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«Se préparer aux effets néfastes des changements climatiques !» Abdourahman MAKI, fonctionnaire responsable Sols et Eaux au Bureau Sous-Régional de la FAO pour l'Afrique du Nord
Les changements climatiques sont causés par une concentration excessive de gaz à effet de serre, dont le carbone, dans l'atmosphère. Il est établi que la végétation contient 80% plus de carbone que l'atmosphère et les 30 cm superficiels de sols en contiennent près du double avec 680 milliards de tonnes. Abdourahman Maki, fonctionnaire sols et eaux au bureau sous-régional de la FAO (pour l'Afrique du Nord: SNE), a bien voulu répondre à nos questions au sujet des impacts des changements climatiques sur l'agriculture. Comment les changements climatiques impactent-ils la qualité des terres agricoles ? Tout d'abord il convient de préciser que la notion de terres définie par les Nations unies englobe les sols, la végétation, le climat proche de la surface, le relief et d'autres ressources naturelles. Si l'on considère la végétation et le sol, qui constituent des éléments primordiaux des terres, il faut distinguer l'impact des changements climatiques sur ces ressources, notamment à cause des changements des régimes pluviométriques et des séquences de température, de l'impact des sols et de la végétation sur les changements climatiques. Les changements climatiques sont causés par une concentration excessive des gaz à effet de serre, dont le carbone, dans l'atmosphère. Il est établi que la végétation contient 80% plus de carbone que l'atmosphère et les 30 cm superficiels de sols en contiennent près du double avec 680 milliards de tonnes. D'ailleurs, la dégradation du tiers des sols du globe et la déforestation ont déjà causé une énorme émission de carbone dans l'atmosphère. La restauration des sols dégradés pourrait retirer de l'atmosphère 63 milliards de tonnes de carbone, ce qui réduirait de façon significative les effets du changement climatique. Les changements climatiques impactent directement la qualité des terres agricole. Les changements des régimes pluviométriques et des normales saisonnières des températures perturbent les saisons de culture. L'eau emmagasinée dans les sols sert de source pour 90% de la production agricole mondiale et représente 65% des eaux douces totales. La rareté de l'eau liée au changement climatique et la surexploitation des ressources en terres provoquent une dégradation des terres agricoles. La dégradation des terres réduit la productivité et la sécurité alimentaire. Il est estimé que 52% des terres utilisées pour l'agriculture et 1,5 milliard de personnes au niveau global sont directement affectées par la dégradation. A l'échelle de la région Afrique du Nord et Proche-Orient, il est estimé que 45% des terres agricoles sont exposées à la salinisation, à l'épuisement des nutriments du sol et à l'érosion éolienne et hydraulique. Quelles sont les zones agricoles les plus touchées par les changements climatiques en Tunisie ? Les changements climatiques se traduisent par des effets directs sur les cultures et les écosystèmes, via l'augmentation de l'évapotranspiration et par des effets indirects via la baisse des ressources en eaux. Les observations récentes confirment les impacts du changement climatique, avec des baisses des apports dans les barrages qui dépassent 60% durant ces trois dernières années, marquées par un déficit pluviométrique élevé. La baisse de l'humidité des sols conjuguée à l'élévation de la température ont fragilisé l'agriculture pluviale et engendré des besoins en eau supplémentaires qu'il n'est pas toujours facile ou possible de satisfaire. Du fait de l'effet combiné des hausses du niveau marin et de la dépression du niveau des nappes souterraines, les zones côtières sont particulièrement vulnérables. L'élévation du niveau de la mer devrait conduire à la submersion de 17 % des zones basses littorales à vocation agricole d'ici la fin du siècle. Les épisodes pluviaux extrêmes qui devraient s'intensifier vont s'accompagner d'une érosion intense, provoquant un envasement plus rapide des retenues d'eau et donc une diminution du stock d'eau disponible mais aussi des pertes importantes en sols. Ces impacts seraient plus importants dans le nord du pays où sont situées 80% des ressources en eau déjà mobilisées, et au centre du pays qui constitue, avec le Nord, le grenier principal du pays. Les prévisions indiquent qu'à l'horizon 2050, la baisse des ressources en eau due au changement climatique pourrait atteindre 55%, dont 40% au niveau des eaux souterraines. Les études sur la filière huile d'olive en Tunisie soulignent l'état critique du secteur oléicole face aux impacts du changement climatique. L'extension de l'arboriculture (oliviers et amandiers principalement), à la limite des zones convenant à ce type de plantation, met en péril des pans entiers de l'arboriculture tunisienne. Les écosystèmes steppiques du centre et du sud du pays devraient voir leurs fonctions pastorales diminuer à cause de l'augmentation des températures. Comme vous pouvez le constater, les changements climatiques impactent toutes les zones du pays et affectent même la durabilité des systèmes oasiens du sud du pays. La dégradation des sols et l'amenuisement de l'eau des nappes phréatiques menacent les secteurs agricoles. Quelle politique faudrait-il adopter pour protéger les sols et s'adapter aux effets des changements climatiques ? C'est typiquement le défi d'aujourd'hui qui est de conjuguer la nécessité de produire plus de nourriture pour subvenir aux besoins croissants, la préservation des ressources en eaux et en sols qui s'amenuisent et les changements climatiques qui viennent perturber les processus traditionnels en place. La FAO promeut l'optimisation de la consommation des ressources à travers la productivité et l'efficience dans le secteur agricole. La productivité consiste à améliorer le volume de production agricole par unité de volume de sol ou volume d'eau exploitée. L'efficience d'utilisation de l'eau reflète la consommation d'eau par la plante par rapport à l'eau appliquée notamment par irrigation. L'optimisation nécessite la connaissance des cultures et de leurs besoins ainsi que l'état des ressources en sols et en eaux et les tendances. La recherche scientifique a toute sa place dans ce processus pour générer des connaissances et permettre le développement d'outils de planification. Le plus difficile est souvent la mise à disposition des avancées techniques et technologiques pour la prise de décision et leur utilisation effective par l'agriculteur, l'exploitant agricole, l'administration locale et centrale qui sont tous des décideurs à différentes échelles. La FAO œuvre à promouvoir des approches cohérentes de la gestion durable des terres et des eaux à l'échelle des exploitations agricoles et des pays. Dans cet esprit, l'agroécologie est un bon concept pour inspirer les politiques agricoles. L'agroécologie est une base sur laquelle les systèmes alimentaires peuvent évoluer de manière à devenir tout aussi solides aux plans environnemental, économique, social et agronomique. Elle consiste à appliquer les concepts et principes écologiques de manière à optimiser les interactions entre les végétaux, les animaux, les humains et l'environnement. Pour s'épanouir, l'agroécologie a besoin d'un environnement porteur, qui doit notamment englober des politiques, des investissements publics, des institutions et des priorités en matière de recherche qui soient adaptés.