Jérémie Pellet d'Expertise France en Tunisie : Construire ensemble une Méditerranée plus résiliente, inclusive et durable    Lancement du projet WATANI : 5 millions d'euros pour dynamiser l'entrepreneuriat en Tunisie    Ooredoo Tunisie décroche le 1er Prix aux HR Awards Tunisie 2025    Epson lance ses journées spéciales de fin d'année en Tunisie    Le Prix «Bank of the Year» une autre distinction pour la BT en 2025    Abdellaziz Ben-Jebria: L'Univers énigmatique des Amish    Adapter l'enseignement supérieur tunisien à la génération Z: pratiques pédagogiques innovantes en management    Première Tunisienne et seule arabe dans le programme FIA Girls on Track 2025    Où regarder tous les matchs de la Coupe d'Afrique des Nations 2025 ?    Tunisie : Réduction du coût des lunettes médicales pour les citoyens    Bonne nouvelle pour les Tunisiens : le poulet devient moins cher à l'approche du Nouvel An    Choc à Hollywood : Rob Reiner et son épouse retrouvés morts    Tunisie 2026 : allègement des droits de douane pour certaines voitures    Pluies orageuses et vents forts : un lundi sous haute vigilance météo    Football tunisien : la Fédération fixe la date du tour préliminaire 2025-2026    Mort de Peter Greene : L'acteur des rôles cultes nous quitte à 60 ans    Slaheddine Belaïd: Requiem pour la défunte UMA    Le producteur Abdelaziz Ben Mlouka célébré par les JCC 2025 : Un grand professionnel, et une âme très généreuse (Album photos)    La loi de finances 2026 officiellement publiée au Journal Officiel    L'appel du Sud : le voyage gourmand de Malek Labidi dans La Table du Sud    Programme JCC 2025 : salles et horaires des films et où acheter les billets de la 36ème session des JCC    Kairouan : début des travaux du nouvel hôpital universitaire Roi Salman Ibn Abdelaziz    La Cheffe du gouvernement : Le développement des zones frontalières, une priorité commune entre la Tunisie et l'Algérie    Arnaques en ligne en Afrique : une menace en pleine expansion    Hommage à Amor Toumi: une vie dédiée à la pharmacie, à la santé publique et à l'action internationale    Météo en Tunisie : temps brumeux, pluies éparses la nuit    Dar Ben Abbes: Une résidence d'artistes inspirante à Téboursouk    Mohamed Heni El Kadri : Pour une gouvernance moderne appuyée par la recherche économique    LEBRIDGE25 – Tunis : un événement pour connecter startups, entreprises et investisseurs    Hommage à Salem Loukil: La gestion par les valeurs... et le sourire    Météo en Tunisie : temps brumeux le matin et pluies éparses    Comment se présente la stratégie américaine de sécurité nationale 2025    Titre    Tunisie 2027 : Capitale arabe du tourisme et vitrine du patrimoine    La Chute de la Françafrique: Comment Paris a perdu son Empire Informel    Décès soudain de l'ambassadeur russe en Corée du Nord    Un séisme de magnitude 5,8 frappe la Turquie    Le palais Ahmed bey à la Marsa célèbre le nouveau livre de Mohamed-El Aziz Ben Achour : La médina (Album photos)    Match Tunisie vs Qatar : où regarder le match de Coupe Arabe Qatar 2025 du 07 décembre?    JCC 2025, la Palestine au coeur des journées cinématographiques de Carthage : jury, hommages et engagements    Match Tunisie vs Palestine : où regarder le match de Coupe Arabe Qatar 2025 du 04 décembre?    La sélection tunisienne féminine de handball marque l'histoire : 1ère qualification au tour principal Mondial 2025    Des élections au Comité olympique tunisien    La Poste Tunisienne émet des timbres-poste dédiés aux plantes de Tunisie    Sonia Dahmani libre ! Le SNJT renouvèle sa demande de libération des journalistes Chadha Haj Mbarek, Mourad Zghidi et Bourhen Bssaies    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Attention talent !
Le roman polyphonique d'Aminata Aïdara
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 11 - 2018

Elle est italo-sénégalaise, elle partage sa vie entre Paris, Dakar et Rome. Anthropologue, organisatrice d'événements culturels, mais avant tout écrivain, elle vient de publier un remarquable premier roman, aussi lyrique qu'intelligent.
Je suis quelqu'un est le premier roman d'Aminata Aïdara. Ce n'est pas un roman comme les autres. Est-ce vraiment un roman ? Sans doute pas dans le sens que donnaient à ce genre Balzac ou Dickens. Le roman d'Aïdara est plus proche du «stream of consciousness» à la Joyce qui, à travers le déroulement d'une pensée spontanée, charriant les dérélictions et les insécurités du quotidien, remonte à la source de la conscience. Celle de l'auteur, mais généreusement fictionnalisée en partant de sa condition de femme métisse, plurielle, riche de sa double culture qui est aussi une douleur, une souffrance.
Née de père sénégalais et de mère italienne, la jeune romancière a grandi en Italie. «Il y avait dans la maison beaucoup d'affection et beaucoup de livres, car mon grand-père italien était un grand lecteur, ma mère aussi», raconte-t-elle. La lecture est dans le sang et comme de la lecture à l'écriture, il n'y a qu'un pas, elle l'a franchi allègrement en publiant ses premiers poèmes à l'âge de 14 ans.
Or, si la jeune femme est entrée dans la littérature par les portes de la poésie, les premiers livres qu'elle publie sont en prose: un recueil de nouvelles en italien en 2014 La ragazza dal cuore di carta («La fille au cœur du papier»), puis ce beau roman Je suis quelqu'un, qui relève autant de la saga familiale que de la quête de soi à travers une multitude de signes et de songes postcoloniaux.
De lourds secrets familiaux
«J'écris comme dans un rêve», aime dire la primo-romancière. Tout commence dans ce récit par un rêve, un souvenir d'enfance. La protagoniste se souvient d'avoir entr'aperçu, une nuit, deux nourrissons dans la vaste maison familiale de Dakar où elle a grandi, entourée de ses sœurs, de sa mère et de ses grands-parents. Toute sa vie, Estelle a été hantée par ce souvenir, mais chez elle, il ne sera plus jamais question de nourrisson. Jusqu'au jour où, le jour de ses 26 ans, son père lui révèle l'existence du «fils illégitime de sa mère, mort dans son berceau.
«Quelque part à Paris, une fille appelée Estelle rencontre son père. En le regardant s'approcher, le visage fermé, elle comprend qu'il n'y aura pas de cadeau d'anniversaire. (…) Avant de rentrer dans le bar, les deux se sourient à peine. Ils se font la bise. Son père inspire profondément et, sans aucun "comment tu vas" ou "comment je vais", il annonce : «Ta mère a eu le courage de me faire un enfant dans le dos. Avec un autre homme. Et certainement…». C'est ainsi que commence le livre d'Aminata Aïdara, in medias res, bruissant de lourds secrets familiaux dont le lent éclaircissement constitue le fil d'Ariane de son intrigue.
Tiraillés entre ici et ailleurs
Si le récit familial tient une place importante dans Je suis quelqu'un, il serait injuste de réduire ce livre à cette seule composante de son intrigue. Le dévoilement du secret est un prétexte pour Aminata Aïdara de raconter la complexité du monde contemporain qu'incarnent à merveille ses personnages principaux.
Le récit est bâti autour des pérégrinations d'Estelle. Paumée, tiraillée entre le monde traditionnel et celui des cités sans foi ni loi de Paris, elle va de squat en squat à la recherche d'une paix intérieure introuvable. Son désarroi, elle l'exprime à travers des «délires» cathartiques qui constituent les plus belles pages de ce roman poétique, quasi-rimbaldien.
Les soliloques de la jeune protagoniste se lisent comme autant de textes de poésie urbaine rythmés par le refrain «Je suis quelqu'un». «Je suis quelqu'un qui ne porte pas de masque : maintenant j'ai vingt-six ans, plus proche des trente que des vingt. C'est comme ça. Je suis aussi quelqu'un qui n'a pas la moindre intention de prendre une direction, sauf celle que chaque jour lui donnera envie de suivre. Une fille qui est destinée à éviter que le volume de son Mp3 se fixe sur le numéro vingt-six. Qui n'arrivera pas à fréquenter un mec plus de vingt-six jours. Qui enfoncera la tête dans le coussin vingt-cinq ou vingt-sept fois en évitant le pire de cet âge traître. Vingt-six fois piégée…».
Penda, sa mère, occupe une place fondamentale dans la vie d'Estelle. Généreuse, cultivée, secrète, mais piégée elle aussi par sa condition de migrante. Réduite à travailler comme femme de ménage dans un lycée professionnel à Clichy, elle se console en se jetant à corps perdu dans la lecture de Frantz Fanon, son maître à penser. Elle s'appuie sur la réflexion de l'auteur de Peau noire, masques blancs sur la condition du colonisé pour déchiffrer la grammaire du couple disruptif qu'elle forme avec Eric, son amant et fils de harki inconsolé. Dans la galerie des personnages convoqués par Aïdara pour dire son monde, il y a enfin Mansour, le petit cousin fragile d'Estelle, Cindy, une Africaine-Américaine, la grand-mère maternelle Ichir qu'on soupçonne d'être un peu sorcière, mais qui détient les clefs du secret familial obsédant… Tous des personnages complexes, profonds, tout sauf manichéens.
L'originalité de ce roman réside aussi dans sa structure fragmentaire. L'auteure a fait le choix d'un récit polyphonique où les voix et les points de vue s'additionnent pour dire le monde. Des SMS, des courriels, des lettres et des extraits de journaux intimes viennent interrompre le monologue d'Estelle. Loin de perturber notre lecture, cette pluralité de voix fait résonner avec une force redoublée l'anaphore identitaire qui scande le récit, dès le titre. C'est bien la preuve, sans doute, qu'Aminata Aïdara est «quelqu'un» dont il faudra désormais retenir le nom.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.