur, président de l'ARP, a rencontré Youssef Chahed, chef du gouvernement, durant près d'une heure. Rien n'a filtré de la rencontre. Sauf que tout montre qu'il s'agit d'une médiation du président du Parlement dans le but de trouver une issue à la crise politique actuelle Quand Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), reçoit durant près d'une heure Youssef Chahed, chef du gouvernement, pour converser avec lui sur «la situation politique, économique et sociale» et que la rencontre n'est suivie ni d'un communiqué ni d'une déclaration du chef du gouvernement en sa qualité de l'hôte du palais du Bardo, il n'est pas très sorcier de deviner qu'il s'agit d'une médiation de bons offices menée par le président du Parlement dans le but d'apaiser les rapports de tension qui opposent le chef du gouvernement à Nida Tounès, son parti, dont les portes lui sont toujours ouvertes en dépit du conflit qui l'oppose à Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif. Et la question que tout le monde se pose est bien la suivante : qui a poussé ou a demandé à Mohamed Ennaceur d'entreprendre cette initiative de médiation dans le but de surmonter les malentendus qui distinguent les rapports qu'entretient Youssef Chahed avec la direction actuelle de Nida Tounès, rapports qui se sont envenimés davantage avec la création ces dernières semaines du bloc parlementaire «Coalition nationale» censée constituer le noyau dur sur lequel le chef du gouvernement pourrait se fonder pour créer son propre parti en prévision des élections législatives et présidentielle de 2019 ? Et comme huit parmi les députés nidaïstes les plus influents ont décidé de quitter le parti et de rallier la coalition en attendant d'autres qui le feront à l'ouverture début octobre prochain de la nouvelle session parlementaire, la dernière du mandat législatif issu des élections du 26 octobre 2014, il fallait, pour les nidaïstes, arrêter l'hémorragie et recourir à l'intervention ou aux bons conseils des sages du parti qui bénéficient toujours d'une certaine crédibilité et d'une certaine écoute auprès des jeunes responsables du parti qui n'ont pas malheureusement l'expérience qu'il faut pour savoir qu'il existe un temps pour les ambitions personnelles et les conflits de leadership mais qu'il existe aussi un temps pour serrer les rangs, faire front commun contre les ennemis et aussi les «faux amis» et surtout faire revenir les «brebis égarées» sur le droit chemin. En plus clair, quand Khaled Chaouket accuse Youssef Chahed «de trahison et d'intelligence avec l'ennemi nahdhaoui», quand Mongi Herbaoui menace d'exclure purement et simplement les députés nidaistes du parti et les taxe d'opportunistes de bas étage et quand Ridha Belhaj annonce que Youssef Chahed constitue désormais un réel danger pour le pays, il n'est plus question pour les sages de continuer à observer les choses de loin et à attendre qu'une solution miracle se produise. Que Mohamed Ennaceur ait pris l'initiative de son propre gré ou qu'on lui ait demandé de rencontrer Youssef Chahed avec la promesse de certaines garanties comme au moins de mettre fin à la campagne de dénigrement anti-Chahed conduite par les leaders nidaites qui n'ont pas compris que la fuite en avant est improductive et pour le parti et pour le pays, le résultat est le même. Hier, la rencontre Youssef Chahed-Mohamed Ennaceur a été perçue par beaucoup de Tunisiens comme une tentative sérieuse de sauver Nida Tounès d'une implosion qui arrive à grands pas et aussi comme un geste avec lequel les nidaistes ouvrent, peut-être, une nouvelle page avec les Tunisiens qui croient encore en les idéaux pour la concrétisation desquels a été fondé Nida Tounès. Et même si du côté du Parlement on n'évoque pas clairement les tensions qui règnent au sein de Nida Tounès et on se contente d'appeler «à un débat responsable entre les différentes parties et à placer l'intérêt national au-dessus de tout autre considération» et que du côté de la présidence du gouvernement, on indique qu'il s'agit «d'une rencontre de coordination»», il est permis de voir d'autres nouveautés intervenir dans les semaines à venir. Dire que les lois qui dorment dans les tiroirs de l'ARP doivent passer aux commissions parlementaires le plus tôt possible, que le chef du gouvernement a l'obligation de s'expliquer devant les députés sur l'affaire Khaled Gaddour relève de la communication parlementaire ordinaire, sauf que cela n'empêche pas de penser que Mohamed Ennaceur avait un projet à présenter à Youssef Chahed dont le but est de marquer, au moins, une trêve dans les rapports conflictuels sévissant au sein de Nida Tounès.