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Les livres coups de cœur de l'année 2017
Littérature
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 01 - 2018

Vernon Subutex, Une bouche sans personne, L'ordre du jour, Le mari de mon frère et bien d'autres... En bouclant l'année 2017, les journalistes de la rédaction Nouveaux Médias de RFI reviennent sur les lectures qui les ont marqués en 2017. De l'essai au récit historique, en passant par la revue littéraire, le roman ou encore la bande dessinée, petit tour d'horizon.
Une bouche sans personne de Gilles Marchand
Un comptable, pour oublier ses monotones journées, partage ses soirées avec des inconnus dans un bar de quartier. «J'ai un poème et une cicatrice», tel est le début du roman. La cicatrice qui le défigure demeure cachée par une écharpe, quant au poème, il se révèle au rythme de la lecture. Ecrit dans une singulière brume, un peu de Bartleby de Melville, du Boris Vian, beaucoup d'autodérision, l'auteur prend le temps de dévoiler au fur et à mesure des soirées qui se suivent le parcours étonnant de cet homme. On ne peut toutefois rien révéler, juste qu'on est suspendu à ses lèvres, tout comme les curieux qui, chaque soir dans le bar, souhaitent découvrir la suite de son histoire poignante. Gilles Marchand a de réels talents de conteur. La structure narrative du roman est surprenante, son rythme (la musique y est importante) quasi répétitif devient lyrique et historique. Un premier roman édité par une maison d'édition plutôt spécialisée dans le fantastique, mais cette bouche sans personne n'est-elle pas fantastique ?
Vernon Subutex 3 de Virginie Despentes
Des mois que je l'attendais ! D'abord annoncé pour juin, puis pour décembre 2016, il n'est sorti qu'en mai 2017. Vernon Subutex 3 est l'ultime chapitre du formidable triptyque de Virginie Despentes, une hallucinante traversée de notre époque dont le personnage central — le Vernon Subutex en question — est un ancien disquaire. Victime des mutations dans l'industrie de la musique, il doit fermer son magasin parisien et finit SDF après avoir squatté chez plusieurs de ses connaissances. Clochard lunaire, il va envoûter par la grâce de ses talents de DJ toute une palanquée de disciples alors que, en filigrane, rôde la quête par des malfaisants d'une bande où figure la dernière interview d'Alex Bleach, star du rock mort d'une overdose, qui s'était confiée à Vernon juste avant son trépas (Volumes 1 et 2). Avec son écriture cash et trash, Despentes se livre à une analyse au scalpel de la France des années 2015 à travers une bonne vingtaine de personnages issus d'à peu près toutes les strates de la société qui se croisent et s'entrecroisent, en orbite autour de Subutex. Ce troisième volet ne déçoit pas et se termine encore plus mal qu'on aurait pu le supposer, même si, dans les deux derniers chapitres, Despentes se projette dans un avenir messianique qui n'était peut-être pas nécessaire. Peu importe, l'auteure tient fièrement le flambeau de cette école que l'on a baptisée «la littérature ultra-contemporaine» à laquelle on peut aussi associer, entre autres, Michel Houellebecq, Olivier Adam ou Aurélien Bellanger. Mais Despentes est clairement la plus punk du lot. Et peut-être la plus lucide.
L'ivresse du sergent Dida, d'Olivier Rogez
«Ce qui commence dans le mal s'affermit par le mal». Mis en exergue sur la page de garde de L'Ivresse du sergent Dida, ce vers de Shakespeare donne le ton du récit dense et sombre que l'on lit dans ces pages sous la plume d'Olivier Rogez. Journaliste spécialisé dans l'actualité africaine, l'écrivain a campé son roman dans l'Afrique des vingt dernières années, puisant son inspiration dans les soubresauts d'un continent en transition. Un coup d'Etat vient de bouleverser la fragilité institutionnelle dans un pays postcolonial, qui pourrait être la Guinée ou n'importe quel autre pays de l'Afrique occidentale. Le livre raconte les conséquences humaines et politiques de ce bouleversement attendu. Son héros est un aventurier, soucieux de prendre à bras-le-corps la réalité sociale en y imprimant la marque de son passage, avant de disparaître lui-même dans le néant de l'Histoire. Or, cette histoire, qui donne surtout à voir avec brio comment le pouvoir transforme les hommes, n'est pas propre à l'Afrique. Fils de Bonaparte et de Jules César, son héros est de tout temps et de tout espace : sa tentative idéaliste de refaire le monde en redistribuant les cartes est une entreprise fragile et néanmoins nécessaire pour échapper au désespoir de la routine. On lira aussi ce roman pour la qualité de son écriture qui vous fait tourner les pages goulûment pour découvrir vite la suite.
Le mari de mon frère, Tome 1, de Gengoroh Tagame
Sélection officielle du Festival de la bande dessinée d'Angoulême 2017, Le mari de mon frère nous plonge dans un drame familial. Yaichi, père célibataire, rencontre pour la première fois Mike. Venu du Canada, il est l'époux de son frère décédé. Face à ce gaijin (« étranger » en japonais) en quête des racines nipponnes de son défunt mari, et à la curiosité de sa fille, Yaichi va remettre en cause ses certitudes et ses a priori. Habitué au style homoérotique, le mangaka Gengoroh Tagame sort des sentiers battus et livre ici une œuvre sociale touchante et résolument humaniste. Sans jamais tomber dans la caricature, l'auteur dénonce la société japonaise aux aspects traditionalistes et prône, par le prisme de l'homosexualité, l'ouverture aux autres, la tolérance, mais aussi l'acceptation de soi. Une véritable leçon de vie.
Siècle 21, n°31, automne-hiver 2017
A côté des grands romans et autres publications volumineux, les revues et les magazines présentent un autre genre de littérature, cohérente et dynamique, plus synthétique. Un marché de niche très apprécié de lecteurs bien souvent érudits. La revue Siècle 21, fondée il y a 15 ans, s'est fixé pour objectif d'aborder les grandes questions de société et les genres littéraires du monde à travers la vision des écrivains de tous les pays et de toutes les époques. Ecrivains contemporains de New York, poètes syriens et turcs, romanciers italiens et anglais, prosateurs français, belges et albanais : le parcours et les horizons des auteurs sont variés. Traduits en français et en anglais, ils sont rassemblés en ce terreau favorable pour s'exprimer sur les couleurs de la vie, conter les traditions et le folklore de leur pays, développer leur philosophie en décortiquant les sujets d'actualité, ou encore défendre les principes et les valeurs qui leur tiennent à cœur. Dans les pages de la revue Siècle 21, on retrouve également des rubriques plus classiques : des chroniques («Le rien qui perce»), un focus sur un auteur contemporain («hors cadre»), des dossiers thématiques (une ville et ses écrivains célèbres ou non), des analyses sur les «points chauds» du globe, etc. Au fil des pages, le lecteur s'enrichira de citations qu'il aura faites siennes. Ces phrases que l'on aime découvrir au détour d'un dossier consacré à une littérature étrangère.
Steak Machine de Geoffrey Le Guilcher
«Il est presque plus facile de visiter un sous-marin nucléaire qu'un abattoir». Geoffrey Le Guilcher a bravé ce tabou dénoncé par le député Olivier Falorni. Il est entré dans un abattoir, en Bretagne, non comme journaliste, mais comme ouvrier. Il y a travaillé pendant six semaines. Son objectif : arriver à voir la tuerie, ce lieu si impopulaire, si protégé, si caché. Où les agissements cruels, parfois même illégaux, ont récemment été exposés par l'association L214. Dans un récit à la première personne, Geoffrey Le Guilcher montre plutôt qu'il n'explique. Il montre la rudesse de ce travail, des horaires, des relations humaines. Il montre que la violence faite aux animaux dans les abattoirs résulte davantage d'un système de production aussi lucratif qu'aberrant que de la cruauté humaine des travailleurs.
Mercy, Mary, Patty, de Lola Lafon
Sous les lettres majuscules du titre se dessine un visage : celui de Patricia Hearst, richissime héritière américaine kidnappée au milieu des années 1970 par un groupe anticapitaliste et révolutionnaire, et dont l'histoire a passionné l'Amérique. A l'époque, la jeunesse américaine compte ses amis morts au Vietnam et peine à trouver sa place dans une société raciste et réactionnaire. Dans ce contexte, «Patty» épouse les thèses de ses ravisseurs et se transforme en insurgée armée. Lavage de cerveau ou véritable révolution personnelle ? Ce livre à la narration étonnante, écrit à la deuxième personne du pluriel, se concentre sur le personnage de Gene Neveva, universitaire américaine chargée de faire un rapport pour défendre Patty lors de son procès. Dans un ouvrage poétique qui n'apporte ni jugement ni réponses, l'auteure de La Petite Communiste qui ne souriait jamais dessine tout en nuance le portrait d'une jeune fille que l'on a tour à tour qualifiée de marxiste terroriste, étudiante paumée et authentique révolutionnaire.
Petit pays de Gaël Faye
Pour ceux qui sont souvent déçus par les livres «prix littéraires», Petit pays fera une très bonne exception à la «règle». Prix Goncourt des Lycéens, ce roman, qui sent l'autobiographie, parle de Gabriel, héros du livre, de son enfance. D'abord de la belle. Celle de l'insouciance des 400 coups et des mille bêtises. Puis celle de l'horreur qui arrive sans crier gare. Pour montrer que la folie (meurtrière) rôde tout le temps autour de nous. Tout enfant africain a été un Gabriel, un moment de sa vie ; dans la joie ou la peur, dans l'opulence ou la misère. Servies avec un style très poétique, les descriptions romanesques et fleuries de Petit pays ne prennent jamais le pas sur le réalisme dur et choquant de ce premier roman qui rappelle l'Histoire mais s'inscrit également dans le présent. Et l'auteur le résume avec justesse : «J'ai écrit ce roman pour crier à l'univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu'à le rester avant d'être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d'exilés, de réfugiés, d'immigrés, de migrants».
Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, de Chimamanda Ngozi Adichie
Court, comme il se doit pour un manifeste, le nouvel essai de Chimamanda Ngozi Adichie est formidablement efficace. Ecrit pour une de ses amies qui venait d'être mère, Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe est un véritable bijou antisexiste, à mettre entre toutes les mains. En moins de cent pages, l'auteure de Nous sommes tous des féministes explique, tout en finesse, comment éduquer son enfant sans le réduire à son genre. L'écrivaine nigériane rappelle, en quinze «postulats féministes» bien sentis, que les femmes comptent autant que les hommes, dans tous les cas de figure. Qu'une fille a le droit de jouer comme elle veut, quitte à se rouler dans la boue. Qu'un père «n'aide pas» à élever son enfant, il participe équitablement à son éducation. Autant de leçons de vie applicables par toutes et tous, avec ou sans enfants.
L'ordre du jour, d'Eric Vuillard
Dans ce récit court mais enlevé, qui se lit d'une traite tant il est prenant, Eric Vuillard replace la petite histoire dans la grande en décrivant les mécanismes qui ont conduit à l'Anschluss vu du point de vue de ses principaux acteurs et témoins. Justement récompensée par un prix Goncourt, cette description des destins croisés pris dans le tourbillon des événements qui mèneront finalement à l'issue fatale de la guerre brille par sa profondeur psychologique et son écriture au fil de la plume. A ne pas manquer, la scène à la fois hilarante et grotesque où Ribbentrop, alors ambassadeur du Troisième Reich en Grande-Bretagne, est invité avec sa femme chez Neville Chamberlain et fait assez d'amabilités pour retarder la réponse de son hôte à l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. Où le lecteur découvre, ébahi, que le destin d'un pays et les événements sont parfois l'otage d'un dîner mondain et de l'excessive courtoisie britannique...


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