Par Jalel MESTIRI L'amour du football et les derbys ne font qu'un. La passion y est trop forte, l'enracinement bien trop tenace. On y a souvent vu naître, grandir, vieillir des noms inoubliables. Des légendes. Des éternels. EST-CA est tout sauf un match ordinaire. On ne se défausse pas. La motivation peut aller plus loin qu'on ne peut le penser. De tout temps, parler de l'Espérance et du Club Africain, c'est surtout parler de l'amour du jeu. Des touches de balles comme des caresses, des ouvertures, des délices et de ces buts comme des petits mots doux à l'oreille. Les rencontres EST-CA ont souvent pris forme dans un modèle d'épanouissement, de plénitude et de jubilation. Là où tout se mérite plus que ça ne se revendique, le rêve devient chaque fois une réalité. Une date, un rendez-vous, des matches qui ne se ratent pas et qui, d'une manière ou d'une autre, ne s'oublient jamais. Le football dans ce genre de confrontation reste un formidable exhausteur de sensations. Une passion raisonnée et déraisonnable. Un attachement qui fait du bien et qui renvoie à l'ivresse des victoires, des trophées, des épopées mythiques et des célébrations affectueuses avec les supporters. Mais qu'en est-il d'un derby sans public ? Quand on est supporter des équipes de la trempe de l'Espérance et du Club Africain, un match devient un grand moment d'émotion. C'est une « tragédie » en ce sens que l'on passe du rire aux larmes, du bonheur à la tristesse en l'espace de 90 minutes à peine. De manière générale, ce qu'offre ce genre d'opposition est un moment fort, voire éternel pour les supporters et le grand public. Ce qui fonde la popularité d'un derby tient aussi à sa version passionnelle. De tout temps, le public est sensible à ce genre de match. Il construit une cause qui est celle de revendiquer son appartenance et défendre les couleurs de son équipe. Le derby est l'assurance de mobiliser un grand nombre de supporters dans une ‘'tension'' fondamentalement plaisante. Ici et plus qu'ailleurs, on ressent de l'adhésion, de l'affiliation, de la dépendance. Etant inscrit de manière bien particulière dans la vie de tous les jours, le football s'est transformé en un véritable fait social. Entre passion et identité, c'est une superbe synthèse. Un derby sans public écarte l'expression naturelle de la passion que chacun de nous éprouve pour le football, pour le jeu, pour le spectacle. Autant de ressentiment et de frustration dans un contexte qui n'est plus des plus favorables. Car enjeux ou pas, les matchs EST-CA ont souvent transporté le public dans le temps, dans l'espace. L'environnement du football actuel n'est plus cependant enchanteur. Des actes d'absolution de ce genre impliquent des degrés de gravité très variés. Le stade n'est plus de ce fait l'endroit où le public peut s'exprimer. Le fait est là : quand le supporter n'a plus sa place dans les gradins, le football n'est plus une passion assumée. Et dire qu'il est souvent considéré comme un reflet de la société et de tout ce qui la traverse. Il en était un symbole ou, du moins, il était érigé comme tel. L'on continuera cependant et malgré tout à croire que les derbys déchaînent les passions. L'EST et le CA ont existé avec leurs publics. Ils continueront à le faire même dans les rares fois où ils ne sont pas là. A leurs côtés…