Par M'hamed Jaïbi L'escalade amorcée par Hafedh Caïd Enssebsi, dans le but de ramener Youssef Chahed vers «le droit chemin» de la discipline de parti, a fini par tourner court, donnant lieu à une décision de la direction officielle du parti de geler l'appartenance de Chahed à Nida Tounès, en attendant sa comparution devant une Chambre de discipline dont la composition est, elle-même, contestée par les participants au pseudo-congrès de Sousse, organisé à l'époque par le Comité «des 15» qu'avait présidé Youssef Chahed lui-même à l'instigation du président de la République. En fait, la contestation des structures s'étend à la composition actuelle du Comité politique dirigeant le parti, lequel a subi, selon le bon vouloir de son directeur exécutif autoproclamé, moult remaniements. La décision de gel, faisant suite à un courrier de mise en garde adressé au chef du gouvernement, sommé de répondre, dans les 24 heures, à trois questions qui tiennent à cœur HCE : quels sont les rapports de Youssef Chahed avec Ennahdha, quelle relation entretient-il avec le nouveau groupe parlementaire de la Coalition nationale et compte-t-il fonder un nouveau parti ? A ces questions et à tant d'autres véhiculées par les réseaux sociaux et la polémique médiatique, le chef du gouvernement a répondu par un silence laborieux qui l'a vu, ces dernières semaines, se focaliser sur des questions économiques et sociales majeures, comme l'emploi des jeunes, le logement, la rentrée scolaire et les finances. Cela ne l'a pas empêché de répondre laconiquement, à l'occasion de la conférence nationale sur les orientations économiques et sociales de la loi de finances 2019, indiquant qu'il a d'autres chats à fouetter. Ce qui n'a pas manqué d'attiser le courroux de HCE. D'où la décision de gel. Mais qu'adviendra-t-il maintenant que le mal est fait, que le chef nidaïste d'un gouvernement formé par la volonté et autour du parti majoritaire, Nida Tounès, est placé en dehors des rangs du parti ? Et quelles pourraient être les mesures, étapes et décisions devant succéder à ce chambardement formel ? Car nous sommes en présence, indubitablement, d'une configuration inédite que le droit constitutionnel n'a jamais relatée. D'aucuns affirment tout simplement qu'il s'agit d'un «coup d'épée dans l'eau». Puisque le parti de Hafedh Caïd Essebsi, déjà en pleine débandade, s'il a effectivement les moyens d'éjecter Youssef Chahed en tant que militant nidaïste, n'a nullement les moyens, avec son groupe parlementaire de plus en plus réduit, de le mettre en minorité par un vote à l'Assemblée. De sorte que le chef du gouvernement peut impunément affirmer, comme il l'a fait vendredi dernier, lors de la conférence nationale sur les orientations économiques et sociales de la loi de finances 2019, qu'il a pris le parti de s'occuper des affaires de l'Etat. Une manière d'adopter la devise du président Béji Caïd Essebsi : «La patrie avant le parti !». Mais la porte du dialogue n'est pas entièrement fermée. Après la récente rencontre Youssef Chahed – Mohsen Marzouk, dont rien n'a filtré, Mohamed Ennaceur a amorcé un processus de réconciliation et de résolution de la crise, qui a démarré sur un entretien avec Noureddine Taboubi et qui prévoit divers contacts de divers bords. Arrivera-t-il à briser la couche de glace et à désamorcer la confrontation ? Personne n'est en mesure de répondre à la question, à ce stade, surtout qu'aucune indication sur l'approche du président de l'Assemblée n'a été divulguée. A contrario, ce que craignent les observateurs, c'est qu'un «jugement» effectif de Youssef Chahed par la commission de discipline de Nida, ne conduise à l'effet inverse de son isolement : une accélération des défections au sein de Nida Tounès et de son groupe parlementaire.