Outre la stabilisation de la masse salariale publique, les dépenses de l'Etat pourraient être réduites en améliorant l'efficacité du secteur public. Le relevé des principaux indicateurs sur une périodicité politique (années de changements de gouvernements : 2010, 2011, 2013, 2014, 2016, 2018, 2019) montre que la Tunisie est en train de s'acheminer vers une crise de la dette publique, une rupture des équilibres financiers. Le besoin de financement de l'Etat était de 1,8 milliard en 2010, il est de 10 milliards en 2018 (25% du PIB, prévus d'être empruntés en 2019, dont 2,3 intérieurs). L'Etat en 2019 empruntera le double du déficit budgétaire, pour combler le déficit et rembourser la dette (6 milliards de principal et 3 d'intérêts). Les encours de dette étaient de 25 milliards en 2010, ils sont aujourd'hui à 76 (70% du PIB) et seront de 83 en 2019. Secteurs sinistrés Les dépenses de l'Etat sont passées de 14 à 31 milliards de DT entre 2010 et 2018. Le fonctionnement de 10 à 25 (rémunérations de 6,7 à 16 et la compensation de 2,3 à 7) et l'équipement de 4 à 6 milliards de DT. Les recettes, elles, n'ont augmenté que de 12 à 24 milliards au cours de la même période. L'impôt sur le revenu et les impôts indirects ont été, chacun, multipliés par trois. La dernière sortie avait comme objectif de lever 500 millions d'euros pour couvrir les deux derniers mois de 2018. Elle n'a levé que 100 millions. Cette situation peut être expliquée par deux facteurs : La situation de certains secteurs-clés sinistrés de l'économie (pétrole, phosphate, tourisme), ainsi que celle des entreprises publiques expliquent une large part de l'ampleur de ces déficits, La conduite pendant les années 2012/2013 et 2015/2016 d'une politique de relance sans se soucier des effets de cette politique sur les équilibres financiers. Si la dette est insoutenable lorsqu'elle menace la solvabilité, quel est le seuil critique ? Il faut ainsi mobiliser les institutions de statistiques (CEA, Itceq, INS), voire lancer un débat national. Il est nécessaire d'introduire un cadre budgétaire pluriannuel dans l'esprit de la loi de programmation des finances publiques, mais plus détaillé, qui soit cohérent avec la règle et la mette en œuvre, ainsi qu'une obligation constitutionnelle pour le gouvernement à adhérer à ce cadre. Réformer la gestion du budget de l'Etat Ramener la dette publique au-dessous de 60 % du PIB implique un effort majeur d'assainissement budgétaire. Un tel effort d'assainissement nécessite des excédents du solde primaire des administrations publiques. Sachant qu'une augmentation du taux d'intérêt effectif engendrerait à long terme des coûts budgétaires supplémentaires. Si les variables de maîtrise de la dette sont : le taux d'intérêt des emprunts extérieurs, le solde primaire, le taux de croissance, et le taux d'intérêt réel, alors la stabilisation de l'endettement (dans un contexte où 50% de l'économie sont informels, 50% des contribuables sont en défaut, et le taux de couverture du contrôle fiscal est de 1%) passe par l'amélioration de la croissance et l'excédent primaire (faibles dépenses et fortes recettes). Cela implique une programmation sur trois ans avec objectifs précis, que la loi de finances interprète annuellement. Restructurer la dette pour privilégier l'emprunt intérieur Au-delà de la réduction de la dette en deçà de 90% du PIB, (pour limiter la captation de l'épargne par l'Etat, favoriser l'investissement privé — plus rentable — et la croissance), l'Etat doit pouvoir emprunter à la BCT (fort taux des BTA) et réduire les dispositifs fiscaux (800 en trois ans). Améliorer l'efficacité du secteur public Outre la stabilisation de la masse salariale publique, les dépenses de l'Etat pourraient être réduites en améliorant l'efficacité du secteur public. La Tunisie a l'un des secteurs publics les plus larges si l'on se fonde sur les dépenses des administrations publiques en pourcentage du PIB, et sur la part de l'emploi des administrations publiques dans la population active. Pourtant, l'efficacité perçue du secteur public, mesurée par l'Indicateur mondial de gouvernance de la Banque mondiale, est faible. Parmi les grands pays industrialisés de l'Ocde, seuls les Etats-Unis, l'Italie et le Japon obtiennent de moins bons résultats. Les gouvernements français successifs, reconnaissant les amples possibilités d'amélioration de l'efficacité du secteur public, ont lancé deux initiatives majeures pour remédier à ce problème : la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et la Rgpp. Créer un organisme de gestion de la dette publique Au-delà de l'optimisation de la gestion des sorties(limitant le creditcrunch) cette institution doit communiquer au public l'impact des décisions financières. Privatiser partiellement les entreprises publiques L'Etat doit restructurer et privatiser partiellement les services déficitaires et non stratégiques (pour limiter le déficit et apporter des liquidités,à l'instar de la régie des tabacs — monopole concurrencé — aussi la LF 2019 prévoit la création d'une banque des régions, ...), puis octroyer des licences à des concurrents. Les PPP sont une «dette cachée».Le projet a lieu sans investissements publics, implique un suivi et contrôle. En fait l'Etat stratège limite l'Etat au premier maillon de la chaîne : planification, exécution, commercialisation, exploitation.