Par Dr Raoudha Gafrej* L'eau est la vie pour l'homme et toutes les créatures et les écosystèmes. Lors de la Journée mondiale de l'eau (10 décembre), des droits de l'homme et compte tenu de l'importance de la gestion des ressources en eau, de Katowice, lieu de la COP24 en Pologne, je lance un appel aux gouvernements des pays du monde entier pour prendre leurs responsabilités pour la mise en œuvre de l'Accord de Paris même si ce sont les Etats qui ont ratifié cet accord et non les gouvernements qui se sont succédé depuis. L'urgence est encore plus forte au niveau du gouvernement tunisien. La science à travers les lois de la physique et de la chimie permet de trouver les solutions pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Les technologies sont là et peuvent être utilisées pour s'adapter, pour changer les comportements et les modes de vie. Mais les scientifiques ne peuvent pas répondre si cela est faisable politiquement ou institutionnellement. Si le rapport du Groupe intergouvernemental des Experts sur le climat (GIEC) sur le 1,5°C n'a pas été approuvé lors de la COP24 dans sa première session technique des négociations, ni les résultats de l'Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM) par ailleurs, c'est qu'il y a un sérieux problème politique avec la Science qui normalement devrait guider le politique dans toutes ces activités. La question du changement climatique est fondamentalement une question d'eau: que l'on parle d'eau, d'énergie, d'alimentation ou de santé, on évoque automatiquement l'eau. Avec les changements climatiques, les dégâts seront énormes car ce sont les impacts cumulés sur la ressource qu'il faudra considérer et non les impacts en termes de baisse de pluviométrie (donc moins d'eau dans les barrages) ou d'augmentation de la température (des besoins en eau plus importants). En Tunisie, les changements climatiques impactent toutes les ressources en eau, leurs usages, la santé, les écosystèmes, et toutes les ressources naturelles en général et par conséquent toute l'économie. De ce fait, la gestion future de l'eau en intégrant l'adaptation au changement climatique devra reposer sur une approche systémique sous forme d'alliance entre l'eau, l'énergie, les écosystèmes, l'alimentation, la santé et l'éducation en tant que moteur du changement. Aussi, la gestion de l'eau n'est plus un problème de technique mais est fondamentalement un problème de gouvernance. L'eau devra être gouvernée de façon totalement innovante et surtout à un niveau beaucoup plus élevé que le niveau actuel mais aussi avec une interaction nouvelle avec le niveau le plus bas qui est celui de l'usager. Nous allons être appelés en permanence à gérer les périodes extrêmes dévastatrices (inondations ou sécheresses) car toute l'infrastructure actuelle et les aménagements ne sont plus adaptés surtout en termes de modèle de gouvernance. Le contexte de la gestion de l'eau a évolué durant les 30 dernières années et il va aussi évoluer dans les 30 années à venir, c'est pourquoi c'est une approche que je peux appeler «GCF» qu'il faudra suivre : Gouvernance, Connaissance et Finance. La conclusion du GIEC est claire : les politiques ne font pas leur boulot et tout particulièrement pour l'eau malgré que l'on ait un engagement sur la priorité de l'eau. Ainsi il faudra reconnaître et passer l'idée que les choses ne marchent pas bien. L'accès à l'eau, en tant que droit fondamental de l'homme, devient de plus en plus coûteux par le recours à la mobilisation des ressources plus chères, le besoin de renouveler les installations afin qu'elles répondent à de nouvelles normes et pour les adapter aux changements climatiques. La Tunisie est un exemple de la réunion de tous les problèmes de l'eau et qui indiquent que les choses ne marchent pas bien et que les trois principaux piliers sur lesquels l'on devrait travailler sont : la gouvernance, la connaissance et la finance avec un seul axe : l'axe politique car l'axe technique est connu : la tarification de l'eau et le système de régulation, la préservation des écosystèmes avec le recyclage, la collecte des eaux pluviales et toute infrastructure de réhabilitation, la nouvelle infrastructure permettant de tirer profit des extrêmes climatiques, les systèmes d'alertes précoces (inondations et sécheresses), la révision de l'eau pour l'agriculture (irrigation et élevage), la recharge artificielle des nappes et enfin l'assainissement et la valorisation des eaux usées traitées dans le but de protéger contre la pollution mais aussi pour une réelle production d'eau pour les besoins économiques. En remerciant nos anciens bâtisseurs, je suis impatiente de voir les nouveaux bâtisseurs car la maison de l'eau s'écroule au vu et au su de tous.