Rares sont les gardiens de but tunisiens qui ont exercé en dehors du pays. A l'exception de Chokri El Ouaer et Boumnijel, Khaled Fadhel, l'ex-portier international du CA et du CSS, a aussi évolué durant trois saisons en Turquie. Capé à plusieurs reprises (Coupe des Confédérations en 2005, CAN 2004 et j'en passe), mais aussi victime d'un destin capricieux, ce pur produit du club de Bab Jedid a fait toutes ses classes au CA. Durant 15 ans, il s'est illustré non seulement par son talent mais aussi par sa correction et son professionnalisme. L'on dit souvent que nul n'est prophète en son pays. Fadhel a eu des moments difficiles au CA et a été injustement traité par là même. Avant d'opter pour le CSS, il a dû prendre son mal en patience le temps d'une saison durant laquelle ce sportif exemplaire a gardé la foi et une rigueur propre aux grands champions. Il nous parle de son parcours, de ses moments forts et des périodes creuses : «Je me suis fait un nom sur la scène en début d'hiver 1997 lors du choc CA-CSS. Ce jour-là, j'ai relevé Boubaker Zitouni et j'ai réussi mon coup comme on dit. Nous avons gagné et j'ai brillé. Ce qui m'a valu un satisfecit général. Ce n'était même pas évident de jouer sachant qu'il y avait de la concurrence à ce poste avec la présence de Khaled Maghzaoui et Adel Hammami. A ce jour, j'en garde un souvenir saisissant. Bien entendu, ce n'était pas mon baptême du feu avec les séniors. J'ai signé mes débuts avec l'équipe A en 1996 face au Stade Soussien. Pour aborder une parenthèse extra-sportive, je dois forcément remercier les présidents du CA qui m'ont soutenu dans mes études universitaires. Si j'ai pu obtenir une maîtrise, c'est grâce à la sollicitude et la bienveillance de feu Cherif Bellamine, Said Néji, Hammouda Ben Ammar. Le CA est bel et bien une école de la vie où des perspectives s'offrent à vous. Certes, lors de l'alternance entre Bellamine et Ferid Abbès, mon plan de carrière et un litige d'ordre financier n'ont pas été bien accueillis par les tenants clubistes. Mais si j'ai choisi de m'investir dans les études en décrochant par la suite une maîtrise en commerce international, j'ai toujours fait la part des choses avec mon club de cœur. Présence, assiduité et persévérance à l'entraînement, voilà mon credo. Je n'ai jamais demandé des aménagements d'horaire ou quoi que ce soit. Malheureusement, en raison d'une brouille d'ordre pécuniaire, j'ai été écarté, puis quelque peu banni. J'en garde un souvenir amer. Dommage, car j'ai toujours été un capitaine modèle. A titre d'exemple, dès qu'un nouveau pensionnaire débarquait au Parc A, on me choisissait pour mentor de circonstance et compagnon de chambre, et ce, afin qu'il s'imprègne des valeurs clubistes. Pour revenir à cette saison noire, et outre le fait qu'on me devait 18 salaires et 280 000 dinars de prime de signature, j'ai pris mon mal en patience et abordé cette traversée du désert sans me démobiliser. Le salut est en nous. En juin 2001, Sami Trabelsi me sort de cette mauvaise passe. Lotfi Abdennadher finit par me convaincre aussi. Au CSS, l'expérience a été exaltante. La troisième année de contrat a été particulièrement riche en succès. Nous avons remporté la Coupe arabe à Beyrouth en battant le Zamalek en demi-finale et Al Ismailia en finale. Tout s'enchaînait pour moi vu que j'ai été élu meilleur gardien du tournoi. Nous étions bénis et conquérants. Tarak Tayeb faisait vibrer les fans par sa technique. Je m'activais à relever correctement Naceur Bedoui dans les buts. Et, notre coach, l'Allemand Otto Pfister redoublait de persévérance pour nous mener à bon port. Quant à l'entraîneur des gardiens, Tarak Abdelhalim, actuel coach des portiers de la sélection, son message passait comme une lettre à la poste. Avec Mokhtar Naïli et Tarak Abdelhalim, j'ai eu la chance de côtoyer de grands gardiens et d'excellents encadreurs. Je leur suis redevable pour tout ce qu'ils m'ont apporté». «La CAN 2004, un souvenir impérissable» «Pour revenir au CSS, et avec l'avènement de Slah Zahaf, un désaccord d'ordre temporel (sur la durée de ma reconduction) a précipité mon départ. Le président voulait que je rempile pour deux ans. Je voulais prolonger d'une année. Et en 2004, j'opte pour la Ligue turque et le club de Dyarbakir. Par la suite, je me suis engagé avec Kayserispor. Pour information, j'ai été élu 3e meilleur gardien de Turquie lors de ma première saison. Puis, de retour en mère patrie, je rallie l'USM, un grand club. J'ai par là-même découvert de nouveau toute la différence entre le régime dit professionnel de notre championnat et celui des autres nations. Bref, ce régime lèse fortement les joueurs qui ne sont pas encore assez bien protégés. Volet souvenir, et j'en est à la pelle, je me remémore surtout l'apogée du football tunisien en ces temps-là avec la conquête du Grâal continentale, la CAN 2004. Nous étions des soldats et notre coach Roger Lemerre, un général. Cet homme est un meneur, un adepte de la discipline au sens strict du terme. Il est aussi humain. Mais seulement en période de relâchement. Et dire qu'on a mis fin à sa mission pour des considérations d'ordre financier. Sauf qu'on a peut-être oublié qu'il a été champion du monde (en tant qu'adjoint de Jacquet ) et champion d'Europe. Je me rappelle qu'en 2006 (période de la CAN ), on m'a préféré Hamdi Kasraoui. J'ai fait l'erreur de demander des explications. Et, j'ai payé cash ! J'aillais opté en ces temps-là pour Besiktas qui n'a pas relancé. Voilà pour le volet carrière et ses intrigues. Sinon, j'ai toujours été fan du Danois Peter Schmeichel et de la légende Attouga. Volet métier, si je n'avais pas été sportif, j'aurais aimé embrassé une carrière de militaire. Pour revenir aux gardiens tunisiens, actuellement, les portiers du Big-four sont les meilleurs. A l'avenir, j'aimerais bien me retremper dans le monde du sport-roi, mais pas en tant que coach des gardiens. Je me vois plus à un poste de décision ou de conseiller pour rétablir certaines valeurs propres au football. C'est ahurissant ce que notre microcosme sportif manque de fair-play de nos jours. L'on doit réformer, sensibiliser et informer. C'est une question d'éducation et d'éthique avant tout. Enfin, je n'oublierais jamais les éducateurs que j'ai eu la chance de côtoyer durant ma jeunesse. Gouchi, Troudi, Mokhtar Naïli, Mrad Hamza, Wajdi Essid, Malouche, Radulescu, Hadj Abdelaziz, Raouf Ismail, Blaut, Amor Amri, Exbrayat, Piechniczek et Faouzi Benzarti. J'ai gardé aussi de solides amitiés avec mes amis footballeurs. Avec Riadh Bouazizi, «my best friend» Badra, Limam, Berrebat, Mhadhebi et Jaballah, on se voit régulièrement même si nos occupations professionnelles ne nous laissent pas beaucoup de temps».