Aujourd'hui, l'invité de notre rubrique «Souvenirs, souvenirs» est Hamadi Béhi, l'ancien milieu de terrain du Stade Tunisien dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Ce joueur talentueux n'était pas très médiatisé car il était de caractère réservé. Il est un des témoins de l'âge d'or de notre football. Ses souvenirs sont à même de raviver en nous quelques-uns des moments forts et pleins d'enseignements, touchant au moins deux générations de footballeurs du club du Bardo. Interrogé de prime abord sur la situation confortable du Stade Tunisien actuellement en championnat national, Hamadi Béhi a jovialement manifesté son réconfort en soulignant que «le Stade Tunisien qui est un club de gloire mérite un tel sort. Cela donne du baume au cœur après ces longues années d'errance et de déconvenues. Pourvu que ça continue et que la barque stadiste soit conduite à bon port au terme de la compétition». Tout comme Abada, Moussa, Néjib Ghommidh et d'autres valeureux joueurs, Hamadi Béhi a été formé à la Jeunesse Sportive Omranienne. Ce petit club de la capitale ainsi que le PST, l'UST en l'US Maghrébine étaient des pépinières et des antichambres dans lesquelles puisaient les clubs nantis comme l'EST, le CA et le ST. Et si les coéquipiers de Hamadi avaient choisi d'autres destinations quand ils ont commencé à briller avec l'idée d'améliorer leur situation sociale, lui il a opté pour le Stade Tunisien, son équipe du cœur. Il l'a fait sans tergiversation et sans calcul. «En effet, en 1973, quand j'avais à peine 19 ans, j'avais la possibilité de jouer pour le CA ou l'EST, mais je ne m'imaginais pas porter un maillot autre que celui de la «Baklawa» que je chérissais tant». «De Abdallah à Ben Jaballah» C'est ainsi que l'aventure de Hamadi Béhi a démarré en 1973 avec le ST pour s'étaler sur une période de treize bonnes années sans interruption. «Je suis peut-être le seul joueur de ma génération à avoir fait montre d'une assiduité et d'une régularité sans la moindre faille tout au long de ma carrière. C'est d'ailleurs ce qui m'a valu l'amour et le respect de la large famille stadiste ainsi que le capitanat de mon équipe pendant de longues années. Il m'est arrivé deux fois de suite d'arriver à l'entraînement avec un peu de retard pour des raisons indépendantes de ma volonté. C'était sous la houlette de l'illustre André Nagy. Ce grand homme me l'a toléré sans dire un mot alors qu'il ne l'a jamais pardonné à mes coéquipiers. C'était parce qu'il connaissait parfaitement mon sérieux et ma ponctualité qui ont plaidé en ma faveur». En passant en revue les nombreuses photos de souvenirs avec Hamadi Béhi, il nous a été donné de constater que plusieurs fois l'équipe du Stade Tunisien changeait complètement à l'exception de ce dernier qui restait immuable sur au moins deux générations. Et Hamadi de nous éclairer davantage à ce propos : «Je ne prétends pas être le meilleur joueur ou la pièce maîtresse dont on ne pouvait pas se passer facilement. C'est plutôt le résultat logique de l'abnégation, de l'application et de l'autodiscipline. Et dire qu'il y avait beaucoup de joueurs comme moi, même si on était à l'époque de l'amateurisme. La régularité était le maître mot chez beaucoup de joueurs de ma génération. Ma régularité m'a permis de côtoyer des gloires stadistes comme feu Abdallah Trabelsi, Ahmed Mghirbi, Ezzeddine Bazdah, jusqu'à Jamel Limam, en passant par Naceur Kerrit, Néjib Limam, Abdelhamid Hergal et tous les autres joueurs des différentes vagues». «Naceur Kerrit au-dessus du lot» Notre interlocuteur était donc une sorte de mémoire vivante d'une longue période de l'histoire du grand club du Bardo. Interrogé sur la qualité et la valeur intrinsèque des joueurs stadistes qui ont marqué d'une pierre blanche l'histoire du football tunisien en général et stadiste en particulier, l'ex-pivot du ST et de l'équipe nationale s'est désisté quant à établir une liste par peur d'oublier injustement quelques noms. «La liste est trop longue pour être intégralement établie. Le Stade Tunisien, ce grand club formateur de talents, a toujours été fécond en footballeurs de renom ayant appartenu à l'élite nationale et que tout le monde connaît. Mais pour moi, le nom qui mérite une mention spéciale est celui de Naceur Kerrit qui est l'une des grandes exceptions du football tunisien. Sa technique, ses dribbles, sa vitesse, ses centres millimétrés et ses buts sont, à mon avis, une référence et une source d'inspiration pour les jeunes désireux de devenir de vrais ailiers de débordement comme il n'y en a plus de nos jours». «Le Stade Tunisien, c'est feu Hédi Enneifer» Quand le Stade Tunisien avait connu le purgatoire de la relégation, il y a quelques années, Hamadi Béhi a eu un grand bleu à l'âme. «Même à l'époque de la longue disette qui s'est étalée sur un long bail depuis la fin des années soixante, le Stade Tunisien était toujours une bonne équipe qui imposait le respect et qui arrivait très souvent à damer le pion aux grands EST, CA, ESS et autres CSS. C'était du temps où l'argent n'était pas la seule clé de réussite comme c'est le cas aujourd'hui. Le Stade Tunisien a commencé à porter sa croix après le décès de feu Hédi Enneifer qui était à mon humble avis le père du club du Bardo et toute son âme. Toute la famille stadiste en était devenue orpheline. C'est dire l'énorme rayonnement de cet homme dont bénéficiait sa deuxième famille,le Stade Tunisien». Mais le Stade Tunisien renaît de ses cendres cette saison et caracole en haut du classement du championnat national. Qu'en pense ce vrai Stadiste nostalgique du bon vieux temps? «Je suis très heureux de voir mon club rivaliser de nouveau avec les grands malgré ses moyens financiers très limités. J'espère que cette situation se poursuivra jusqu'à la fin de la saison et pour le futur. Mais franchement, je ne vous cache pas mon appréhension d'un effondrement qui sera essentiellement dû à la «petitesse» des moyens du club. C'est pourquoi j'en appelle à l'union et au soutien de toute la famille stadiste. Et le plus important serait la réconciliation générale et l'implication de tous les anciens du club à la consolidation de la renaissance de la "Baklawa"».