«On veut nous réduire au silence et mettre à genoux un pouvoir qu'on croyait libéré à jamais». C'est l'essentiel du cri d'alarme lancé par le président du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) lors d'une conférence au cours de laquelle les juges ont vidé leur sac Lors d'une conférence de presse, tenue hier, au palais de la justice à Tunis, son président, le juge Brahim Bouslah, a exprimé sa préoccupation à propos de ce qu'est devenue la justice en Tunisie post-révolution. Un pouvoir qui souffre dans sa chair et risque de voir son indépendance de plus en plus anéantie. « Pouvoir judiciaire entre menaces et défis », tel est l'intitulé de la conférence de presse, au cours de laquelle M. Bouslah a dit tout ce qu'il avait sur le cœur. Les difficultés qui sapent le moral des magistrats et l'intenable situation professionnelle et matérielle où ils se trouvent sont dévoilés. «Il n'y a plus de motivations, ni de garanties ni de protection. Et encore moins d'immunité, ce qui pourrait peser sur les services judiciaires rendus aux citoyens », se plaint-il, amèrement. Cet état des lieux jugé décourageant a été, ces jours-ci, aggravé par de « sérieuses » menaces de mort et de viol lancées, dernièrement, à l'encontre d'un certain nombre de magistrats et magistrates. Cela étant, la profession demeure en danger. « Nos juges ne sont plus en sécurité, même dans leurs lieux du travail, une des choses qui nous fâchent.. », a-t-il encore dénoncé, demandant à ce que les tribunaux, partout dans les régions, soient tous protégés. Un appel en urgence, maintes fois réitéré, mais qui n'a pas été, jusqu'ici, suivi d'effet, déplore le syndicat. C'est que, à l'en croire, ni le ministère de tutelle ni celui de l'Intérieur ne l'ont pris au sérieux. Le SMT persiste et signe ! Malgré tout, dit-il, la machine de la justice semble avancer contre vents et marées. Toutefois, on n'en a pas fini avec les attaques et les agressions dont le corps judiciaire est, souvent, la cible, sans que personne ne lève le petit doigt. Où allons-nous ?, s'interroge, inquiet, M. Brahim Bouslah. « On voudrait nous réduire au silence et mettre à genoux un pouvoir qu'on croyait libéré à jamais », dénonce-t-il. Entouré de ses lieutenants, le président du SMT persiste et signe : « Non, on ne lâchera jamais prise. On ne cédera guère à la pression de qui que ce soit, ni tolérer cette hégémonie malintentionnée.. Nous irons jusqu'au bout, à tout prix », affirme le syndicat, en toute confiance. Sans pour autant craindre les menaces et les coups de gueule qui le visent de partout. Même dans les plateaux des médias, ajoute-t-il, les magistrats n'ont pas été épargnés. « Aujourd'hui, le cours de l'enquête judiciaire n'est pas respecté. Ses tenants et aboutissants pouvant faire l'objet d'un débat houleux auprès des médias, ce qui n'est pas tout à fait normal», témoigne-t-il. L'IVD, encore une fois, accusée A cela, dénonce-t-il, s'ajoutent les pratiques insensées de l'IVD visant à remettre en cause le corps des magistrats. Les convocations qu'elle a déjà envoyées à certains d'entre eux, trois jours avant la fin de sa mission, pour répondre d'accusations infondées et souvent anonymes ont été perçues comme marque de harcèlement et d'humiliation. Même les procédures d'enquête que l'IVD avait poursuivies dans le cadre de la réforme fonctionnelle qui relève de son ressort, n'ont pas été faites dans la dentelle. « Ce sont des procédures loin d'être juridiques et les décisions en découlant sont injustes », réplique-t-il. Et de juger que de telles pratiques hors la loi ne sont qu'une provocation gratuite. Voire un règlement de comptes. En réaction à toutes ces accusations, le SMT ne restera pas, selon son président, les bras croisés. Autre préoccupation, un nouveau statut pour la profession, à la place de celui créé en 1967. Face à cette situation, les magistrats prévoient, le cas échéant, d'entrer dans une grève générale ouverte. Jusqu'à la satisfaction de leurs revendications.