Par Raouf SEDDIK Très suivi par les observateurs, le « clash » américano-iranien n'a pas déçu ceux qui en attendaient un moment fort de la séance inaugurale de l'Assemblée générale de l'ONU. Mais ce clash n'était pas le seul événement du jour ! La première journée de débat de l'Assemblée générale, avant-hier, dans l'enceinte new-yorkaise de l'Organisation des Nations unies, était la grande attraction des médias. On y attendait au pupitre deux orateurs entre qui le duel ne serait pas à fleurets mouchetés : Donald Trump et Hassan Rohani. En filigrane, la sortie fracassante des Etats-Unis en mai dernier de l'accord nucléaire de 2015, que le président américain a encore dénoncé devant les représentants de la communauté internationale comme le « plus mauvais accord que les Etats-Unis aient jamais signé ». Et d'enfoncer le clou : à la faveur de l'embellie rendue possible par l'accord de 2015, Téhéran aurait repris du poil de la bête pour réarmer, pour renforcer sa présence dans la région en soutenant des groupes terroristes et pour poursuivre la construction d'une capacité nucléaire… Fidèle à son style très direct et brutal, il s'est exclamé : « Nous ne pouvons pas permettre au principal soutien du terrorisme dans le monde de posséder les armes les plus dangereuses de la planète (…) de menacer l'Amérique ou Israël… ». La charge de Rohani ! Comme on sait, non seulement Trump a rompu les engagements américains à l'égard de l'accord nucléaire avec l'Iran, mais il mène auprès de tous les partenaires économiques des Etats-Unis une action de chantage en vertu de laquelle tout pays qui maintiendrait des échanges avec l'Iran devra renoncer à ses échanges avec l'Amérique… D'ores et déjà, le régime des sanctions a été rétabli et on s'attend à une mesure de renforcement pour le mois de novembre : c'est la politique de la « pression maximale ». Devant ses homologues, le président américain a appelé les pays membres de l'ONU à le rejoindre dans cet effort d'isolement de l'Iran : « Nous demandons à toutes les nations d'isoler le régime iranien tant que son agression se poursuit (…) et de soutenir le peuple iranien ». Notons que cette politique de la pression maximale n'a pas empêché l'administration américaine d'inviter Téhéran, de façon plus ou moins informelle, à de nouvelles négociations. Lorsque le président iranien prendra la parole quelques moments plus tard, en fustigeant la position américaine sans mâcher ses mots, il fera remarquer non sans ironie qu'il y a un problème de cohérence de la part des Américains à vouloir relancer des négociations avec un pouvoir qu'ils cherchent par ailleurs à renverser et qu'ils traitent de corrompu et d'oppresseur : «Il est paradoxal que les Etats-Unis ne cherchent même pas à cacher leur plan visant à renverser le gouvernement alors même qu'ils invitent à des pourparlers», a lancé Hassan Rohani ! Mais, avant cela, le président iranien s'était tourné vers les organes dirigeants de l'ONU en attirant leur attention sur la gravité qu'il y avait à rompre des accords signés sous l'autorité et la bénédiction de l'organisation internationale. Il a dénoncé le précédent d'un pays qui en accuse un autre alors qu'il est lui-même en faute : il ne se contente pas d'être en faute, fait remarquer le président iranien, il cherche à entraîner les autres dans ses agissements qui font fi de la parole donnée, du respect des engagements autant que de l'institution onusienne. Macron en franc-tireur Mais ceux qui ont suivi avec attention les débats de cette première journée ont sans doute remarqué qu'à côté de ce duel très frontal entre les président américain et iranien, un autre s'est invité dans l'enceinte de l'ONU qui, pour être moins direct et brutal, n'en était pas moins réel tout en se situant davantage au niveau des principes généraux. Le président français n'a, à notre connaissance, pas une seule fois nommé le président américain. Mais en fustigeant l'unilatéralisme et la loi du plus fort, en appelant à reconstruire un multilatéralisme débarrassé de ses tares et remis au goût du jour, en invitant les membres des Nations Unis à se pencher ensemble sur les problèmes des inégalités, des menaces environnementales ou à s'unir pour répondre au défi de l'éducation en Afrique ou ailleurs, c'est Donald Trump qui était implicitement dans son viseur, avec sa politique de repli et de déni des injustices existantes dans le monde, avec son idéologie de patriotisme égoïste qui ne fait que préparer les conflits de demain. Et c'est encore au président américain que, manifestement, il pensait lorsqu'il a rappelé aux présents que c'est grâce aux génocides du passé qu'ils étaient rassemblés ce jour, alors que ces génocides ont été rendus possibles, rappelle-t-il, par ce qu'il appelle des « succès d'estrade que nous applaudissons »… Qui sont, dans le passé, les auteurs de ces succès d'estrade que l'approbation des foules a poussés à commettre des génocides ? On pense naturellement à Adolf Hitler… Trump, qui n'est pas nommé, est comparé à Hitler, lui qui défait chaque jour l'édifice des Nations unies en en déchirant chaque jour les pages ! Bref, les fleurets sont mouchetés, mais d'autant plus assassins, est-on tentés de penser.