Alors que le sort d'un million de collégiens et de lycéens est en danger, les deux parties en conflit continuent de se livrer à un débat stérile et sans objectif précis. Campant chacune sur des positions antagonistes, elles mettent toute la société tunisienne sous pression. Abstraction faite de qui a tort ou qui a raison, la situation actuelle des collèges et des lycées est on ne peut plus gravissime. Pris entre deux feux (celui de la Fédération générale de l'enseignement secondaire et celui du Ministère de l'Education), nos élèves continuent de subir, à leur corps défendant, les répercussions sans précédents d'un conflit qui s'éternise. L'impasse Depuis l'année dernière, la crise ouverte entre le Ministère et le syndicat apporte, chaque jour, son lot de surprises et de catastrophes. Il ne suffit pas d'un très mauvais départ de l'année scolaire en cours (premier trimestre sacrifié), voilà qu'on entre dans une nouvelle phase de pourrissement de la situation. Alors que les conseils de classe devaient débuter à partir du 2 de ce mois, nous en sommes encore à rappeler aux directeurs d'établissement à organiser ces réunions. A ce propos, le Ministère a demandé de tenir ces rencontres malgré les insuffisances dues à la non-remise des notes à l'administration et au non-accomplissement des devoirs de synthèse par certains professeurs. De son côté, la Fges a réitéré sa demande aux enseignants de ne pas répondre aux directives qui leur seront adressées. Ils ne doivent pas remettre les bordereaux des notes ni les signer. Ils ont, aussi, la consigne de leur syndicat de ne pas signer les bulletins qui pourraient leur être soumis par les directeurs. A ces derniers, la Fges a, également, demandé de ne pas se plier à la circulaire ministérielle qui leur enjoint de tenir les conseils de classe. Selon la partie syndicale, ces réunions seraient «illégales». Pour une impasse c'en est, vraiment, une. Et des plus graves. Puisque, c'est la première fois que notre système éducatif est ainsi bloqué. Les responsables syndicaux ne veulent pas lâcher prise et sont déterminés à aller jusqu'au bout. Ici, il faut comprendre jusqu'au pire. C'est-à-dire quitte à aboutir à une année blanche. Cela est clairement envisagé dans les discours des membres de la Fges. En d'autres termes, nos enfants rateront les deux étapes d'évaluation du deuxième et du troisième trimestre. Ils ne passeront aucun devoir ni test. De plus, ils seront privés de cours si le syndicat le décide. Cette option est à l'ordre du jour. Oui, il est fort possible que l'on arrive à ce choix d'après ce qu'affirment les différents responsables syndicaux. Marches et sit-in Pour prouver leur détermination, ces responsables syndicaux de l'enseignement secondaire ont prévu une «journée de colère», aujourd'hui mercredi 9 janvier, ainsi que le mercredi 23 janvier. Tous les enseignants devront y participer en dehors de leurs heures de cours. Dans les régions, ces rassemblements se feront devant les Commissariats régionaux à l'éducation pour que les protestataires se dirigent, après, vers le siège des gouvernorats. Au niveau du Grand Tunis, les participants s'ébranleront de devant le siège de l'Ugtt en direction de l'Avenue Habib Bourguiba vers 12h30. En attendant le pire. Il y a, aussi, la menace d'occuper les Cre si le Ministère prend des mesures coercitives à l'égard des enseignants. Pour l'heure, rien ne semble venir du côté des autorités. Celles-ci s'en tiennent à l'application stricte de son programme de l'année sans tenir compte de l'évolution dangereuse de la situation. La communication est quasiment rompue entre les deux parties en conflit, chacune étant convaincue de la légitimité de sa position. Chacune affirme défendre les intérêts de l'Ecole et de l'élève ! D'une part, la Fges affirme qu'elle ne reculera pas si ses revendications ne sont pas satisfaites. De l'autre, le Ministère rappelle qu'il fait tout pour assurer un déroulement normal des cours. Or, tout le monde sait qu'il n'y aura aucun déblocage tant que le ministère ne se sera pas plié à la volonté du syndicat. C'est, justement, ce que veut ce dernier. Il n'est pas question, pour lui, d'accepter les propositions officielles. C'est le tout ou rien. Où est la société civile ? Le bras de fer ne va pas s'arrêter. Personne n'est prêt à faire des concessions ou accepter des compromis. Comme si l'avenir de près d'un million d'élèves ne valait pas la chandelle. Cette attitude égocentrique de l'une ou l'autre des parties en conflit risque de mener le pays à de vrais périls dont on ne mesure pas l'impact. Surtout si l'on pense à l'échéance fatidique du 17 janvier, jour de la grève générale décrétée par l'Ugtt. C'est, en effet, un aveuglement total qui caractérise les réactions des responsables en présence. Mais le plus grave, c'est l'absence absolue d'un vrai débat au sein de la société civile. L'enjeu est d'une telle importance qu'il ne peut laisser personne indifférent. Le Ministère de l'Education et la Fges n'ont pas à eux seuls le monopole du système éducatif ou de l'intérêt des générations futures. C'est pourquoi on attend que l'ensemble de cette société se réveille et que les chantres des «droits» de l'homme et des «libertés» reviennent à la vie. On se demande pourquoi on les voit actifs sur d'autres fronts (défendre des personnes agressées par la police lors de manifestations, des personnes arrêtées pour suspicion de corruption ou de spéculation, des pilleurs lors des manifestations, etc.). La défense du Savoir et de l'éducation n'est-elle plus une valeur, une priorité ? Pendant ce temps, on continuera à assister à tous les dépassements sans bouger le petit doigt sauf pour mettre des obstacles devant les autorités. Qui osera s'opposer à tel ou tel abus préjudiciables aux citoyens ?.