«Artifice, Khamsa w khmis», une exposition regroupant les dernières œuvres de l'artiste peintre Mohamed Akacha à l'Espace Casabo à La Marsa. C'est une explosion de couleurs, de joie de vivre, d'humour tonitruant, de farces et attrapes. L'univers de Mohamed Akacha est jouissif. On sent tout de suite la bonne humeur partagée, et on se dit que rien de mauvais ne peut arriver à un tel personnage. On l'a connu dans sa période encre de chine, toute de minutie noir et blanc. Il en a gardé la manière de raconter des histoires tout autour de l'oeuvre, l'approche narrative apparemment sans queue ni tête, mais à l'examen toute de tête à queue, d'une logique construite, de clins d'œil en références, de sous- entendus en « suivez mon regard ». Dans l'espace de Casabo, qui se découvre récemment une vocation artistique, et qui nous offrait il y a peu une très belle exposition de meubles d'artistes, Akacha s'épanouit : à lui les grands espaces, les hautes cimaises, les reculs et perspectives. Saturée de couleurs, sa peinture a besoin d'avoir de l'air, de prendre du champ. Sandra Osmani qui le reçoit, le lui offre. L'exposition a le nom qui lui convient : Artifice. Celui d'un feu d'artifice, d'un jaillissement ininterrompu de slogans, de cris de ralliement, de palimpsestes, de messages codés ou d'expressions populaires. Mais aussi celui d'un art brut de décoffrage, sans sophistication ni fioritures, un art cash, qui va droit au but, et dit ce qu'il a à dire sans s'embarrasser de métaphysique L'hippocampe, l'aigle ou l'éléphant crient avec lui «Save the world !» «Saha ou bechfé » murmurent les damnés de la terre. « Mkhabel fi kobba» illustre son incompréhension d'un univers incompréhensible. Une chaise incrustée de cactus veut sûrement dire «Dégage», cependant qu'une bouteille de gaz entièrement peinte illustre «Le monde arabe». Mais aucun pathos là- dedans. Aucune tristesse, un peu de cynisme peut- être, de la dérision certainement, mais surtout beaucoup d'humour et de gaieté. Une façon de dire mieux vaut en rire qu'en pleurer. Une admiratrice anonyme signe un fort joli texte à lui consacré dans le catalogue de l'exposition. Nous allons égratigner sa modestie en nous offrant le plaisir de le reproduire. «Akacha danse, chante, jardine, brode, martèle, cuisine, aime, sort, désire, jubile et pleure. On dit qu'il dessine, qu'il peint, qu'il fait de l'art, voire de la philosophie. Akacha ressent, respire, et partage avec nous ce qu'il vit. Ses couleurs et ses personnages nous content la vie dans la cité, ses joies, ses malheurs, sa banalité, sa gloire et ses rumeurs. Les émotions de la rue deviennent des formes, dessinent des sourires, des rides ou encore des crânes dégarnis avant de se muer en ondes à l'ombre des lumières cathodiques qui les électrifient. Les angoisses se déclinent en rires qui se transforment en songes, puis en poésie d'images qui n'ont qu'un seul parti pris : Akacha ressent, respire et partage avec nous sans "Artifice" ce qu'il vit. Y a ceux qui disent que c'est du street art, du dripping, qu'il fait de l'art abstrait, voire même du graffiti. En fait, Akacha fait de l'Akachart, et c'est ce qui fait que ses œuvres sont en vie».