Anéanti par le but de l'avant-centre algérien du Stade Tunisien, l'ancien gardien de but de l'EST, du CSS et de l'ASM a vu sa carrière basculer de nouveau, loin du Parc B, là où il a tout appris, mais où il s'est senti abandonné à deux reprises. Le destin a voulu qu'il rebondisse du côté de Sfax. Depuis, il fut adopté par toute une région et pas seulement le CSS Il fait partie des footballeurs qui n'ont pas eu la carrière dont ils rêvaient. Pourtant, tout semblait avoir bien commencé pour lui dans les catégories jeunes à l'Espérance Sportive de Tunis, son club de cœur, où, paradoxalement, il n'a pas eu sa chance. Quand il parle de l'Espérance de Tunis, c'est un sentiment mitigé qui l'habite : «J'ai grandi à Bab El Khadhra. J'ai des amis d'enfance qui sont nés et ont grandi à Bab Laassal. Depuis mon jeune âge et avant que je me mette au football, j'étais un fervent supporter de l'EST. Avec mes amis d'enfance, nous allions au stade pour encourager l'Espérance de Tunis. C'est mon club de cœur sauf que, quand j'en ai eu besoin, l'Espérance de Tunis m'a tourné le dos à deux reprises», nous a confié avec amertume Naceur Bédoui. Celui qui a grandi et traîné tout jeune dans les quartiers de Bab Khadhra et Bab Laassal et a porté dans les gènes l'amour de l'Espérance Sportive de Tunis a rêvé de porter son maillot. Un rêve concrétisé dans les catégories jeunes jusqu'au jour où le staff technique devait choisir qui des gardiens de but issus de la catégorie espoirs allait accéder à la catégorie seniors. Alors que Naceur Chouchane et Mohsen Rajhi étaient aux premières loges, on lui a préféré Saifallah Kharroubi. C'était en 1984. On lui a demandé de retourner chez les espoirs ou rester sans club deux ans durant. Les règlements sportifs stipulaient ainsi. «Je dois ma carrière à l'ASM» Naceur Bédoui a choisi une troisième voie : «Mon frère connaissant feu Jalel Gherab, j'ai intégré les rangs de l'Avenir Sportif de La Marsa de 1984 à 1986 sans y avoir joué un seul match. Ali Selmi alors entraîneur et Ferjani Derouiche, l'entraîneur des gardiens de l'époque, m'ont pris sous leur aile. Je prenais le bus de la ligne 20. J'allais au stade Abdelaziz-Chtioui pour m'entraîner seulement. C'est parce que l'EST avait refusé de me céder. Après deux ans durant lesquels je me suis contenté d'entraînements, j'ai pu disputer ma première saison sous les couleurs marsoises. Ce fut lors de la saison 1986/1987. J'avais 21 ans», nous a raconté Naceur Bédoui, avant d'enchaîner par une réponse : «A votre question quel club portez-vous dans votre cœur, je répondrai que je porterai un amour inconditionnel à l'Avenir Sportif de La Marsa, un club qui m'a ramassé de la rue. L'Avenir m'a adopté. Je lui dois ma carrière. Je lui serai toujours reconnaissant. C'est un club que j'ai appris à aimer senior alors que j'ai grandi au Parc Hassen-Belkhodja». Et l'Espérance Sportive de Tunis dans tout cela ? De la rancœur, notre interlocuteur avoue que ce sentiment l'habite malgré lui : «Ce que j'éprouve envers l'Espérance Sportive de Tunis, mon club de toujours, c'est un sentiment mitigé. Je me sens doublement trahi par le club où j'ai grandi, où j'ai tout appris. Une première fois dans la catégorie espoir quand on m'a préféré Seifallah Kharroubi et on m'a pas laissé aller jouer ailleurs et une deuxième fois quand je suis revenu plus tard au Parc B en 1993 ». «J'ai failli en venir aux mains avec Chokri El Ouaer» De retour au Parc B, Naceur Bédoui devait faire de l'ombre à Chokri El Ouaer. Sauf que le destin lui a réservé un malheureux épisode : «Tout semblait aller pour le mieux pour moi. Je pensais que j'allais prendre ma revanche jusqu'au match de championnat contre le Stade Tunisien. Une balle mal dégagée et Rachid Rahmouni d'en profiter pour mettre le ballon dans les filets. Un but qui a constitué le tournant de ma carrière. J'étais anéanti non pas parce que je n'ai pas pu rebondir par la suite, mais parce que ce but m'a empêché de faire la carrière que je voulais à l'Espérance Sportive de Tunis. Chokri El Ouaer a été le grand gagnant dans cette affaire. Mes rapports se sont dégradés avec lui et, un jour, nous avons failli en venir aux mains lors d'une séance d'entraînement. Il m'a fait de l'ombre aussi en l'Equipe nationale. Pourtant, j'étais international avant lui. Il y a quatre ans, nous nous sommes revus et nous avons enterré la hache de guerre». L'enfant adoptif du CSS Le destin a voulu que Naceur Bédoui rebondisse du côté de Sfax : «Ce n'était pas programmé. Un jour, je suis revenu à la maison. Aziz Ben Abdallah m'a laissé ses coordonnées sur un papier. Je l'ai contacté. Il m'a proposé de rejoindre les rangs du CSS. J'ai demandé à réfléchir. Je me suis renseigné sur les gardiens de but qui étaient à Sfax. Je ne voulais surtout pas que quelqu'un me fasse de nouveau de l'ombre. Et ça a marché comme sur des roulettes pour moi. J'étais adopté dans un premier temps par le CSS. J'ai fait enfin la belle carrière dont j'ai toujours rêvé. J'ai disputé des demi-finales, des finales de Coupe de Tunisie. J'ai remporté des titres nationaux et continentaux, en tant que joueur puis comme responsable. Mon parcours au CSS fut une totale réussite. Je remercie Slah Zahhaf, Lotfi Abdennadher et tous les dirigeants du CSS qui m'ont fait confiance. Pendant cinq ans d'affilée, j'étais président de la section de football du CSS. J'ai été désigné plus tard comme directeur sportif. Là aussi, rien ne présageait au départ que j'allais devenir dirigeant au CSS. Au début des années 2000, Rachid Karray, alors président de la section football, s'est retiré pour des raisons personnelles. J'ai pris l'intérim pendant quatre mois et au vu de la qualité de mon travail, le bureau directeur m'a confirmé dans mon poste. J'ai été adopté par la suite par toute la région de Sfax. J'ai commencé par un projet à Skhira. Depuis, j'ai fait des affaires à Sfax. Pour conclure, je dirai que je reproche à l'EST de m'avoir tourné le dos à deux reprises, que je dois ma carrière à l'ASM qui m'a permis de tenir au moment où même mes proches ne croyaient plus en moi. Enfin, j'ai beaucoup d'estime et d'affection pour le CSS et pour les Sfaxiens qui m'ont adopté ».